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Mais M. Simon ne craint pas d'éluder cette explication et formellement l'autorité de ces conciles sur ces mots : en qui tous ont péché. a Cornélius à Lapide, dit-il, traite à fond du péché originel, opposant à ceux qui croient qu'on ne le peut pas prouver efficacement de ce passage, le concile de Milève et celui de Trente; mais il n'y a pas d'apparence que ces deux conciles aient voulu condamner les plus doctes Pères qui l'ont entendu autrement 1. » Ainsi l'autorité de ces deux conciles, dont l'un est œcuménique et l'autre de même valeur, et de deux autres qu'on vient de voir, également approuvés, ne fait rien à M. Simon : il n'y aura plus qu'à rapporter quelques passages des Pères, pour conclure que les conciles qui auront plus précisément examiné la matière, ne sont rien. On en sera quitte pour dire, qu'il n'y a pas d'apparence qu'on ait voulu condamner les plus doctes Pères. Voilà un beau champ ouvert aux hérétiques, et sur ce pied ils n'auront guère à se mettre en peine des décisions de l'Eglise.

CHAPITRE XIV.

Examen des paroles de M. Simon dans la réponse qu'il fait à l'autorité de ces conciles qu'elles sont formellement contre la foi, et qu'on ne doit pas les supporter.

Mais pesons encore plus en particulier les paroles de M. Simon: «Il n'y a aucune apparence que ces conciles aient voulu condamner les plus doctes Pères, qui ont entendu autrement le passage de saint Paul.» Nous verrons bientôt quels sont ces Pères, et si leur autorité est si décisive. En attendant j'avouerai qu'on n'a pas dessein de condamner personnellement les Pères qui auront parlé avec moins de précaution, ou avant les difficultés survenues, ou sans y être attentifs; mais de là s'ensuivra-t-il qu'il soit permis de suivre les expositions que les conciles auront condamnées, ou qu'il ne faille pas s'attacher à ce qu'on aura décidé de plus correct? Quelle critique seroit celle-là, et quelle porte ouvriroit-elle aux novateurs?

« Les Pères de Trente et de Milève, poursuit le critique, n'ont

1 P. 661.

songé qu'à condamner l'hérésie des pélagiens. » Je vois bien qu'il aura oui dire qu'en obligeant à recevoir les définitions des conciles à peine d'être hérétique, les théologiens n'obligent pas ordinairement sous la même peine à recevoir toutes les preuves dont les conciles se servent; mais premièrement les théologiens qui parlent ainsi, ne permettent pas pour cela d'affoiblir ces preuves. Une si étrange témérité est-elle exempte de censure? En matière de religion ne faut-il craindre précisément que d'être hérétique? N'est-ce rien de favoriser l'hérésie et de désarmer l'Eglise, en lui ôtant ses fondemens principaux? Que deviendra la saine doctrine, s'il est permis d'en renverser les remparts l'un après l'autre? M. Simon aura détruit celui de saint Paul: un autre attaquera celui de David, où l'on voit l'homme conçu en iniquité. Par ce moyen la place est ouverte, et l'Eglise sans défense. Mais secondement ce n'est pas le cas où les théologiens excusent ceux qui ne veulent pas recevoir toutes les preuves des conciles. Lorsque les conciles déclarent en termes formels, comme ceux de Trente et de Carthage font ici, que le sens qu'ils donnent à un passage est « celui que l'Eglise catholique répandue par toute la terre a toujours reçu, et qu'il n'est pas permis d'en suivre un autre, » l'Eglise veut astreindre les fidèles à la preuve comme au dogme, et n'écoute plus ceux qui la rejettent.

CHAPITRE XV.

Suite de l'examen des paroles de l'auteur sur la traduction in quo. Il se sert de l'autorité de ceux de Genève, de Calvin et de Pelage, contre celle de saint Augustin et de toute l'Eglise catholique, et il avoue que la traduction quatenùs renverse le fort de sa preuve.

Il n'en faudroit pas davantage pour confondre M. Simon; et je ne m'attacherois pas à peser ses autres paroles, s'il n'étoit bon de montrer avec quel entêtement et par quelles vues il s'opiniâtre à détruire les sens de l'Ecriture, et même la traduction que les conciles proposent.

Premièrement sur la traduction qui met « parce que, » quatenùs, quia, qui est celle qui favorise les pélagiens, au lieu « d'en

qui,» in quo, qui est celle de l'Eglise catholique, « l'auteur cite les docteurs de Genève, qui ne peuvent pas être suspects en cette matière 1. » Ils ne peuvent pas être suspects: comme si pour ne l'être pas sur le pélagianisme, ils l'en étoient moins sur le sujet de la Vulgate, qu'ils sont bien aises de reprendre et avec elle l'Eglise, qu'ils ne cessent de chicaner sur cette matière.

En un autre endroit, pour excuser le sens de Pélage, il allègue encore l'autorité de Calvin, à cause qu'il n'est pas pélagien, « et de quelques autres calvinistes. » Ils ne sont pas non plus ariens; et cependant combien de passages ont-ils affoiblis en faveur de l'arianisme? M. Simon ne l'ignoroit pas; et il n'emploieroit pas si souvent l'autorité de ces critiques novateurs, qui font les savans en cherchant les sens détournés et particuliers, si ce n'étoit qu'il a pris lui-même cet esprit.

