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CHAPITRE II.

De la promesse et de l'attente du Messie.

La naissance d'un Sauveur destiné à changer la face de la terre, devoit être annoncée solennellement au monde, et signalée par des prodiges. Aussi, à peine l'homme a-t-il péché, que Dieu dit à la femme, que d'elle sortira celui qui écrasera la tête du serpent (1). Il fait connoître ensuite que c'est de la race d'Abraham que doit naître le Messie,le Rédempteur des hommes (2). La postérité d'Isaac est choisie et désignée pour cette promesse, de préférence à celle des autres enfans d'Abraham (3). Isaac a deux fils; le Seigneur déclare que c'est par les enfans de Jacob, que les hommes recevront la bénédiction pro mise (4). Entre les douze fils de Jacob qui deviennent chefs des douze tribus d'Israël, Dieu réserve pour ses desseins, et désigne expressé ment la famille de Juda. (5) Moïse, autre figure du Messie, l'annonce dans le désert aux Israélites (6). Il leur en présente des allégories prophétiques. dans les rites et les cérémonies de la loi. Le serpent d'airain qu'il suffisoit de regarder pour être.guéri, étoit une image bien frappante de cette croix

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vivifiante, instrument du salut des hommes. Les quarante années passées dans le désert indiquoient bien les quarante siècles, ou les quatre mille ans qui devoient précéder la naissance du Sauveur. Le nom de Josue ou Jésus, chargé d'introduire le peuple de Dieu dans la terre promise, annonçoit cet auguste nom de Jésus, de Sauveur, porté par le fils de Dieu lui-même qui vint nous ouvrir les portes du ciel. David (a), dans les psaumes et les cantiques, annonce, prédit et chante les merveilles qui doivent précéder, accompagner et suivre l'avènement du Fils de Dieu. Plus les temps approchent, plus les prophéties se multiplient; plus les époques et les circonstances sont déterminées. Jérémie annonce le massacre ordonné par Hérode (1). Daniel fixe l'époque de la naissance de Jésus (2). Isaïe parte de cette Vierge qui doit enfanter un fils qui s'appellera Emmanuel (Dieu avec nous) (3). Michée adresse à Bethleem, lieu de la naissance du Sauveur, ces paroles remarquables: Et toi, Bethléem, de Juda, tu n'es pas la moindre entre les principales villes de Juda, puisque de toi sortira le conducteur qui gouvernera Israël mon peuple (4). Aggée prédit, cinq cents ans avant la venue du Messie, que le temple, qui venoit d'être rebâti, seroit rempli de gloire par la présence du désiré des nations (5). Zacharie

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(a) David étoit le fils de Jessé, dont le nom en hébreu signifie l'Etre; comme le Messie est le fils de Jehovah, Etre par excellence.

(1) Jérém. XXXI. 15.

(2) Daniel. IX. 24. 25. 26. 27.

(3) Isaïe. VII. 14.

(4) Michée. V. 2. (5) Aggée. II. 8.

nous représente ce roi sauveur, pauvre, monté sur une ânesse, ne voulant pas régner par la lá force des armes, mais venant prêcher la paix aux nations (1). Presque tous les textes des prophéties ont rapport à la naissance, à la vie, à la mort de l'Homme-Dieu, et tous ont été accomplis d'une manière authentique et solennelle (a).

Mais ce n'étoit pas seulement parmi le peuple choisi de Dieu, que se conservoit l'attente du Messie. Les païens eux-mêmes, soit par la dispersion des Juifs, soit par la conservation de la tradition primitive, comptoient sur l'avène ment d'un homme extraordinaire et divin, que Confucius appelle le désiré des nations, le saint qu'on pourra comparer à Dieu; qui, selon Platon, est celui qui doit nous sauver en nous enseignant la doctrine véritable; que Cicéron annonce comme le maître commun, le souverain monarque, le Dieu dont la loi une, éternelle, immuable, régira tous les peuples dans tous les temps. Tacite (2) et Suétone (3) parlent tous deux d'une opinion ancienne, répandue en Orient, des hommes sortis de la Judée deviendroient les maîtres du monde. Les livres sybillins (6)

que

(1) Zacharie. IX. 9. 10.

(a) Voyez le tome XII des vies des Saints, au 25 Décembre, jour de la Noël.

(2) Hist. l. 5. c. 13.

(3) Vit. Vesp. c. 4.

