Images de page
PDF
ePub

CHAPITRE XVII.

Témoignages de l'Orient rapportés par saint Augustin: celui de saint Jérôme et celui de saint Irénée pouvoient valoir pour les deux Eglises, aussi bien que celui de saint Hilaire et de saint Ambroise, à cause de leur célébrité.

Sur ce fondement nous avons vu qu'il ne pouvoit y avoir aucune difficulté pour l'Orient; et néanmoins saint Augustin en produisoit les deux lumières 1, saint Grégoire de Nazianze et saint Basile, pour en venir à saint Chrysostome; mais après avoir fait voir auparavant que la foi de l'Orient étoit invinciblement et plus que suffisamment établie par les deux premiers.

Saint Augustin place en ce lieu l'autorité de saint Jérôme, qui étoit comme le lien de l'Orient et de l'Occident, « à cause, dit-il, qu'étant célèbre par la connoissance, non-seulement de la langue latine, mais encore de la langue grecque et même de l'hébraïque, il avoit passé de l'Eglise occidentale dans l'orientale pour y mourir à un âge décrépit dans les Lieux saints et dans l'étude perpétuelle des Livres sacrés. » Il ajoutoit « qu'il avoit lu tous ou presque tous les auteurs ecclésiastiques,» afin qu'on remarquât ce que pensoit un homme qui ayant tout lu, ramassoit pour ainsi dire en lui seul le témoignage de tous les autres et celui de la tradition universelle.

C'est pourquoi il citoit souvent ce saint prêtre, et toujours avec le titre « d'homme très-savant, » qui avoit lu « tant d'auteurs ecclésiastiques, tant d'expositeurs de l'Ecriture, tant de célèbres docteurs qui avoient traité toutes les questions de la religion chrétienne 3, » pour appuyer par son témoignage le consentement des anciens avec les nouveaux, et celui de toutes les langues.

Pour confirmer l'unanimité de l'Orient et de l'Occident, il montroit que les Pères de l'Occident qu'il produisoit, comme saint Hilaire et saint Ambroise, étoient connus de toute la terre: « Voici, dit-il, une autorité qui vous peut encore plus émouvoir. Qui ne connoît ce très-vigoureux et très-zélé défenseur de la foi

1 Contr. Jul., lib. I, cap. v, n. 15, 16. merit. et remiss., lib. III, cap. VI, VII.

2 Ibid., cap. VII, n. 34. -3 De pecc.

catholique contre les hérétiques, le vénérable Hilaire, évêque des Gaules » L'Orient certainement le connoissoit bien, puisqu'il y avoit été relégué pour la foi et qu'il s'y étoit rendu très-célèbre. C'est pourquoi saint Augustin ajoute: «Osez accuser un homme d'une si grande réputation parmi les évêques catholiques 2. » Et pour ce qui est de saint Ambroise : « C'est un homme, disoit-il, renommé par sa foi, par son courage, par ses travaux, par ses périls, par ses œuvres et par sa doctrine dans tout l'empire romain 3, » c'étoit dire dans l'Eglise grecque autant que dans la latine. Il pouvoit encore nommer comme un lien de l'Orient et de l'Occident saint Irénée, qui venu de l'Orient, nous avoit apporté ce qu'il y avoit appris aux pieds de saint Polycarpe, dont il étoit le disciple, d'autant plus que ce saint martyr, je veux dire saint Irénée, étant, comme on sait, parmi les anciens le plus grand prédicateur de la tradition, on ne pouvoit pas le soupçonner d'avoir voulu innover ou enseigner autre chose que ce qu'il avoit reçu presque des mains des apôtres.

CHAPITRE XVIII.

Parfaite conformité des idées de ces Pères sur le péché originel, avec celles de saint Augustin.

