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prendroit1; » à quoi il répond : « Vous parlez selon mon cœur; car je crois, je reçois et je défends ses paroles comme les écrits des apôtres. » Ce qu'on ne peut dire avec cette confiance d'aucun auteur particulier, que lorsqu'on est assuré par l'approbation de l'Eglise qu'il s'est nourri du suc des Ecritures, et ne s'est pas écarté de la tradition.

CHAPITRE XIII.

On expose trois contestations formées dans l'Eglise sur la matière de la grace, et partout la décision de l'Eglise en faveur de la doctrine de saint Augustin. Première contestation devant le pape saint Célestin, où il est jugé que saint Augustin est le défenseur de l'ancienne doctrine.

La doctrine de la grace qui atterre tout orgueil humain et réduit l'homme à son néant, aura toujours des contradicteurs; et ce qui fait que quelquefois elle en a trouvé même dans de saints personnages, c'est la difficulté de la concilier avec le libre arbitre, dont la créance est si nécessaire. De là donc il est arrivé que la doctrine de saint Augustin a souvent été l'occasion de grands démêlés dans l'Eglise : les uns l'ayant affoiblie, les autres l'ayant outrée, et tout cela étant l'effet naturel de sa sublimité.

Mais ce qui en fait voir la vérité, c'est que parmi toutes ces disputes on s'est toujours attaché de plus en plus à ce Père, comme on le verra par la suite de ces contestations.

Premièrement donc, la doctrine de ce Père fut attaquée même de son temps par des catholiques; mais il faut observer ici trois circonstances: la première, qu'elle ne le fut qu'en un endroit particulier et dans une petite partie de nos Gaules, à Marseille et dans la Provence; la seconde, qu'encore que saint Augustin, dans le livre de la Prédestination des saints, l'ait soutenue avec une force inimitable et tout ensemble avec une humilité qui fait dire au cardinal Baronius qu'il ne mérita jamais mieux l'assistance du Saint-Esprit que dans ces ouvrages, la querelle ne s'assoupit ni par sa doctrine ni par sa douceur; la troisième, que Dieu le permit ainsi pour un plus grand éclaircissement de la vérité, puisque saint Augustin étant mort sur ces entrefaites, Dieu lui suscita des 'Dial. cum Serap., ap. Iren.

défenseurs dans saint Prosper et saint Hilaire ses dignes disciples, qui portèrent la question devant le Saint-Siége que le pape saint Célestin remplissoit alors, et il y fut décidé :

Premièrement, que la doctrine de saint Augustin étoit sans reproche; et pour me servir des propres termes de ce pape «qu'il ne s'étoit élevé contre ce saint pas même le moindre bruit d'un mauvais soupçon : » Nec eum sinistræ suspicionis saltem rumor aspersit1.

Secondement, que c'étoit aussi pour cette raison <«< qu'il avoit toujours été mis au rang des plus excellens maîtres de l'Eglise par ses prédécesseurs, qui loin de le tenir pour suspect, l'avoient toujours aimé et honoré; » ce qu'en effet on a vu par les lettres du pape saint Innocent et du pape saint Boniface, qui le consultoient sur la matière de la grace. Le pape saint Célestin confirme leur témoignage par le sien, et nous y pouvons ajouter celui de saint Sixte, prêtre alors de l'Eglise Romaine, et depuis successeur de saint Célestin dans la chaire de saint Pierre 2.

Et parce qu'on objectoit à saint Augustin « que sa doctrine étoit opposée à presque tous les anciens 3,» il fût décidé en troisième lieu, loin que saint Augustin fùt novateur, que c'étoit au contraire ses adversaires «qui attaquoient l'Eglise universelle par leurs nouveautés; qu'il leur falloit résister; » que les évêques des Gaules, à qui saint Célestin adressoit sa lettre, «devoient lui montrer que ces entreprises (contre la doctrine de saint Augustin) leur déplaisoient; » et tout cela étoit appuyé sur cette sentence qu'il avoit posée d'abord pour fondement : Desinat incessere novitas vetustatem, «Que la nouveauté cesse d'attaquer l'antiquité : » c'étoit-à-dire que les ennemis de saint Augustin cessent d'attaquer ce l'ère; qui par conséquent est proposé comme le défenseur de la tradition, dont M. Simon le fait l'adversaire.

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Vincent de Lérins cite ce passage du décret de saint Célestin, et il assure qu'il y reprenoit « les évêques des Gaules, de ce qu'abandonnant par leur silence l'ancienne doctrine, ils laissoient élever

1 Epist. Cœlest. pap. pro Prosp. et Hil., in append. tom. X, August. cap. II, p. 132. 2 Vid. in Epist. August., CXCI.- 3 Epist. Prosp. ad August., sup. cit.- Epist. Coelest., cap. II.

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Cap. I.

des nouveautés profanes 1. » C'étoit donc saint Augustin qui étoit, principalement dans ses derniers livres dont il s'agissoit alors, le défenseur de l'ancienne doctrine, et c'étoit ses adversaires que ce saint pape réprimoit comme des novateurs.

CHAPITRE XIV.

Quatre raisons démonstratives qui appuyoient le jugement de saint Célestin.

Le fondement de cette sentence de saint Célestin ne pouvoit pas être plus solide pour ces raisons.

Premièrement il étoit certain que saint Augustin avoit toujours été attaché à la tradition dont il avoit soutenu les fondemens, qui sont ceux de l'autorité de l'Eglise, dans ses livres contre les donatistes.

Secondement dans ses livres de la Grace, il prend soin partout d'appuyer chaque partie de sa doctrine de l'autorité des Pères précédens, grecs et latins, comme on le peut voir dans tous ses ouvrages et en particulier dans les derniers, où on l'accuse d'innovation.

