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tifique et une méthode historique. C'est dans ces deux méthodes conséquentes l'une à l'autre, qu'est tout l'esprit de la philosophie de M. Royer-Collard. C'est par ces deux méthodes que son enseignement a créé une école et produit un mouvement qui lui a survécu, et qui aura, nous l'espérons, de lonI gues conséquences 1. »

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TIQUE EN ANGLETERRE; WALTER SCOTT; LES LAKISTS; BYRON.

Double but que poursuit la littérature.

Il est difficile, pour ne pas dire impossible, d'écrire l'histoire d'une littérature contemporaine. Comment apprécier un mouvement d'idées qui n'a pas terminé son évolution? Comment juger des hommes qui, pour la plupart, vivent encore, et n'ont peut-être pas dit le dernier mot de leur talent? La critique qui veut s'élancer au-dessus de la polémique capricieuse du feuilleton et aspire à la gravité de l'histoire, a besoin qu'un certain éloignement établisse la perspective et donne à chaque objet sa véritable grandeur. Nous prions donc le lecteur de n'attendre de nous qu'une revue rapide des noms les plus célèbres, qu'une indication sommaire de l'esprit général de la dernière époque de notre littérature, et de vouloir bien redoubler d'indulgence pour un travail où les erreurs sont presque inévitables.

4. Th. Jouffroy, OEuvres complètes de Th. Reid, avec les Fragments de M. Royer-Collard et une Introduction de l'éditeur, t. III, p. 342,

La France poursuivit sous la Restauration le double but que nous avons cru devoir assigner aux efforts de notre âge: d'une part rétablir sur des bases nouvelles les principes ébranlés par le siècle précédent, de l'autre renverser la dernière autorité qui eût échappé à l'émancipation générale, celle des règles de convention en littérature. Ces deux objets, d'une importance si inégale, qui semblaient isolés et indépendants l'un de l'autre, sinon contraires, étaient cependant enchaînés par une étroite logique. La même source devait faire renaître une philosophie religieuse et une poésie: ces deux rayons devaient jaillir du même foyer; or, ce principe commun, c'est, au XIXe siècle, le culte du vrai en soi, reconnu librement et interprété par la raison, dans la mesure de ses forces.

Cette œuvre était la continuation et le développement de celle du XVIIIe siècle. Seulement notre époque affirmait positivement ce que l'époque précédente avait dit sous la forme négative. L'une avait repoussé toute doctrine transmise sans examen, l'autre aspirait à la vérité reconnue et prouvée.

Cette tendance vers ce qui est vrai en soi s'est manifestée d'une manière plus ou moins obscure dans tous les ordres de phénomènes de la société que nous étudions. Elle s'est produite en politique dans l'école doctrinaire, qui proclame la souveraineté de la raison et le droit de la capacité, abstraction faite de la naissance; en littérature, dans l'école romantique, dont la partie raisonnable professe le culte universel du beau, sans égard pour les usages et les modèles du passé; en philosophie, par l'école éclectique, vouée à la recherche impartiale de la vérité au milieu des doctrines de tous les systèmes.

Cette même tendance, pervertie et mal comprise, a donné naissance aux erreurs dont nous avons été les témoins elle a produit en politique le dogme de la souveraineté arbitraire du nombre, sans égard à celle de la raison; en littérature le culte grossier du réel, au détriment de l'idéal; en philosophie le panthéisme de la matière, au lieu de l'adoration du Dieu infini.

Le conflit de ces erreurs avec les vérités qu'elles entravent, le choc de ces vérités contre le passé qu'elles corrigent, ont causé la fermentation tumultueuse qui tourmente la période contemporaine, et dont la littérature n'a présenté que trop de preuves.

Il nous suffit ici d'avoir signalé la correspondance logique des trois ordres de faits où domine le même principe. C'est seulement dans la littérature que nous devons en chercher les développements.

Nous pensons que l'histoire des lettres françaises devra considérer les quinze années de la Restauration comme une belle et féconde période. Non qu'elle puisse s'égaler à ces autres époques d'unité et d'harmonie où toutes les forces d'une nation, où le monde social tout entier dirigé par une seule impulsion entraîne autour de lui les arts comme une brillante et paisible atmosphère : tel avait été en France le XIIIe siècle, tel fut le xvir, époques d'organisation accomplie, étapes heureuses où se repose la pensée. Le XIXe siècle ressemblerait plutôt au XVI, sauf toutes les restrictions que comportent de pareilles analogies. C'est un âge d'activité, de mélanges violents, de fermentations redoutables. Au point de vue de la poésie, il y a discordance entre l'idée puissante mais confuse et la forme indécise encore qu'elle s'efforce de trouver. C'est alors que l'expression s'isole et cherche à vivre de sa propre substance: alors se forment des pléiades qui cultivent la langue, la versification pour elles-mêmes : on proclame, sans bien l'entendre, la théorie de l'art pour l'art; alors Ronsard veut créer de toutes pièces une poésie nouvelle; alors Joachim du Bellay lance d'ambitieux manifestes i propose d'abandonner la vieille veine gauloise pour se jeter dans l'imitation d'une littérature étrangère. Au XVI comme au XIXe siècle le résultat est le même créer une littérature qui représente la société contemporaine. Le moyen est semblable: arracher la poésie à ses vieilles habitudes. Seulement, au xvr siècle, il s'agissait de rompre avec le moyen âge les novateurs montrèrent pour modèles l'Italie, avec l'antiquité qu'elle avait reconquise. De nos jours il fallait répudier les fausses imitations classiques: les nova

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teurs nous ont présenté l'Allemagne, avec le moyen âge qu'elle avait conservé ou rajeuni. C'est souvent en changeant de servitude qu'on fait l'apprentissage de la liberté.

