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» pour qu'ils ne puissent pas ignorer combien › nous avons en horreur leurs joies criminelles » et leurs infâmes divertissemens. » Et saint Augustin (1): « Pleurons et jeunons, pour les ido» litres; pensons aux péchés et aux malheurs » dans lesquels ils se plongent. » On trouve des traces de ce jeûne dans les actes du deuxième concile de Tours (2).

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Saint Charles Borromée fit plusieurs mandemens et instructions pastorales contre les divertis » semens du Carnaval (3). «Sont-ce là, disoit-il en gémissant, des œuvres des enfans de l'église ? Ah! > ceux qui n'en rougissent pas, sont indignes de por » ter un tel nom. Ce sont des enfans ingrats et dé» naturés. Leur tendre mère les appelle pour pleu» rer en présence du Sauveur, et ils la mépri» sent: ils courent, en insensés, aux festins et » aux jeux profanes du monde. Qu'ils écoutent, » au moins, cette menace du Dieu des armées': » Je l'ai juré; vous porterez votre iniquité jusqu'à la mort (4). Le cardinal Palæota archevêque de Bologne, qui fut, après saint Charles, la première lumière du clergé de son siècle, et le plus riche instrument de la miséricorde divine pour son troupeau, s'efforça d'arrêter la dissolution et de réparer les brêches faites à la discipline de l'église, en instituant dans les monastères et dans les églises paroissiales, des prières, dites de trente heures, des sermons et des indulgences durant les trois jours

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(1) Serm. in Ps. XCVIII. n.o 5.; vide S. Ces. Arel., serm. 7; in append. serm. S. Aug.

(2) Can. 17.

(3) Act. Eccl. Mediol. tom. 2. p. 920. etc. (4) Isaï. XXII. 14.

de la Quinquagésime (1). Saint Charles, dans le cinquième concile de Milan, avoit établi et fortement recommandé de pareilles dévotions. Saint Philippe de Néri établit à Rome, avec autant de succès que de zèle, de pieuses processions, aux sept principales églises, pendant ces trois jours. En beaucoup d'autres pays, les oraisons de quarante heures, avec exposition du Saint Sacrement, des saluts, des sermons et autres pratiques pieuses de toute espèce sont en usage pendant ces trois jours. Ces pieux exercices sont recommandés tout particulièrement par le cardinal le Camus, évêque de Grenoble (2), et plusieurs autres prélats, remplis de zèle et de lumière. On a même la consolation de voir un assez grand nombre de fidèles, dociles aux exhortations des ministres de l'évangile, se tenir assidument au pied des autels, durant ce temps de crimes, et s'unir aux ames ferventes, qui, dans les monastères, en font des jours d'adoration perpétuelle.

Le Père Ange de Joyeuse, qui avoit renoncé aux titres de Duc, Pair et Maréchal de France, et à une immense fortune, pour servir Dieu dans l'ordre des capucins, prêcha autrefois à Lyon, avec le zèle d'un homme apostolique; et tel fut l'effet de ses paroles, que toute la ville, au lieu d'être, comme par le passé, le théâtre d'une joie bruyante et grossière, n'offrit, durant ces trois jours, que le spectacle du plus pieux recueillement. Le savant cardinal Lambertini, qui fut ensuite élevé au souverain pontificat, sous le nom de Benoît XIV, indiquant à Bologne, dont il étoit alors archevêque, les prières de quarante

(1) Pontificale Bononiense, p. 344.

(2) Instr. pastor. du card. Lecamus, tit. 6. art. 10.

heures, avec des instructions publiques, des processions, l'exposition et la bénédiction du SaintSacrement, adressa dans son mandement ces paroles à son peuple : « D'une part, nos très

chers frères, le monde vous invite à ses diver> tissemens impies; de l'autre, Dieu, par l'or»gane de ses ministres, vous appelle dans ses » temples. C'est à vous maintenant de choisir › l'étendard sous lequel vous préférez combattre, » et le parti que vous voulez embrasser (1)». Etant pape, il accorda pour l'état ecclésiastique, une indulgence plénière à tous ceux qui confesseroient leurs péchés, communieroient et visiteroient avec dévotion quelque église où le Saint Sacrement seroit exposé pendant trois jours de chacune des semaines de la Septuagésime, de la Sexagésime, et de la Quinquagésime, en réparation des dérèglemens du carnaval. Clément XIII, son successeur, a étendu cette grâce à toute l'église, par un bref du 23 Juillet 1765. Il y exhorte tous les ministres de Jésus-Christ à consacrer particulièrement ces jours à l'oraison, pleurant amèrement entre le vestibule et l'autel, comme Dieu les y invite par un de ses prophètes (2), pour détourner son bras vengeur, et retenir dans les voies du salut ses enfans égarés. Félix de Wavrans, évêque d'Ypres, adressa au clergé de son diocèse, en 1768, une instruction pastorale dans laquelle il défendit à tous les ecclésiastiques d'assister aux banquets et aux assemblées, même de se tenir aux portes ou aux fenêtres, ou de paroître en public, durant ces jours de scandale, si ce n'est pour se rendre à l'église, ou près des ma

(1) Instit. XIV.

(2) Ezech. VIII. 16.

TOME XIII.

I

lades. Le baron de Montmorency, chancelier de l'échiquier ou du trésor, en Flandre, sous le règne de Philippe II, qui, au milieu des graves occupations de sa charge, sut pratiquer les plus éminentes vertusde la vie solitaire et contemplative, parmi les prières qu'il a composées pour les fêtes de l'année nous a laissé des sentimens et des actes pleins d'onction pour les trois jours de la Quinquagésime. On peut encore recommander, pour ce saint temps, les psaumes de la pénitence, les litanies des Saints, et les entretiens sur les souffrances de Notre-Seigneur, et sur le SaintSacrement de l'autel.

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CINQUIÈME TRAITÉ.

SUR LE JEUNE DU CARÊME.

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CHAPITRE PREMIER.

Sur l'Institution et l'Obligation du Jeûne.

LE Carême est un jeûne solennel observé, chaque année, par l'église chrétienne, pendant quarante jours, avant la fête de Pâques (a). C'est une des lois les plus saintes et les plus respectables de l'église, si l'on considère; 1. son antiquité; 2. son universalité; 3.° les avantages spirituels qu'elle procure.

En consultant les monumens et les autorités que nous offre l'histoire du christianisme, depuis son établissement jusqu'à nos jours, les conciles et les écrivains ecclésiastiques, il est aisé de se convaincre que la loi du jeûne quadragésimal remonte, sans interruption, jusqu'au temps des successeurs immédiats des apôtres.

(a) Les mots grec et latin reggapaxon et Quadragesima, d'où dérivent les mots français, italien et espagnol qui expriment cette sainte quarantaine, signifient jeûne de quarante jours. Le mot anglais lent, signifie jeûne du printemps, lent-en-tide dans l'ancien anglo-saxon, étant la saison du printemps. Voyez les dictionnaires anglo-saxons de Junius, Benson, Raymond, etc.

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