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avoit lui même aspiré, se fit chef de parti, et inventa une nouvelle hérésie, par laquelle il préluda à celle des Calvinistes modernes et des Presbytériens d'Angleterre, comme le remarquent les docteurs Heylin et Scharpe (r). Les erreurs qu'il proclama consistoient principalement à avancer que, d'après l'institution de Jésus-Christ, un évêque ne diffère en rien d'un simple prêtre; qu'il est inutile de prier pour les morts; que les fètes et les jeunes étant un reste de judaïsme, on ne sauroit être obligé de les observer. « Cet

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hérésiarque prétend, dit saint Augustin (2) » que les jeûnes établis ne doivent pas être ob» servés solennellement, mais que chacun est » libre de jeûner quand il lui plait. »

Aërius vivoit encore, lorsque saint Epiphane écrivit, en 376, et sa seete subsistoit en 428, quand saint Augustin publia son livre sur les hérésies. Celle à laquelle il avoit donné naissance, fut anathématisée et par les catholiques et par les ariens eux-mêmes; elle ne tarda pas à

s'éteindre entièrement.

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Loin donc qu'elle soit un monument favorable a la cause de nos adversaires, elle dépose hautement contre eux, si l'on considère le zèle unanime dont s'arinèrent tous les Chrétiens pour la combattre ; et elle atteste que', dès les premierssiècles, la loi du jeûne étoit, dans l'église, une loi universelle. པ Il n'y a pas une île, dit saint » Basile (3), pas un continent, pas une ville > pas un coin de la terre ou cette loi du jeune ne

(1) Voyez Hist. des presbytériens, par Reglin, et l'histoire chronologique des hérésies, par Scharpe.

(2) S. Aug. hæres. 53. t. 8. p. 18. 25

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(3) Hom. de jejun. p. 11. edit. Heylin.

» soit connue soldats, voyageurs, matelots » marchands, l'entendent publier par-tout, et s'y >> soumettent avec une humble docilité : que per» sonne donc ne s'en croie exempt. Tout Chrétien, » quel que soit son pays et son rang,est compris dans » le précepte : les anges inscrivent les noms de ceux » qui l'observent ponctuellement : craignez qu'en » vous montrant réfractaire, le vôtre ne soit effacé » de la liste des serviteurs fidèles. »

Saint Bernard, dans un sermon sur le jeûne du Carême, s'écrie (1): « C'est maintenant que > notre divin Maître, livre au démon une guerre » générale avec les forces réunies de ses armées » répandues dans tout le monde, Heureux ceux » qui combattent vaillamment sous ses éten»dards. Et ailleurs (2): « Voici les jours où les rois et les princes, le clergé et les laïcs, les » nobles et le peuple, les riches et les pauvres yont jeûner comme s'ils ne faisoient qu'un. »Ne seroit-ce pas une honte de succomber sous » un joug que porte toute l'église? »

Concluons que tout Chrétien qui, pouvant observer le jeûne, le transgresse au mépris de l'autorité et de la pratique universelle de l'église ; se déclare lui-même en état de rebellion contre sa mère en Jésus-Christ, et se rend grandement coupable envers celui qui ordonna d'obéir à son église, sous peine d'être regardé comme païen et comme publicain.

Considérons maintenant la loi du jeûne, comme un remède et un préservatif du péché, et comme un moyen d'avancer dans les voies du salut; et nous concevrons qu'il est de notre intérêt spiri

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(1) Serm. 7. de Quadrag. n. 4.

(2) Serm. 3.

tuel que nous nous y conformions avec autant de zèle que d'exactitude. Cette matière devant recevoir quelques développemens, nous lui consacrerons en entier le chapitre suivant.

car,

CHAPITRE II

Sur les avantages spirituels du Jeûne.

il

Tous les hommes sont pécheurs : tous doivent donc faire pénitence, et conséquemment jeûner : selon la doctrine de l'ancien et du nouveau Testament, selon celle de tous les Saints, et d'après la tradition constante de l'église, le jeûne doit faire partie de la pénitence. C'est la chair qui, le plus souvent, est, pour nous, l'occasion du péché, c'est donc la chair qu'il faut mortifier. Non-seulement le jeûne est un remède pour les fautes passées, mais il est encore un préservatif contre les rechutes. En affoiblissant le corps, ralentit le feu des passions et rend à l'esprit l'empire qu'il doit exercer sur les sens. C'est un véritable sacrifice par lequel nous nous offrons à Dieu comme des hosties vivantes, sacrifice qui nous fait mourir au monde et à nous-mêmes, qui nous purifie et nous dispose à mener à l'avenir une vie toute intérieure et toute céleste. « Jeûnez, dit » saint Basile (1), parce que vous avez péché; » jeûnez encore pour ne plus pécher. » C'est l'intempérance jointe à l'orgueil qui perdit le monde; c'est l'intempérance qui creusa l'abîme, lequel est plongée, depuis six mille ans, la malheureuse postérité du premier homme. Le Fils de Dieu fait chair a, il est vrai, réconcilié le ciel avec la terre, arraché par ses souffrances et sa

(1) Hom. I, dé jejun.

dans

mort les hommes aux puissances de l'enfer, et satisfait surabondamment à la justice divine. Cependant tant de mérites du Verbe incarné ne sauveront pas celui qui ne veut pas lui - même se sauver. Dieu, dans son ineffable miséricorde, a ouvert à l'homme un trésor de grâces; c'est à lui d'y venir puiser; le Christ a planté l'arbre du salut, c'est à l'homme d'en recueillir les fruits. S'il veut que les mérites de la passion lui soient appliqués, qu'il prenne sa croix, et marche à la suite du Sauveur, c'est-à-dire, qu'il s'inflige quelque peine pour obtenir le pardon de ses iniquités comme son divin maître s'est condamné à une mort cruelle, en expiation des péchés de toute la terre.

En effet, comme le répète souvent saint Augustin, il faut que le péché soit puni, ou dans ce monde par des châtimens volontaires, ou dans l'autre, par des supplices éternels: car alors, la grâce se sera retirée pour jamais, et le temps des miséricordes sera passé pour ne plus revenir. Comment un Chrétien pourroit-il hésiter dans cette alternative? A quelle austérité l'homme raisonnable ne se condamnera-t-il point ici-bas, pour éviter des maux qui ne doivent pas finir? Sa vie, dûtelle n'avoir été qu'une longue pénitence, le pardon de son péché ne seroit pas moins un don tout gratuit de la bonté divine: car les œuvres de -l'homme, quelque pures qu'elles soient, non plus que les œuvres de tous les hommes ensemble, ne peuvent par elles-mêmes effacer un péché. Sans les mérites infinis du sacrifice de JésusChrist, la pénitence de l'homme seroit de nul effet; et, prétendre obtenir, par d'autres voies, la rémission de nos fautes, ce seroit vouloir l'impossible, comme le dit saint Augustin, parce que

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