[ocr errors]

:

Voilà pour ce qui regarde l'universalité et l'autorité des témoins de saint Augustin: mais pour y ajouter l'uniformité, il n'y a aucune partie de la doctrine de ce Père qu'on ne trouve dans leurs témoignages. Faut-il appeler le péché originel un véritable péché? Qu'on lise dans saint Augustin le témoignage de saint Cyprien, de Rétice, d'Olympius, de saint Hilaire, de saint Ambroise on l'y trouvera. Saint Cyprien dit en termes formels que c'est un péché si véritable, qu'il ne faut rien moins aux petits enfans que le baptême « pour le remettre 3. » Réticius, de peur qu'on ne croie que la peine seule passe en nous, inculque avec une force invincible le poids de l'ancien crime, les anciens crimes, les crimes nés avec nous » Olympius établit « par la mortelle transgression

[blocks in formation]

du premier homme, le vice dans le germe d'où nous avons été formés et le péché né avec l'homme '. » S'il faut forcer tous ces passages pour dire que par le péché on en doit entendre la peine, il n'y a plus rien dans l'Eglise qu'il faille prendre à la lettre, ni aucun acte pour établir la tradition, qui ne puisse être éludé. Les principaux passages de l'Ecriture dont saint Augustin se servoit, étoient pour l'Ancien Testament celui de David Ecce in iniquitatibus, et pour le Nouveau celui de saint Paul: Per unum hominem, etc., depuis le verset 12 jusqu'au verset 20 du chapitre v de l'Epitre aux Romains.

Sur le premier passage, saint Augustin produisoit le témoignage de saint Hilaire, de saint Grégoire de Nazianze et de saint Ambroise; et sur le second, il alléguoit outre saint Ambroise, qui traduisoit et expliquoit expressément comme lui ce fameux in quo, tous les Pères qui reconnoissoient qu'en effet nous avions tous péché en Adam.

CHAPITRE XIX.

Les Péres cités par saint Augustin ont la même idée que lui de la concupiscence, et la regardent comme le moyen de la transmission du péché : fausses idées sur ce point de Théodore de Mopsueste excusées par M. Simon.

Une des parties les plus essentielles de la doctrine de saint Augustin sur le péché originel, c'est d'en expliquer la propagation par la concupiscence d'où tous les hommes sont nés, à l'exception de Jésus-Christ. Mais on trouvera cette vérité en termes précis dans les passages de saint Hilaire et de saint Ambroise, produits par ce Père. Le premier voulant expliquer la source de nos souillures, dit « que notre corps (où réside la concupiscence) est la matière de tous les vices, par laquelle nous sommes souillés et infectés, » ce qui nous fait bien entendre la vérité de cette parole du Sauveur : « Ce qui naît de la chair est chair, » ce qui naît de l'infection est infecté ; d'où il suit que celui-là seul ne l'est pas et ne le peut être, qui n'est pas né selon la chair, mais du SaintEsprit tout autre que lui a contracté en Adam l'obligation au 2 Contr. Jul., lib. II cap. vIII, n. 27;

1 Contr. Jul. lib. I, cap. III, n. 8. Hilar., Hom. in S. Job, quæ non extat.

péché. Ce principe est si véritable, que la pieuse opinion qui en exempte la sainte Vierge, est fondée sur une exception, qui en ce cas plus qu'en tout autre affermit la règle. Ce que je dis, non pour entrer dans cette matière, qui n'est point de ce lieu, mais pour faire voir l'incontestable vérité du principe qu'on vient de voir de saint Hilaire.

