Images de page
PDF
ePub

ne connaissait d'autre style que celui qu'il atteignait naturellement. En dépit de nous-mêmes et malgré nos désirs d'intense personnalité, nous ne pouvons effacer de notre âme l'apport que l'éducation y a déposé. Nous ne pouvons oublier que diverses ont été les formes littéraires dont furent enveloppées des conceptions également hautes. Entre ces formes, laquelle faut-il préférer? Resterons-nous fidèles aux grands modèles des âges classiques, ou tenterons-nous les modèles nouveaux des hardis briseurs d'idoles?

Les théoriciens du style ont établi depuis longtemps qu'à chaque âge d'une race correspondait une phase de la langue; ils furent conduits ainsi à envisager dans le développement d'une langue, véritable organisme vivant, un âge d'adolescence, d'apogée, puis de décadence : c'était dire qu'un point culminant existait, exprimant le maximum des qualités de la race, point qu'on ne saurait dépasser. Dans toute race qui dure, un perpétuel besoin de rénovation se manifeste, et les artistes qui veulent rompre avec les formes léguées par leurs devanciers ont beau jeu à développer cette idée qu'aux modifications du milieu social doivent correspondre des transformations dans l'âme humaine et le style qui la traduit. C'est là une considération qui nous touche peu.

Ce serait s'exagérer son influence que de la croire capable de contre-balancer l'influence du milieu physique. Le sol et le climat, qui font ce dernier, pétrissent et modèlent le tempérament d'une race, et ce tempérament s'exprime d'une façon définitive aussi bien par les mots avec leur allure et leur couleur que par la construction de la phrase et la syntaxe. Voilà pourquoi l'ossature littéraire est immuable, pourquoi c'est sur la pensée bien plutôt que sur l'expression qu'influe le milieu social.

Pour exprimer des idées nouvelles en un style d'une valeur d'art égale à celle des modèles classiques, il ne faut ni rejeter de parti pris ces modèles, ni s'astreindre à les copier servilement. Il importe surtout de ne pas méconnaître l'apport nouveau de chaque àge littéraire dans le domaine de la langue : il reste seulement à le préciser. Tout en considérant que la structure de la phrase française et plus particulièrement de la prose puisque la prose est le triomphe de notre génie latin a été une fois découverte et a atteint son maximum de réussite dans les œuvres du dix-septième siècle, il paraît indispensable, aux yeux de l'artiste moderne soucieux d'originalité et d'invention, de concentrer ses efforts sur le détail du style, sur la qualité de

[ocr errors]

l'épithète par exemple, et, dans ces limites, il semble légitime de suivre le progrès correspondant dans les faits et les idées nouvelles, par l'apport de ce que la science et l'art ont donné. C'est pour avoir réalisé l'idéal de cette théorie d'art que la langue admirable, profondément moderne tout en restant classique, d'un écrivain comme Baudelaire, a pu captiver tant de jeunes et sincères artistes. M. Paul Bourget, dans sa belle étude des « questions de style (1)», paraît cependant avoir confondu la rénovation d'un Goncourt et celle d'un Baudelaire. En réalité, leur effort fut radicalement différent. La tentative des premiers s'attachait non seulement à ce que nous avons appelé le Détail du style, mais encore à la structure intime de la phrase, qui chez eux s'écarte volontairement de la tradition classique. Baudelaire, par contre, demeure rigoureusement classique à cet égard, et son effort inventif se limite aux points de détail. C'est à cette forme d'art que nous rattachons nos préférences.

Pour en revenir à Balzac, son style ne présenta jamais cette double qualité d'une correspondance idéale entre la pensée et la forme, entre le travail du style par le dedans et le travail par

(1) Voir le chapitre des « Essais de psychologie >> consacré aux Goncourt.

le dehors. Il était entraîné par une fougue créatrice bien trop ardente pour concevoir la langue autrement que comme le résultat du travail intérieur. Les Contes drolatiques constituent une tentative isolée. Il suffit de se reporter à ce que nous avons dit sur le rôle des tendances pour comprendre que son style usuel était un résultat tellement direct des tendances physiologiques qu'il ne pouvait comporter un haut degré de ciselure extérieure. Aussi son influence, considérable sur la marche des idées et du sentiment, demeure-t-elle presque nulle sur l'évolution de la langue!

CHAPITRE II

BALZAC FÉMININ

Chimère d'une tendresse irréalisable: Balzac amoureux de féminéité. Toute sa vie il aspira au bonheur dans l'amour. Premières entrevues de Balzac avec George Sand. Pourquoi ils ne pouvaient s'entendre. Son opinion sur elle.

Relations de Balzac avec Mme d'Abrantes : la femme-auteur. L'amour ne pouvait exister entre eux.

Mme de Castries. Sa coquetterie. Souffrances qu'elle impose à Balzac. Il sort vainqueur de la lutte il écrit le roman de la Duchesse de Langeais.

[ocr errors]

Une correspondante anonyme : Louise. Le Bas-bleu.
Mme de Berny. Tendresse voisine de l'amour. Mme de
Berny prototype d'Henriette de Mortsauf. Sentiment de
culte et d'adoration pour sa mémoire.

L'amitié pure exclusive de l'amour Mme Zulma Carraud, véritable mère pour Balzac. Elle est la confidente de toutes ses tristesses. 1

Relations de Balzac avec Mme Hanska. Fidélité et persistance
de sa passion. Ses doutes et ses tortures. Il l'épouse et meurt.
Haute idée que la Correspondance laisse de l'homme..
Comment la vie vécue influe sur l'œuvre écrite.

[ocr errors]

N'avoir pas près de soi cet esprit si doux et « si caressant de la femme pour laquelle j'ai tant « fait! » Cette phrase qui s'exhale, plaintive, de la Correspondance au milieu des labeurs incessants et des écrasantes fatigues du grand écri

« PrécédentContinuer »