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On suppose que ce saint docteur a fait deux fautes sur le péché originel: l'une, de l'expliquer d'une manière particulière; l'autre, de l'appuyer par des preuves que Théodore, aussi bien que les autres Grecs, ont trouvées nouvelles. Mais sous le nom de saint Augustin, c'est l'Eglise qui est attaquée, puisque ni ce Père n'a rien dit sur ce péché que l'Eglise n'ait dit avec lui, ni il n'a employé pour l'établir d'autres preuves que celles qu'elle a formellement adoptées. Nous allons parler du premier dans le chapitre XI, et nous parlerons de l'autre dans les chapitres suivans.

CHAPITRE XI.

Que saint Augustin n'a enseigné sur le péché originel que ce qu'en a enseigné toute l'Eglise catholique dans les décrets des conciles de Carthage, d'Orange, de Lyon, de Florence et de Trente: que Théodore de Mopsueste défendu par l'auteur, sous le nom de saint Augustin, attaquoit toute l'Eglise.

Premièrement donc, pour ce qui regarde le fond du péché originel, saint Augustin n'en a point dit autre chose, sinon que c'étoit un véritable péché, une tache qui rendoit coupables tous les hommes dès leur naissance et qu'ils héritoient d'Adam, non-senlement la mort du corps, mais encore celle de l'ame, par laquelle ils étoient exclus de la vie éternelle. Mais c'est là précisément le sentiment de l'Eglise dans le concile de Trente, où l'on définit, comme on vient de voir, après celui d'Orange, que le péché originel << fait passer d'Adam jusqu'à nous, et dans tout le genre humain, non-seulement la mort et les autres peines du corps, mais encore la mort de l'ame, qui est le péché 1; » ce qui est directement le contraire de ce que M. Simon voudroit encore autoriser du nom de saint Chrysostome 2.

Le concile de Carthage, qui est le premier où la question a été définie par deux canons exprès, nous montre aussi le péché originel comme un véritable péché, « pour la rémission duquel il faut baptiser les petits enfans, afin de purger en eux par la régénération ce que la génération leur a apporté 3. » Le concile de

1 Conc. Trident., sess. V, can. II; Conc. Araus. II, can. II. 3 Conc. Carth., can. II.

2 P. 171.

Trente a répété ce canon du concile de Carthage 1. Saint Augustin n'en a dit ni plus ni moins : les conciles de Carthage, d'Orange et de Trente n'ont fait que transcrire les paroles de ce Père, comme tout le monde en est d'accord. Ainsi encore une fois, ce sont ces conciles, c'est toute l'Eglise catholique qui est attaquée sous le nom de saint Augustin: ce n'est pas contre saint Augustin, c'est contre toute l'Eglise que M. Simon défend Théodore de Mopsueste.

En effet, il n'y a qu'à lire dans la bibliothèque de Photius* l'extrait du livre de Théodore, pour voir qu'il a attaqué toute l'Eglise en la personne de saint Jérôme et de saint Augustin, qu'il ne faut point séparer dans cette cause, puisque tout le monde sait qu'ils n'avoient qu'un même sentiment. Théodore défend visiblement tous les articles qu'on a condamnés dans les pélagiens : il y rejette les expressions dont toute l'Eglise s'est servie contre eux : il leur fait les mêmes calomnies que les pélagiens ont faites à toute l'Eglise. Voilà l'auteur que M. Simon prétend excuser en apparence contre saint Augustin, et en effet bien certainement contre l'Eglise catholique.

Au reste après la publication des ouvrages de Marius Mercator, faite par le savant P. Garnier, on ne doute plus que Théodore n'ait été comme le chef des pélagiens. Si M. Simon l'excuse, s'il déplore la perte de ses Commentaires comme « d'un homme savant, qui avoit étudié sous un bon maître (a) avec saint Chrysostome le sens littéral de l'Ecriture ; » si par là il insinue que saint Chrysostome pourroit être de son sentiment, et que cela même c'est suivre le sens littéral, il ne dégénère pas de lui-même, ni du zèle qu'il a fait paroître pour les pélagiens. Il a loué Pélage autant qu'il a pu. Il pouvoit bien excuser les sentimens de Théodore de Mopsueste, après avoir approuvé ceux d'Hilaire, diacre.

L'approbation de la doctrine de ce diacre est dans les livres de M. Simon, un dernier trait de pélagianisme, et le plus manifeste de tous; mais comme nous en avons déjà parlé, je répéterai seulement que, de l'aveu de M. Simon, cet auteur dit formellement que le péché originel ne nous attire point la mort de l'ame; que

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M. Simon l'approuve en ce point 1; et que c'est là formellement l'hérésie de Pélage condamnée par tant de conciles, notamment par ceux de Carthage, d'Orange, de Florence, dont ceux de Lyon II et de Trente répètent les décrets que nous avons rapportés 2. Il n'y a qu'à laisser faire nos critiques, ils nous auront bientôt forgé un christianisme tout nouveau, où l'on ne reconnoîtra plus aucun vestige des décisions de l'Eglise. M. Simon commence assez bien, puisque le péché originel qu'il nous donne, visiblement n'est plus celui que l'Eglise a défini par ces conciles, qui étoit la première chose que j'avois à prouver.

CHAPITRE XII.

Seconde erreur de M. Simon sur le péché originel. Il détruit les preuves dont toute l'Eglise s'est servie, et en particulier celle qu'elle tire de ce passage de saint Paul In quo omnes peccaverunt 3.

