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loit la langue latine que dans l'Orient, il n'est pas surprenant que ce commentateur qui a recueilli en abrégé ce qu'il avoit lu dans les auteurs grecs, n'ait point fait mention en ce lieu-ci du péché originel'. » Cette remarque en passant, de M. Simon, vaut mieux que toutes celles qu'il fait exprès, puisqu'il y donne lui-même la solution de tous les passages des Grecs, qu'il étale si ambitieusement dans tout son livre. Ces Grecs, ou auront écrit comme saint Chrysostome avant Pélage; et en ce cas, comme ils n'avoient point ses erreurs en vue et sans songer à presser le sens qui le pouvoit serrer de plus près, ils demeuroient dans des expressions plus générales ou s'ils ont écrit depuis Pélage, comme Théodoret, parce que cette hérésie faisoit moins de bruit en Orient qu'en Occident, ils n'avoient garde d'y avoir la même attention; ils n'y pensoient pas, et de l'aveu de M. Simon ils se contentoient « de rapporter ce qu'ils avoient lu » dans les Pères précédens, qui y pensoient encore moins, puisque Pélage venu depuis ne pouvoit pas exciter leur vigilance avant qu'il fùt né.

Voilà donc, par M. Simon, un dénouement des lacets qu'il tend lui-même aux ignorans dans l'autorité des Pères grecs, tant sur la matière du péché originel que sur les autres qui concernent la grace. Si rien ne sollicitoit leur attention vers une de ces matières, il en est de même des autres sur lesquelles tout le monde fut réveillé par l'hérésie de Pélage. Ainsi les préférer aux Latins, aux Latins, dis-je, que cette hérésie avoit excités, c'est de même que si on disoit qu'il faut dans l'explication d'une doctrine préférer ceux qui n'y pensent pas à ceux qui y pensent, ce qui est, comme on a vu, une illusion d'où M. Simon ne sortira jamais.

Au reste comme notre auteur en revient souvent à Théodoret et à Photius, et que ce sont en cette matière ses deux grands auteurs, j'aurai occasion d'en parler ailleurs plus à fond: il me suffit maintenant d'avoir fait voir combien vainement on les oppose, je ne dis pas à saint Augustin, mais à toute l'Eglise catholique.

1 P. 321.

CHAPITRE XVIII.

Minuties de M. Simon et de la plupart des critiques.

D

Les autres endroits où M. Simon parle du passage de saint Paul ne méritent pas, en vérité, d'être relevés. Gagney préfère quia à in quo, et Photius aux Latins: Tolet « ne condamne pas » ce sentiment, « et se contente de dire que l'autre est plus vrai1. » Est-ce là de quoi contre-balancer l'autorité de saint Augustin et celle du Saint-Esprit dans quatre conciles? Un critique qui va ramassant de tous côtés des minuties pour affoiblir les explications et la doctrine de l'Eglise, n'a-t-il pas bien employé sa journée ? Il se trouvera à la fin qu'il n'aura fait plaisir qu'aux sociniens. Aussi a-t-il remarqué en leur faveur « que les unitaires ne reconnoissoient point le péché originel, ne le trouvant point dans le Nouveau Testament 2. >> Voilà ceux pour qui il travaille : il insinue qu'ils ne trouvent pas le péché originel dans le Nouveau Testament. Il sait bien qu'ils le reconnoîtroient, s'ils le trouvoient dans l'Ancien; de sorte qu'en parlant ainsi, il présuppose manifestement qu'ils ne le trouvent nulle part; et afin qu'on ne puisse pas leur reprocher que c'est par leur faute, le critique remue tous ses livres, et emploie tout son esprit pour empêcher qu'on ne le trouve où il est le plus, qui est l'endroit de saint Paul dont il s'agit. Ainsi toute la critique de M. Simon ne tend qu'à soulager les hérétiques sur un passage de saint Paul, où le péché originel se trouve plus clairement qu'ils ne veulent; et autant que l'Eglise catholique s'attache dans ses conciles à le montrer là, autant M. Simon s'est-il attaché à faire qu'on l'y cherche en vain.

CHAPITRE XIX.

L'interprétation de saint Augustin et de l'Eglise catholique s'établit par la suite des paroles de saint Paul. Démonstration par deux conséquences du texte que saint Augustin a remarquées: première conséquence.

C'est ici une occasion nécessaire de faire sentir aux lecteurs combien sont vaines dans le fond les difficultés que les altercations 1 P. 582, 612. - 2 P. 850.

des critiques mal intentionnés et les grands noms des saints Pères, qu'on y interpose, font paroître si embarrassantes. Tout se démêle par un seul principe de la dernière évidence, c'est que l'Apôtre s'est proposé dans le chapitre v de l'Epitre aux Romains, de comparer Jésus-Christ comme principe de notre justice et de notre salut avec Adam comme principe de notre péché et de notre perte; d'où saint Augustin tire d'abord en divers endroits deux conséquences contre les explications des pélagiens 1 : la première, que Jésus-Christ nous étant proposé comme celui qui nous profite, non-seulement par son exemple, mais encore en nous communiquant intérieurement sa justice, Adam nous est aussi proposé comme celui qui nous a perdus, non point par l'exemple seulement, ainsi que le prétendoient les pélagiens, mais par la communication actuelle et véritable de son péché en sorte que nous soyons faits aussi véritablement « pécheurs par la désobéissance d'Adam, que nous sommes faits justes par l'obéissance » de JésusChrist, qui est la proposition où aboutit manifestement le raisonnement de saint Paul.

CHAPITRE XX.

