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Erreurs sur la matière du péché originel et de la grace.

LIVRE V.

M. SIMON, PARTISAN DES ENNEMIS DE LA GRACE, ET ENNEMI DE SAINT AUGUSTIN : L'AUTORITÉ DE CE PERE.

CHAPITRE PREMIER.

Dessein et division de cette seconde partie.

Dans cette seconde partie, le pélagianisme de M. Simon sera découvert par deux moyens : premièrement, par une disposition générale qu'il témoigne vers cette hérésie; secondement, par ses erreurs qu'on marquera en particulier. Cette disposition générale vers l'hérésie de Pélage paroît encore par deux endroits, dont l'un est l'inclination pour ceux qui l'ont défendue, et l'autre est l'aversion répandue dans tout son ouvrage contre le Père qui l'a étouffée. Ses erreurs sur cette matière se rapportent aussi à deux chefs il erre manifestement sur le péché originel; il erre bien certainement, mais quelquefois d'une manière plus enveloppée, sur la grace. C'est ce qu'il faudra expliquer par ordre.

CHAPITRE II.

Heresie formelle du diacre Hilaire sur les enfans morts sans baptėme, expressément approuvée par M. Simon contre l'expresse décision de deux conciles œcuméniques, celui de Lyon II, et celui de Florence.

Premièrement donc, il fait paroître son inclination vers Pélage par celle qu'il a témoignée pour le Commentaire autrefois attribué à saint Ambroise, mais qui constamment n'en est pas, sur les Epitres de saint Paul. L'auteur de ce Commentaire fait la matière

d'une grande contestation parmi les savans : quelques-uns le font arien, et M. Simon a raison de le justifier de cette hérésie. Si c'est le diacre Hilaire, comme je le veux supposer avec notre auteur, sans préjudice de tout autre sentiment, il est bien certain qu'il a été du schisme des lucifériens, qui n'a pas été moins bizarre que celui des donatistes. On prétend qu'il en est revenu, et je ne vois aucune raison de s'y opposer. M. Simon, au contraire, prétend voir des marques de son erreur ou, comme il parle, « des préjugés de sa théologie » au commencement de son Commentaire '. Elles sont bien vaines; mais laissons ces raffinemens de critique, et venons aux sentimens de cet auteur sur les erreurs de Pélage. M. Simon en produit un passage exprès pour le péché originel, qui aussi a été cité par saint Augustin sous le nom de saint Hilaire', qui peut être le diacre Hilaire revenu du schisme et appelé saint selon la coutume du siècle, ou quelqu'autre Hilaire inconnu, puisque constamment le commentaire d'où ces paroles sont tirées, n'est pas du saint évêque de Poitiers. Mais notre critique ajoute deux choses au passage de cet Hilaire, quel qu'il soit, qui font voir trop clairement que cet auteur n'a pas raisonné conséquemment, et que dans la suite il s'est écarté aussi bien que M. Simon de la doctrine de l'Eglise l'une est qu'Hilaire distingue « deux sortes de mort, dont la première est la séparation de l'ame d'avec le corps, et la seconde est la peine qu'on souffre dans les enfers; et il dit de cette dernière « que nous ne la souffrons pas pour le péché d'Adam, mais à son occasion pour nos propres péchés 3. » Sur quoi la décision de M. Simon est, «qu'il n'y a rien en cela qui ne soit conforme à la créance des anciens Pères, qui ont tous attribué à notre libre arbitre notre salut et notre perte. » C'est là un manifeste pélagianisme, qui ne reconnoît ni « de perte, ni de salut » que par l'exercice du libre arbitre; d'où il s'ensuit que les enfans qui meurent avant le baptême avec le seul péché originel, qui ne dépend pas de leur volonté, ne sont point perdus, mais sauvés. Le péché originel ne leur attire, selon Hilaire et selon M. Simon, que la mort du corps : « la seconde mort ni la peine qu'on souffre dans les enfers » ne sont pas pour eux. Ce grand 1 P. 134, 135; In Rom., 1, 13— 2 Ád Bonif., lib. IV, cap. IV, n. 7. — 3 P. 136.

critique ignore la définition de deux conciles œcuméniques, du concile de Lyon sous Grégoire X, et de celui de Florence sous Eugène IV, où les deux Eglises réunies décident comme de foi, « que les ames de ceux qui meurent ou dans le péché mortel actuel, ou dans le seul originel, descendent incontinent dans l'enfer, ad infernum, pour y être toutefois punies par des peines inégales :D Panis disparibus puniendas, d'où le cardinal Bellarmin 2, et après lui tout nouvellement le P. Petau3 concluent la damnation éternelle des uns et des autres, sans qu'il soit permis d'en douter. Les voilà donc dans l'enfer, dans la peine, dans la punition, dans la damnation, «< dans les tourmens perpétuels,» selon saint Grégoire, au rapport du même P. Petau perpetua tormenta percipiunt, « dans la géhenne,» selon saint Avite, cité par ce même théologien; « dans la mort éternelle, » dit le pape Jean cité dans le Droit, et ensuite par Bellarmin qui conclut de ces passages et de beaucoup d'autres que cette doctrine est « de la foi catholique,» et la contraire « hérétique, » condamnant la fausse pitié de ceux qui, pour témoigner « à des enfans morts une affection qui ne leur profite de rien, s'opposent aux Ecritures, aux conciles et aux Pères . » Faut-il tant faire l'habile quand on ignore les dogmes de la foi expressément définis et en mêmes termes par deux conciles si authentiques: savoir, dans la Confession de foi de l'Eglise grecque approuvée par le concile de Lyon, et dans le Décret d'union du concile de Florence prononcé du commun consentement des Grecs et des Latins et avec l'approbation de toute l'Eglise?