(6) Sybille, mot grec, Zivila, signifie prophetesse. Les prédictions des sybilles, connues sous le nom de vers sybillins, furent citées victorieusement, à l'appui de la religion chrétienne, par Lactance, saint Justin, saint Théophile d'Antioche, Clément d'Alexandrie, et autres Pères de l'église. Fréret, dans les mémoires de l'académie des inscriptions (t. 23, in-4.°) et, avec lui, quelques modernes ont cherché décliner l'autorité des oracles sybillins. Nous ne travaillerons pas à prouver l'authenticité disputée de quelques

que les païens conservoient comme des livres mystérieux et de la plus haute antiquité, et dans lesquels ils lisoient les principales destinées du monde, parlent de la naissance du désiré des nations. Les savans missionnaires de la Chine

et entre autres le célèbre père Amiot, ont enrichi l'Europe de la traduction (a) de plusieurs des livres sacrés des Chinois. On lit dans le Tchong Yong, ou l'invariable milieu, des passages très-frappans, qui paroissent devoir se rapporter à l'attente d'un Homme-Dieu, le Sauveur et la lumière du monde.

uns des textes favorables au christianisme, qui, selon saint Augustin, trouve assez de force dans les prophéties conservées par les Juifs, ses ennemis. Nous ne tenterons pas de pénétrer dans les desseins de la divine providence, ni de scruter les moyens qu'il lui a plu d'employer pour éclairer l'univers.

Nous nous contenterons de citer Virgile, qui écrivoit, 49 ans avant la naissance de Jésus-Christ, ces vers remarquables dans son églogue à Pollion:

Ultima Cumai venit jàm carminis ætas :
Magnus ab integro sæclorum nascitur ordo.
Jam redit et virgo, redeunt Saturnia regna;
Jam nova progenies cœlo demittitur alto....

Tu modò nascenti puero, quo ferrea primùm
Desinet, ac toto surget gens aurea mundo
Casta fove Lucina . . . . .

Ille Deûm vitam accipiet, divisque videbit
Permixtos Heroas, et ipse videbitur illis,
Pacatumque reget patriis virtutibus orbem.

On voit par ces vers composés d'après les livres sybillins, que ces livres annonçoient comme très-prochaine la naissance d'un enfant miraculeux. Virgile veut flatter Pollion, et en fait l'application à un des fils de ce consul. Mais ne sont-ils pas plutôt applicables à ce divin Rédempteur qui devoit venir du ciel sur la terre, pour y ramener la paix et la justice.

(a) Ces traductions sont dues à un lettré chinois, nommé Ko.

Qu'elle est belle cette tradition qui commence avec le monde, et qui, malgré d'innombrables erreurs, se perpétue chez tous les peuples! Qu'elle est imposante cette parole que Dieu a prononcée dès l'origine des siècles, et que tous les siècles redisent avec un saint respect. Qu'il est étonnant ce prodigieux accord du Grec, du Romain, du Chinois, de l'Hébreu, qui, tous attendent ce juste par excellence, devant lequel tous les peuples se prosterneront, et dont la voix retentira dans toutes les parties du monde (a).

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(a) Tous les hommes, dit l'abbé Mignot, dans les mé» moires de l'académie des inscriptions, (LXV, p. 4 et 5) » ont été universellement persuadés qu'il leur falloit un médiateur, par lequel ils pussent présenter leurs vœux à Dieu » en être favorablement écoutés, et recevoir les secours dont » ils avoient besoin. Mais la révélation s'étant obscurcie chez eux, et les hommes ayant perdu de vue le seul médiateur qui leur avoit été promis, ils lui ont substitué des médiateurs de leur propre choix; de là est venu le culte des planètes et des étoiles, qu'ils ont regardées comme les » tabernacles et la demeure des intelligences qui en régloient » les mouvemens. . . . . Mais ceux qui étoient plus instruits des premières traditions du genre humain, ont parfaite»ment senti l'insuffisance de pareils médiateurs ; ils ont non» seulement désiré d'être instruits de Dieu,ils ont même espéré » que l'Etre suprême viendroit un jour à leur secours, qu'il › leur enverroit un docteur qui dissiperoit les ténèbres de > leur ignorance, qui les éclaireroit sur la nature du culte qu'il exige, et qui leur fourniroit les moyens de réparer » la nature corrompue. »

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Prideaux, (Hist. des Juifs, 1. partie. l. 3.) dit que la nécessité d'un médiateur entre Dieu et les hommes, étoit, depuis le commencement, une opinion régnante parmi tous les peuples. La prophétie si précise de Balaam: Orietur stella ex Jacob et consurget virga de Israel . . . . . De Jacob erit qui dominetur. Numer. XXIV. 15 et seq., étoit, comme l'observe d'Herbelot, fort répandue dans l'Orient. Nous trouvons, en effet, dit un savant anglais, qu'une vive attente d'un puissant libérateur et réparateur, vainqueur du serpent, et fils du Dieu suprême; attente dérivée en partie de la prophétie de Balaam, et en partie de la tradition plus ancienne d'Abraham et de Noë, ne cessa jamais de prévaloir d'une manière plus ou moins précise et distincte dans

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