Seconde conséquence du texte de saint Paul remarquée par saint Augustin : de quelque sorte qu'on traduise, on démontre également l'erreur de ceux qui, à l'exemple des pélagiens, mettent la propagation du péché d'Adam dans l'imitation de ce péché.

La seconde conséquence de saint Augustin est que la justice de Jésus-Christ étant infuse aux enfans par le baptême, qui est une seconde naissance, le péché d'Adam passe aussi à eux avec la vie par la première génération.

Il est clair, dit saint Augustin, par toute la suite du raisonnement de saint Paul qu'il aboutit à ce parallèle. Ce Père remarque aussi qu'il est ridicule d'attribuer tous les péchés des hommes au mauvais exemple d'Adam, que les hommes pour la plupart n'ont pas connu. Il leur nuisoit donc autrement que par son exemple : « Il leur nuisoit, dit saint Augustin, par propagation, et non point par imi

1 August., De pecc. mer., lib. I, cap. IX, X, XV; ad Bonif., lib. IV, cap. Iv et alibi passim. 2 Rom., V, 19.

tation', » comme un père qui les engendre, et non point comme un modèle dont l'exemple les induisoit à faire mal, d'autant plus que visiblement saint Paul comprenoit dans sa sentence tout ce qui étoit sorti d'Adam, et tout ce qui étoit sujet à la mort. Il y comprenoit par conséquent les petits enfans, à qui l'exemple d'Adam, non plus que celui de Jésus-Christ, ne pouvoit ni nuire, ni servir. Enfin il s'agissoit de montrer dans le genre humain la cause de la mort et de la vie : l'une, dans le péché d'Adam; l'autre, dans la justice de Jésus-Christ. Tous mouroient, et les enfans mêmes. Si, par les paroles de saint Paul : « le péché étoit introduit dans le monde par Adam, et la mort par le péché, » les enfans qui participoient à la mort d'Adam, devoient aussi participer à son péché autrement, dit saint Augustin, par une injustice manifeste, vous faites passer l'effet sans la cause, le supplice sans la faute, « la peine de mort sans le démérite qui l'attire. » Chicanez, M. Simon, tant qu'il vous plaira : ni vous, ni les pélagiens ne pouvez plus reculer laissez à part pour un moment les noms de Théodoret, de Photius, si vous voulez, et des scholiastes grecs : traduisez comme vous voudrez le passage de saint Paul : voulez-vous traduire par en qui, c'est la bonne, c'est la naturelle version, où l'Eglise de votre aveu gagne sa cause, parce qu'on y trouve celui « en qui tous étoient un seul homme 3, » comme dans le principe commun de leur naissance, et en qui aussi ils sont tous un seul pécheur dans le principe commun de leur corruption? Voulez-vous, au lieu d'en qui, mettre parce que? vous n'échapperez pas pour cela à la vérité qui vous presse : « La mort a passé à tous, parce que tous ont péché il faut donc trouver le péché partout où l'on trouvera la mort. Vous la trouvez dans les enfans: trouvez-y donc le péché. S'ils sont du nombre de ceux qui meurent par votre propre traduction, ils sont du nombre de ceux qui pèchent : ils ne pèchent pas en eux-mêmes, c'est donc en Adam; et malgré que vous en ayez, il faut ici de vous-même rétablir l'in quo, que vous aviez voulu supprimer. On y est forcé par la seule suite des paroles de saint Paul, cet Apôtre visiblement n'ayant fait Adam introducteur

1 Lib. I De pecc. mer., cap. IX, X, XV. — 2 Ad Bonif., lib. IV, cap. iv. pecc. mer., cap. x.

3 De

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de la mort qu'après l'avoir fait introducteur du péché, d'où il avoit inféré que la mort avoit passé à tous, dans la présupposition « que tous aussi avoient péché : » en sorte que, selon le texte de saint Paul, ils ne pouvoient naître mortels que parce qu'ils naissoient pécheurs.

CHAPITRE XXI.

Intention de saint Paul dans ce passage, qui démontre qu'il est impossible d'expliquer la propagation du péché d'Adam par l'imitation et par l'exemple.

Et afin de pénétrer une fois tout le fond de cette parole de saint Paul, sur laquelle roule principalement tout ce qui doit suivre, lorsqu'il a dit que par « un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, » son intention n'a pas été de nous apprendre que le premier de tous les péchés soit celui d'Adam, ou que sa mort soit la première de toutes les morts. L'un et l'autre est faux. Pour la mort, Abel en a subi la sentence avant Adam: pour le péché, celui des anges rebelles a précédé. Quand on voudroit se réduire au commencement du péché parmi les hommes, Eve en a donné la première le mauvais exemple; et quand on s'attacheroit à Adam comme à celui dont le sexe étoit dominant, il n'y auroit rien de fort remarquable qu'étant le premier et alors le seul, il n'y ait point eu de péché parmi les hommes qui ait pu précéder le sien. Ce n'étoit pas une chose qui méritât d'être relevée avec tant d'emphase; mais ce qui étoit véritablement digne de remarque et ce qu'aussi le saint Apôtre nous fait observer, c'est que le péché et la mort qu'Adam avoit encourue ne sont pas demeurés en lui seul, tout ayant passé de lui à tout le monde, le péché le premier comme la cause, et la mort après comme l'effet et la peine.

A cela les pélagiens d'abord ne trouvèrent de solution qu'en disant que notre premier père étoit introducteur du péché par son exemple; mais outre que cela étoit insoutenable par toutes les raisons qu'on vient de voir, la suite des paroles de l'Apôtre y répugnoit, puisqu'Adam n'y étant introducteur du péché que de la même manière et à même titre qu'il l'étoit aussi de la mort, comme ce n'étoit point par son exemple, mais par la génération

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