On voit bien ce qui a trompé M. Simon, c'est qu'il a ouï parler de la dispute des scholastiques sur la souffrance du feu, dont il n'est pas ici question. Car quoi qu'il en soit, n'est-ce rien d'être banni éternellement de la céleste patrie, privé de Dieu pour qui on est fait, et condamné à l'enfer ainsi que l'ont prononcé ces deux conciles? Il est vrai qu'Hilaire a imaginé pour ceux qui n'ont péché qu'en Adam, « un enfer supérieur; » c'est-à-dire, comme l'explique M. Simon, « dans un lieu où ils ne souffroient point,

1 Decret. union. 2 Bellarm., tom. III, lib. VI, cap. II initio.

3 Tom. I, Theol. dog., lib. IX, cap. x1, n. 5. — ↳ Lib. IX Moral., cap. xII, q. 30 ad limina. 5 Bellarm., loc. jam citat.

étant comme en suspens et ne pouvant monter au ciel 1 : » sentiment que notre critique se contente de rejeter par une trop foible censure, en disant : « qu'il pourra paroître singulier. » Mais les conciles de Lyon et de Florence ne distinguent pas ces deux enfers, et mettent également dans l'enfer ceux qui meurent dans le péché actuel ou originel, sans y marquer d'autre différence que l'inégalité de leur supplice.

CHAPITRE III.

Autre passage du méme Hilaire sur le péché originel, également hérétique : vaine défaite de M. Simon.

Voilà donc la première erreur du diacre Hilaire approuvée de M. Simon. En voici une autre plus grande : « c'est qu'il insiste, dit-il, sur une diverse leçon (d'un passage de saint Paul) qui semble détruire tout ce qu'on vient d'avancer sur le péché originel2; » et c'est en vain qu'il veut excuser ce diacre sous prétexte que s'il a ôté sans raison et par une affectation manifeste une négation, << on ne peut nier qu'il n'y eût alors de semblables exemplaires. » Mais cette excuse seroit peut-être recevable, si Hilaire n'avoit pas tiré du texte, visiblement corrompu comme il le lisoit, toutes les mauvaises conséquences qu'on peut en tirer contre la vérité du péché originel, puisqu'il en conclut que la mort du péché n'a point régné sur ceux qui n'ont péché qu'en Adam; qu'ils n'ont contracté que la première mort qui est celle du corps, et non pas la seconde qui est celle de l'ame; en sorte « qu'ils étoient réservés avec Abraham en espérance, et qu'il ont été délivrés par indulgence du Sauveur, lorsqu'il est descendu dans les enfers: » paterno peccato ex Dei sententiâ erant apud Infernos; gratia Dei abundavit in descensu Salvatoris omnibus dans indulgentiam, cum triumpho sublatis eis in cœlum3.

M. Simon croit l'avoir sauvé, en disant qu'on ne peut pas « l'accuser d'avoir nié le péché originel qu'il avoit établi peu auparavant*. » Mais c'est assez pour le condamner qu'il soit de ceux à

1 In Rom., V, 12-14. — 2 P. 246, in Rom., 14, p. 137. —3 P. 146, in Rom., 15. - P. 137.

qui la foi de l'Eglise et la force de la tradition ayant arraché la confession d'un dogme si établi, l'obscurcissent de telle sorte dans la suite, qu'on ne le reconnoît plus dans leurs discours. Car si Hilaire avoit reconnu autant qu'il faut cette corruption de notre origine, il n'auroit pas dit, comme il fait, « qu'elle n'emporte point la mort de l'ame', » et il auroit encore moins inféré de là, qu'à cet égard un plus grand nombre d'hommes a reçu la vie par Jésus-Christ, qu'il n'y en a eu qui sont morts par le péché d'Adam : en supposant, comme il fait partout, que la mort de l'ame n'a pas été universelle; en quoi il a montré le chemin à Pélage, qui explique comme lui le passage de saint Paul 2.

CHAPITRE IV.

Hérésie formelle du même auteur sur la grace: qu'il n'en dit pas plus que Pelage sur cette matière, et que M. Simon s'implique dans son erreur en louant.

Il n'est pas moins avant-coureur de cet hérétique dans la matière de la grace, de l'aveu de M. Simon, puisqu'il s'étudie à rapporter les passages où ce diacre montre qu'elle n'est pas prévenante'; au contraire, que la vocation est prévenue par la volonté de l'homme ce qui est précisément la même erreur qu'on a condamnée dans Pélage, « que la grace est donnée selon les mérites. >>

Je sais que quelques auteurs se sont étudiés à le justifier, en cherchant dans les saints docteurs des locutions semblables aux siennes, afin de nous obliger à prendre en meilleure part celles de ce diacre. Mais je ne puis leur avouer ce qu'ils avancent: au contraire, en recherchant avec soin dans cet auteur tout ce qui pourroit insinuer la vraie grace de Jésus-Christ, je ne trouve sous le nom de grace que la loi, la prédication, les sacremens, la rémission des péchés, et en un mot nulle autre grace que celle qu'on trouve aussi dans les pélagiens et dans Pélage même.

M. Simon a raison de dire de cet hérésiarque « que dans certains endroits de son Commentaire, il parle de la sainteté et de la grace d'une manière qui feroit croire qu'il n'a eu là-dessus aucuns 1 P. 137, in Rom., 15, 18. - 2 In Rom., ibid., v, 15. — 3 P. 138.

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