Le même saint voulant expliquer ailleurs comment Jésus-Christ est venu, ainsi que le dit saint Paul', non dans la chair du péché, mais dans la ressemblance de la chair du péché, en rend cette raison, « que toute chair venant du péché et ayant été tirée du péché d'Adam, Jésus-Christ a été envoyé, non pas avec le péché, mais dans la ressemblance de la chair du péché 2. » Quand il dit que la chair vient du péché, et qu'elle est tirée du péché d'Adam, il veut dire manifestement qu'elle vient par la concupiscence, qui a sa source dans le péché d'Adam; si bien que Jésus-Christ n'étant pas venu par la voie ordinaire de la sensualité ou de la concupiscence de la chair, il s'ensuit qu'il n'a dù avoir que la ressemblance de la chair du péché, et non pas la chair du péché même : ce qui dans le fond n'est autre chose que ce qu'enseigne plus clairement saint Ambroise sur Isaïe, lorsqu'il dit « que le Fils de Dieu est le seul qui a dû naître sans péché, parce qu'il est le seul qui n'est pas né de la manière ordinaire 3. »

En un mot, qui voudra faire un tissu de toute la doctrine de saint Augustin, n'a qu'à ramasser de mot à mot seulement ce qu'on trouvera dans les endroits que ce Père a cités de saint Ambroise : l'épreuve en sera facile, et la conséquence qu'il en faudra tirer est qu'il n'y a rien de plus éloigné de l'esprit d'innovation que la doctrine de saint Augustin, puisqu'il n'a fait, pour ainsi parler, que copier saint Ambroise son docteur, en se contentant de prouver contre les pélagiens ce qu'un si bon maître avoit enseigné en peu de mots avant la dispute.

Et sans ici nous attacher à saint Ambroise, tous les Pères, qui ont marqué (et tous l'ont fait), tous ceux, dis-je, qui ont marqué la propagation du péché originel par le sang impur et rempli de

1 Rom., VIII, 3. 2 Lib. I Contr. Jul., cap. III, n. 9. -3 Apud August., lib. I De nupt. et conc., cap. xxxv, n. 40; et Contr. Jul., lib. I, cap. IV, n. 11.

TOM. IV.

20.

la corruption du péché d'où nous naissons, ont enseigné en même temps que ce péché passoit en nous par la concupiscence, qui seule infecte le sang d'où nous sortons : en sorte que la maladie que nous contractons en naissant et qui nous donne la mort, vient de celle, qui non-seulement demeure toujours dans nos pères, mais encore qui agit en eux lorsqu'ils nous mettent au monde.

C'est le péché originel pris en ce sens, venant de cette source et par cette propagation, que Théodore de Mopsueste attaquoit visiblement en la personne de saint Augustin. C'est ce qu'à l'exemple des pélagiens il appeloit un manichéisme; et quand M. Simon prétend l'excuser en disant qu'il n'attaque le péché originel que selon les idées de saint Augustin, c'est lui chercher une excuse, non pas contre saint Augustin, mais contre tous les anciens, dont ce Père n'a fait que suivre les traces.

CHAPITRE XX.

Saint Justin, martyr, enseigne comme saint Augustin, non-seulement que la peine, mais encore que le péché même d'Adam a passé en nous : la preuve de la circoncision est employée pour cela par le méme saint, aussi bien que par saint Augustin.

Dans ce petit nombre de témoins que saint Augustin a choisis, ce Père a raison de dire qu'on entend toute la terre, et l'on peut tenir pour assuré, non-seulement que tous les autres auront tenu le même langage, mais encore que ceux-ci même auront souvent répété une vérité si célèbre. En effet si pour achever la chaîne des Pères que ce saint docteur a commencée sur cette matière, nous remontons encore plus haut, nous trouverons saint Justin, plus ancien que saint Irénée, qui nous dira que nous « sommes tombés par Adam, » non-seulement « dans la mort qui est la peine, mais encore dans l'erreur, dans la séduction que le serpent fit à Eve', » qui est la coulpe; et si cela n'est pas assez clair, il dira encore <«< que Jésus-Christ seul est sans péché ; » ou, ce qui est beaucoup plus exprès, que lui seul est né sans péché 3, ce qu'il confirme par le sacrement de la circoncision et par la menace Dial. cum Tryph., p. 316. — 2 P. 336. 3 Ibid., p. 241.

« PrécédentContinuer »