:

La seconde est qu'il a renversé, et toujours selon sa coutume, en faisant semblant de n'en vouloir qu'à saint Augustin, les fondemens de la foi du péché originel. Les fondemens de l'Eglise sont tirés ou de la Tradition ou de l'Ecriture.

Pour la Tradition, le fondement principal étoit la nécessité du baptême des petits enfans: mais nous avons déjà vu que M. Simon n'a rien oublié pour anéantir cette preuve *, et nous n'avons rien à dire de nouveau sur ce sujet.

Pour l'Ecriture, le principal fondement est dans ce passage de saint Paul : « Le péché est entré dans le monde par un seul homme...., en qui tous ont péché 5. » Il y a deux versions de ce passage: l'une, au lieu de ces mots : « En qui,» in quo, met: « parce que, » quatenùs, quia, eò quòd, ou ex eo quòd. C'est celle qui favorise le plus les pélagiens, et qui leur donne lieu de dire: « que le péché est entré dans le monde par Adam, » à cause seulement que tous ont péché à son exemple, de laquelle explication Pélage est constamment le premier auteur.

La seconde version est celle de toute l'Eglise, selon laquelle il

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faut lire « que le péché est entré dans le monde par un seul homme, en qui tous ont péché; » ce qui ne laisse aucune ressource à ceux qui nient le péché originel.

C'est un fait constant, dont aussi M. Simon demeure d'accord, que cette dernière version, qui est celle de notre Vulgate, l'est aussi de la Vulgate ancienne, comme il paroît, non-seulement par saint Augustin, mais encore par le diacre Hilaire, par saint Ambroise, par Pélage même, qui lit comme tous les autres in quo, dans son Commentaire 1, encore que dans sa note il détourne le sens naturel de ce passage de la manière qu'on vient de voir.

M. Simon convient aussi que, selon l'explication de saint Chrysostome, il faut traduire in quo, et on en peut dire autant d'Origène de sorte que les anciens Grecs ne diffèrent point des Latins. La suite fera paroître quel est parmi eux l'auteur de l'innovation. Quoi qu'il en soit, il est bien certain que depuis le temps de Pélage, tous les docteurs qui ont disputé contre lui, tous, dis-je, sans exception, lui ont opposé ce passage et ont suivi en cela saint Jérôme et saint Augustin.

Après un consentement si universel et si manifeste de tout l'Occident à traduire in quo, il n'est pas permis de douter qu'il ne faille tourner ainsi ce célèbre ' de saint Paul, puisque tous les Latins l'ont pris naturellement de cette sorte. Mais M. Simon, au contraire, s'acharne de telle manière à affoiblir cette version, qu'il y revient sous divers prétextes quinze ou seize fois, n'oubliant rien de ce qu'on peut dire pour autoriser, non-seulement la traduction, mais encore les explications qui favorisent Pélage: en quoi il ne fait toujours que combattre directement, sous le nom de saint Augustin, toute l'Eglise dans quatre conciles universellement approuvés.

1 Comment. in Epist. ad Rom., v; Ambr., lib. IV, n. 67; in Luc.; apud August., lib. 1 Contr. Jul., cap. III, n. 10; Comment. in Epist ad Rom., v.

CHAPITRE XIII.

Quatre conciles universellement approuvés, et entre autres celui de Trente, ont décidé sous peine d'anathème que dans le passage de saint Paul, Rom., v, 12, il faut traduire in quo, et non pas quatenùs. M. Simon méprise ouvertement l'autorité de ces conciles.

Le premier est celui de Milève, où soixante évêques rapportent ce passage selon la Vulgate, et n'allèguent que celui-là dans leur lettre synodique à saint Innocent, avec un autre de même sens du même saint Paul : ce qui montre qu'ils en faisoient le principal fondement de la condamnation des pélagiens.

Le second concile est celui de Carthage ou d'Afrique, de deux cent quatorze évêques, qui dans le chapitre II, après avoir établi la foi du péché originel sur le baptême des enfans, anathématise les contredisans: « A cause, dit-il, qu'il ne faut pas entendre autrement ce que dit l'Apôtre : « Le péché est entré dans le monde par un seul homme... en qui tous ont péché » : in quo omnes peccaverunt, que comme l'Eglise catholique répandue par toute la terre l'a toujours entendu; » où le concile, en suivant la version qu'on veut contester, dit deux choses: premièrement, que le sens qu'il donne à ce passage n'est pas seulement le véritable, mais encore celui qui a toujours été reçu dans l'Eglise universelle; secondement, que pour cela même il n'est pas permis de ne le pas suivre, à moins qu'on ne dise en même temps qu'il est permis de s'opposer à l'intelligence constante et perpétuelle de toute l'Eglise.

Le troisième concile est celui d'Orange II, qui dans une semblable décision, allègue pour tout fondement le même passage entendu de la même sorte, traduit de la même sorte 1.

Le quatrième, est le concile œcuménique de Trente, qui répète de mot à mot les décrets de ces deux derniers conciles, et par deux fois le passage dont il s'agit, comme le fondement de sa décision, en déclarant, dans les mêmes termes du concile d'Afrique, que l'Eglise catholique l'a toujours entendu ainsi et qu'il ne faut pas, c'est-à-dire, qu'il n'est pas permis de l'entendre autrement'. 1 Can. II. 2 Sess. V, can. II.

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