Dans la suite il reprend saint Augustin3 pour avoir dit de ce passage de saint Paul « qu'il est clair, qu'il est précis, et excluoit toute ambiguïté; » mais M. Simon répond pour Pélage, que « ce passage et les autres » ne sont pas si clairs que saint Augustin se l'imaginoit « on les pouvoit interpréter de différentes manières même selon le sens grammatical. Pélage et ses sectateurs ont prétendu que in quo étoit en ce lieu-là pour quatenùs. » A cause que Pélage l'a prétendu, saint Augustin aura tort d'avoir trouvé le passage clair, et les doutes des hérétiques feront la loi à l'Eglise. Mais M. Simon croit tout sauver en ajoutant « que cette interprétation a été suivie par quelques orthodoxes, » c'est-à-dire par un ou deux qui n'y pensoient pas et qui n'étoient point attentifs à l'hérésie de Pélage. M. Simon veut nous obliger à les égaler aux Pères et aux conciles, même œcuméniques, dont les disputes émues ont tourné l'attention de ce côté-là. N'est-ce pas là une solide critique, et bien propre à établir les preuves de la tradition? Mais voici où le critique en vouloit venir : « Les pélagiens affoiblissoient par ce moyen le plus fort de la preuve de saint Augustin, qui consistoit en ce mot in quo. » C'est donc là le fruit de la critique, de trouver « le moyen d'affoiblir le fort de la preuve de

' P. 171.— 2 P. 241.— 3 P. 286.— ↳ August., De pecc. mer. et rem., cap. x, n. 11. - $ P. 286.

saint Augustin,» ajoutons, qui étoit aussi le fort de la preuve de quatre conciles, dont l'autorité est œcuménique. C'en est trop, et il n'y eut jamais dans toute l'Eglise d'exemple d'une pareille témérité.

CHAPITRE XVI.

Suite de l'examen des paroles de l'auteur: il affoiblit l'autorité de saint Augustin et de l'Eglise catholique par celle de Théodoret, de Grotius et d'Erasme si c'est une bonne réponse en cette occasion, de dire que saint Augustin n'est pas la règle de la foi.

Il continue cependant : « Théodoret n'a fait en ce lieu (sur le passage de saint Paul dont il s'agit) aucune mention du péché originel'. » Au contraire l'auteur tâche de faire paroître qu'il y étoit opposé, de quoi nous parlerons ailleurs. Le patriarche Photius en use de même que Théodoret: voilà donc ces orthodoxes de M. Simon réduits au seul Théodoret, si ce n'est qu'on veuille mettre Photius, le patriarche du schisme, au nombre des orthodoxes. «En général, continue-t-il, la plupart des commentateurs grecs n'ont fait aucune mention du péché originel sur ce passage de saint Paul. » C'est ce que je nie, et je n'en crois pas M. Simon sur sa parole. Quoi qu'il en soit, c'est à l'occasion de Théodoret, de Photius et de quelques Grecs, qu'il a prononcé cette sentence, qu'on ne doit pas croire « que les conciles aient voulu condamner les plus doctes Pères ; » ce qu'il conclut par ces paroles : « Ce n'est pas être pélagien que d'interpréter ', où il y a dans la Vulgate in quo, par quatenùs ou eò quòd, avec Théodoret et Erasme. » Voilà deux autorités bien assorties ! Et il ajoute : « Le sentiment de saint Augustin, qui traite cette interprétation de nouvelle et de fausse, n'est pas une décision de foi; » et à cause de cela il sera permis de lui égaler « Théodoret et Erasme, » comme si c'étoit ôter toute autorité à saint Augustin, que de ne lui pas donner celle d'être la règle de la foi, à quoi personne ne pense. Voilà comment raisonne un esprit outré. Qu'il apprenne donc que sans prétendre en aucune sorte que les sentimens de saint Augustin soient une décision de foi, on peut bien dire que l'interprétation qu'il a reje

1 P. 321.2 P. 463. · 3 P. 661.

tée, celle qui met quatenus pour in quo, étoit nouvelle et fausse: nouvelle, parce qu'elle étoit contraire à toutes les versions dont l'Eglise se servoit nouvelle encore, parce que tous les Pères latins, qui sont les seuls qu'il faut consulter sur une version latine, avoient constamment traduit in quo, comme tout le monde en est d'accord; mais fausse de plus, parce que sans parler encore de la suite du discours de l'Apôtre, qui détermine manifestement à l'explication de saint Augustin, il est certain de l'aveu de M. Simon1 qu'elle ôtoit à la preuve de l'Eglise contre les pélagiens ce qu'elle avoit de plus fort et de principal; quoique d'ailleurs cette preuve soit celle de quatre conciles d'une autorité infaillible.

Quand le sentiment de saint Augustin est soutenu de cette sorte, sans en faire la règle de la foi, on peut bien dire qu'il n'y a que les hérétiques ou leurs adhérens qui s'y opposent; et ainsi quand avec Erasme M. Simon aura mis encore Calvin et les calvinistes, ce traducteur ne seroit pas excusable d'avoir changé la version que saint Augustin a suivie, puisqu'elle a toujours été et qu'elle est encore celle de toute l'Eglise d'Occident.

CHAPITRE XVII.

Réflexion particulière sur l'allégation de Théodoret: autre réflexion importante sur l'allégation des Grecs dans la matière du péché originel, et de la grace en général.

Pour ce qui regarde Théodoret, que notre auteur apparie avec Erasme afin que le nom de l'un couvre la foiblesse de l'autre, son autorité est détruite par M. Simon en deux endroits : le premier est celui où il convient que le commentaire de saint Chrysostome, dont l'autorité l'emporte de beaucoup sur celle des autres Grecs, induit à traduire in quo, « en qui,» et non pas quia, «parce que 2. » Le second est dans un passage que nous avons marqué ailleurs, mais qu'il faut ici rapporter tout du long : « Ce n'est pas ici le lieu d'examiner si cette pensée de Théodoret (sur le passage de saint Paul) est pélagienne; je remarquerai seulement en passant, que le pélagianisme ayant fait plus de bruit dans les Eglises où l'on par

1 P. 286.2 P. 171.

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