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Et harassés, fiévreux, une auréole au front,
Les bras levés, les yeux extasiés, ils vont.
Ils subirent dangers, souffrances, sacrifices;
Il fallait que les Écritures s'accomplissent!
Pour qu'un verset sacré juste à propos tombât,
On devait voir ceux d'Arabie et de Saba,
Les émirs de Tharsis et des îles lointaines
Apporter leurs présents royaux; et des centaines
De dromadaires accourus de Madian
Et d'Épha, devaient déborder de l'Orient!
Quand les clairs horizons avec la nuit se fanent,
Jérusalem se remplira de caravanes.

Les peuples inconnus d'espoir ont tressailli;
On n'entend plus gronder au loin le Sinaï;
Après quatre mille ans de deuils et de désastres,
Une vague allégresse a passé dans les astres,
Et, devançant l'amour de la gentilité,

Voici qu'on aperçoit sur le ciel argenté

Se profiler soudain trois voyageurs mystiques...
Ce sont eux! Ils n'ont pas entendu les cantiques.
Qui disaient Gloria in excelsis Deo!

Mais ils ont, sur le livre immense du Très-Haut,
Déchiffré par bonheur la céleste nouvelle;

Un vent mystérieux les porta sur son aile.

Ce sont eux! — Peuple, ils ont, malgré l'onde et le feu, Traversé les déserts pour adorer leur Dieu!

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- Nous aussi, nous voulons traverser mers et plaines. Nous viendrons de Tharsis et des îles lointaines, De l'exil effroyable et sombre du péché,

Du pays que vos pas, Seigneur, n'ont point touché,

De l'Arabie et de Saba,

des bouts du monde !

La foi nous guidera, la croyance profonde

De trouver Dieu là-bas, au but de notre effort,
Le Dieu de Balthazar, Gaspard et Melchior;
Car ce Dieu n'est pas seulement le pieux maître
Des humbles, des petits, des souffrants: il doit être
L'immortel médecin des esprits affinés;

Vers Lui se tourneront les sages étonnés;
Il est le dernier mot que livre la science,
Et tous ceux-là qui vont à Lui sans défaillance,
- Rêveurs de Madian et du pays d'Épha
Le salueront de l'oméga jusqu'à l'alpha!
La vérité que nous voulons et que désirent
Les songeurs dispersés à travers les empires
Règne tranquillement à Bethléem, au fond
De la crèche sacrée et puérile, où vont
Les potentats orientaux et leur cortège,

Traînant leurs manteaux d'or et leurs barbes de neige.

Après avoir offert les présents ordonnés,

Par un autre chemin ils s'en sont retournés.

Ils ne devaient plus rien faire dans l'Evangile.
Leur démarche figurative et difficile
Etait finie; ils disparurent pour jamais.
Ils regagnèrent leurs cités sur les sommets
Où leur rêve égalait celui des Zoroastres;
Ils accomplirent leur destin. La voix des astres
Clame plus puissamment que les humaines voix
La grandeur d'obéir très simplement aux lois.

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Chastes pour avoir vu la pureté suprême,

Ils penchèrent leur front nocturne ou leur front blême
Dans la prière et le travail, et, pour la nuit,
Ils quittaient l'infini de l'âme pour celui
Des étoiles formant leur ronde symbolique;
Ils lisaient dans les cieux l'histoire évangélique,
Et de grands souvenirs illuminaient leurs fronts.

O Seigneur, nous aussi nous nous résignerons.
Nous ferons humblement la besogne fixée.
Nous chercherons à conformer notre pensée
Aux décrets promulgués par Votre Eternité.
Nous voudrons avant tout avec simplicité
Faire notre devoir, comme le font les choses,
Comme luit le soleil, comme embaument les roses,
En ne nous écartant jamais de vos chemins.
Puis si, parfois, la tâche est lourde pour nos mains,
Et si notre fardeau se supporte avec peine,
Nous lèverons les yeux vers l'azur, où s'enchaîne
L'uniforme splendeur des saisons et des temps
Et le choeur introublé des astres éclatants.
Notre âme, sentant mieux l'immanente harmonie,
Comprendra tes leçons, Dieu de l'Epiphanie;
Et nous vivrons, mêlant notre effort personnel
Au paisible travail de la terre et du ciel.

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JOB

PIÈCE

PRÉSENTÉE AU CONCOURS

Par M. le Docteur GASTON, à Vairé (Vendée)

In omnibus his non peccavit

Job labiis suis.

Bible livre de Job.

Au pays d'Idumée où les aubes sont blondes,
Au bord des fleuves bleus dans les plaines fécondes
Paît de Job, fils de Hus, l'innombrable troupeau :
Anesses et brebis aux pendantes mamelles,
Dromadaires et boeufs gardant à leurs prunelles
Tout le lointain de leur berceau.

Le palais de cet homme a des senteurs de myrrhe,
De safran, d'aloès, de nard. Le cèdre y mire,

A l'eau vive des puits, sa tête de géant

Et la brise qui passe au soir dans les ramures
Raconte au patriarche, en de très doux murmures,
Quelque mystère du Liban.

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Et cet homme a des fils et cet homme a des filles, Fiers sous des peaux d'urus flottant jusqu'aux chevilles, Belles sous des colliers dignes d'un Pharaon.

A ses côtés grandit une moisson vivace

Et le lit où s'endort l'avenir de sa race

Est fait en bois dur de l'Hermon.

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Qu'ils domptent au désert les cavales hautaines,
Qu'ils mènent les agneaux s'abreuver aux fontaines,
Ses fils ne foulent pas la route de l'affront,

Et quand pour le repas le père les rassemble,
Le cercle de leurs yeux sans pénombre ressemble
A des astres nimbant un front.

Et cet homme heureux dit : « Je vous bénis, ô Maître.
Le faon de Galaad c'est par vous qu'il peut naître;
Par vous qu'un vin pourpré ruisselle à nos versants.
Je vous bénis, ô Dieu, car mes outres sont pleines,
Mes chèvres ont brouté l'herbe grasse des plaines
Et mon automne a des enfants. >>

Or, Satan dit à Dieu : « Vous serait-il fidèle
Cet homme, si vos bras, immense citadelle,
N'entouraient plus ses biens de leur granit puissant;
Si vous vêtiez ses reins du manteau de l'épreuve ;
Si par vos mains, Seigneur, le courant bleu du fleuve
Se rougissait d'un flot de sang? »

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