Il faut peu s'effrayer de ces engouements passagers que nous inspirent ainsi des arts qui ne sont pas les nôtres. Toutes ces modes brillent à la surface, elles enrichissent, elles déguisent quelquefois nos productions, mais sous ce luxe étranger vit toujours immortel le vieil esprit français. Marot renaît après Dubartas; c'est lui qui brille dans la Satire Mėnippée: il s'appelle Durand, Passerat, Chrestien, en attendant qu'il se nomme Voltaire.

Écoles classique et romantique en Allemagne.

Un grand mouvement littéraire et philosophique avait signalé en Allemagne et en Angleterre la fin du XVIIIe siècle et les débuts du XIX. Déjà, sous l'Empire, Mme de Staël avait appelé de ce côté l'attention de la France: les événements politiques qui amenèrent la Restauration, le séjour des armées ennemies en deçà du Rhin et de la Manche, introduisirent chez nous les littératures du Nord. La mode s'en mêla les livres de Berlin et de Londres furent accueillis avec empressement dans certains salons de Paris, et ces salons étaient ceux des vainqueurs; l'esprit de parti favorisa cette fois une idée utile et juste. On nous permettra de nous arrêter quelques instants à esquisser le caractère de cette invasion littéraire, qui a exercé sur la plupart de nos écrivains une influence si décisive.

La première moitié du xvIIe siècle en Allemagne avait été toute française: l'éclat de Louis XIV et de ses poëtes avait fasciné l'Europe. Les petites cours germaniques s'efforçaient d'imiter de leur mieux la splendeur du grand roi : mais elles l'imitaient sans goût et avec l'exagération d'une demi-barbarie qui veut ressembler à l'élégance. Les jardins de Versailles se reproduisaient à Munich et à Dresde: les forêts se taillaient en pièces d'échiquier; les sapins du Nord étaient transformés en vases antiques. Dans ses fêtes, l'électeur de Saxe, Frédéric-Auguste, prenait lui-même et donnait à sa cour des costumes et des rôles mythologiques. On y voyait

figurer, comme dans les ballets de Versailles, Apollon, Vénus et les Hamadryades. Les réfugiés français, bannis par la révocation de l'édit de Nantes, augmentèrent l'influence des mœurs françaises. C'est par un Français que fut élevé Frédéric le Grand. Son règne fut celui de Voltaire et du goût français. Il y eut une académie française à Berlin; la langue et la littérature nationales étaient également dédaignées.

Dans ces circonstances, la poésie allemande crut n'avoir rien de mieux à faire que d'être aussi française qu'elle le pouvait. Gottsched, comme poëte et comme critique, fut le chef et le dictateur de cette école. Sans imagination, doué d'une triste fécondité, il borna sa gloire à imiter faiblement nos chefs-d'œuvre, et à établir les formes extérieures de nos compositions comme les lois essentielles et inviolables. du goût.

Mais le génie de l'Allemagne était doué d'une originalité trop vivace pour disparaître ainsi sous les caprices d'une mode étrangère. Les relations politiques hâtèrent son réveil : la fatale guerre de sept ans éloigna la Prusse de la France et la rapprocha de l'Angleterre, avec laquelle son vieil esprit teutonique avait conservé de secrètes sympathies. Ce ne fut pas en vain que la voix puissante de Shakspere, les sombres et emphatiques plaintes d'Young, et même les nuageuses poésies du faux Ossian vinrent évoquer le sentiment profond et rêveur des races du Nord. Alors reparurent, dans de précieuses quoique incorrectes éditions, les chants des Minnesinger, ces troubadours allemands du XIIe siècle, et le vieux poëme chevaleresque de Perceval, répété jadis en allemand par Wolfram d'Eschenbach.

L'homme qui rendait ainsi la vieille Allemagne à ellemême, était le Suisse Bodmer, professeur à Zurich, et adversaire déclaré de Gottsched. Il s'était construit au pied des Alpes une villa simple et rustique où se réunissait une société de jeunes gens pleins d'avenir. C'est dans ce Ferney modeste du patriarche des lettres germaniques que se rencontraient Haller, poëte et savant du premier ordre, dont la capacité universelle faisait déjà honneur à la Suisse, sa patrie : le jeune Klopstock, qui méditait sa douce et sublime mais

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