Troisièmement il est bien certain que ces murmures qu'on faisoit dans les Gaules contre ces derniers livres, firent le principal sujet de la plainte qui fut portée au Saint-Siége par saint Prosper et saint Hilaire, et par conséquent la véritable matière du jugement du pape.

En quatrième et dernier lieu il n'est pas moins assuré, comme saint Prosper le démontre, qu'au fond il n'y a rien dans ces derniers livres, dans celui de la Grace et du Libre arbitre, dans celui de la Correction et de la Grace, dans ceux de la Prédestination des Saints et du don de la Persévérance, que ses adversaires accusoient, qui ne fût très-clairement établi dans les ouvrages précédens qu'ils faisoient profession d'approuver. La seule Lettre à Sixte en peut faire foi, aussi bien que le livre à Boniface, que le P. Garnier appelle avec raison un des plus excellens de saint Augustin3, et qui est en même temps un de ceux où il établit le plus clairement la prédestination gratuite et l'efficace de 1 Commonit., II. - 2 Contr. Coll., cap. XXI, n. 59.

3 Diss. vi, cap. II.

la grace. On ne peut pas dire que la lettre à Sixte n'ait pas été connue à Rome, où elle étoit adressée. Saint Augustin y faisoit voir à ce docte prêtre, qui est devenu un si grand pape, que la doctrine dont il s'agissoit étoit la propre doctrine de l'Eglise Romaine, que saint Paul lui avoit adressée avec l'Epitre aux Romains. Les livres à Boniface avoient été envoyés à ce savant pape pour les soumettre expressément à sa correction. C'étoit donc avec connoissance de cause et avec une pleine instruction, que les papes, prédécesseurs de saint Célestin, avoient estimé saint Augustin et ses ouvrages; et il étoit trop tard de blâmer les derniers livres de ce Père, après que les premiers avoient passé avec approbation.

On pourroit ici ajouter la Lettre à Vital, dont le P. Garnier a écrit «qu'elle ne cédoit à aucune de celles de saint Augustin, et qu'en découvrant le sacré mystère de la grace prévenante, elle donnoit douze règles où la doctrine catholique sur cette matière étoit contenue. » C'est pourtant une de celles où ces prétendues innovations de saint Augustin se trouvoient le plus fortement et le plus affirmativement défendues. On ne les trouve pas moins clairement dans le Manuel à Laurent, que ce grand homme avoit composé, pour être selon son titre entre les mains de tout le monde; et de tout cela on peut conclure, comme une chose déjà jugée par le Saint-Siége avec le consentement de toute l'Eglise, qu'il n'y a aucun endroit dans saint Augustin par où on puisse le soupçonner d'être novateur.

Il faut encore ajouter, pour bien entendre le fond de ce jugement, que les chapitres attachés à la décrétale de saint Célestin condamnent ceux qui accusent saint Augustin et ses disciples comme s'ils avoient excédé, tamquam necessarium modum excesserint, et c'est de quoi M. Simon et ses semblables accusent encore aujourd'hui ce saint Docteur de sorte que notre dispute avec ce critique, dès la première contestation, est vidée à l'avantage de saint Augustin, puisqu'il est jugé qu'il n'a point été novateur et qu'il n'est point sorti des justes bornes.

1 Epist. CXCIV, al. cv, cap. 1, n. 1. - 2 Diss. VI, cap. 11, ad an. 420, p. 350. 3 Cap. III.

CHAPITRE XV.

Seconde contestation sur la matière de la grace émue par Fauste de Riez, et seconde décision en faveur de saint Augustin par quatre papes. Réflexions sur le décret de saint Hormisdas.

Soixante ans après, on vit s'élever la seconde contestation contre les écrits de ce Père, et en même temps le second jugement de toute l'Eglise en sa faveur. Fauste, évêque de Riez, en donna l'occasion. Ceux qui ont tâché de l'excuser en nos jours, l'ont fait à l'opprobre du jugement de quatre papes et de quatre conciles. Le premier pape est saint Gélase, dont nous verrons les décrets en parlant des conciles.

Le second pape est saint Hormisdas, qui fit deux choses: l'une de condamner Fauste et l'autre de se déclarer plus ouvertement que jamais pour saint Augustin qu'on attaquoit, jusqu'à dire, comme on a vu, que qui voudroit savoir la doctrine de l'Eglise Romaine sur la grace et le libre arbitre, n'avoit qu'à consulter ses ouvrages, surtout les derniers, qu'il désigne expressément par leur titre, comme les livres adressés à Prosper et à Hilaire".

Les adversaires de ce Père chicanoient sur l'approbation de saint Célestin, où ils prétendoient que ces derniers livres n'étoient pas compris. Quoique cette chicane fût vaine par deux raisons: l'une que la contestation étoit formée sur ces livres, comme on a vu; l'autre, comme on a vu semblablement, que les autres livres de saint Augustin ne différoient en rien de ceux-ci : saint Hormisdas ôta tout prétexte à cette distinction des livres de saint Augustin, en désignant expressément les derniers comme les plus corrects, et en leur donnant une approbation si authentique. Il accompagne cette approbation d'une expresse déclaration, « que les Pères ont fixé la doctrine, que leur doctrine montre le chemin que tous les fidèles doivent suivre; » par où il montre qu'en approuvant la doctrine de saint Augustin, il ne fait que suivre les Pères, et par conséquent qu'il n'y a rien de plus insensé que d'accuser saint Augustin d'être novateur.

1

Epist. ad Posses., in app., tom. X August., p. 150.

2 Ibid., p. 151.

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