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quité me corrompe, ni que je souille ce corps que j'ai promis de vous garder pur 1. » Après qu'il eut dit Amen et qu'il eut fini sa prière, « il sentit, dit l'historien, une consolation céleste, et les mauvaises pensées furent dissipées en un moment. » L'action de graces suivoit aussi forte que la demande. « O Dieu, disoit ce jeune prince, en apprenant la conversion inespérée de son père, qui racontera votre miséricorde et votre puissance? Vous êtes celui qui changez les pierres en étangs et les rochers en ruisseaux. Cette roche, c'est-à-dire le cœur de mon père, est devenue une cire molle quand il vous a plu; et qui en doute, puisque vous pouvez faire naître de ces pierres des enfans d'Abraham? Etendez done sur votre serviteur cette main ouvrière et invisible qui fait tout : achevez de le délivrer, et faites-lui sentir très-efficacement que vous êtes le seul Dieu et le seul roi 2. » Lorsqu'il ajoute : « Je vous rends graces,» d'un si soudain changement, «ô Dieu amateur des hommes 3; » et encore : « Je vous rends graces de ce que vous n'avez pas méprisé mes prières ni rejeté mes larmes, et de ce qu'il vous a plu de retirer mon père, votre serviteur, de ses péchés, et de le tirer à vous, qui êtes le Sauveur de tous. » Il montre quel secours il avoit besoin de demander pour obtenir un si grand effet, et en un mot qu'il ne le falloit ni moins grand ni moins efficace.

CHAPITRE XXIII.

Prières dans les hymnes : hymne de Synésius, évêque de Cyrène.

Parmi les prières des saints, il faut mettre dans les premiers rangs les hymnes qu'ils ont composées à la louange de Dieu. L'Eglise d'Occident a adopté celles de saint Ambroise, de Prudence et de beaucoup d'autres, où nous voyons à chaque vers qu'on demande à Dieu, non le pouvoir, mais l'effet et le secours qui l'attire, comme on voit dans l'hymne de Tierce, où l'on invoque le Saint-Esprit, afin « que la bouche, tous les sens, toute la force de l'ame retentissent d'actions de graces, que la charité

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1 Joan. Damasc., Hist., p. 633. 2 Ibid., p. 642. • Ibid., p. 645.

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s'allume en nous, et que l'ardeur s'en répande sur le prochain; » ce qu'on termine en disant: « O Père, accordez-le-nous, » etc. On n'a qu'à ouvrir le Bréviaire pour trouver dans toutes les hymnes ces prières, où l'on demande l'effet actuel; mais les saints d'Orient ne sont pas moins attachés à ces demandes que ceux d'Occident. Synèse, évêque de Cyrène, a composé au quatrième siècle des hymnes sacrées, dans lesquelles on trouve, avec le tendre d'Anacréon, la sublimité d'Alcée et de Pindare. Mais sans nous arrêter là, il s'agit d'entendre dire à ce poëte céleste : « Découvrez-moi la lumière de la sagesse : donnez-moi la grace d'une vie tranquille : ôtez de mes membres les maladies et l'emportement désordonné de mes passions: chassez ces chiens dévorans de mon ame, de mes prières, de mes actions: donnez à votre suppliant une vie innocente, une vie intellectuelle; gardez mon corps sain et mon esprit pur: donnez-moi les fruits des bonnes œuvres : donnez-moi des paroles véritables et tout ce qui nourrit l'espérance: accordez, Père céleste, à mon ame d'être unie à la lumière primitive, et qu'y étant une fois unie, elle ne se replonge jamais dans ces ordures terrestres 1; » c'est-à-dire, en d'autres termes: Donnez-moi le commencement, donnez-moi la fin: « Afin, dit-il, que je sois uni à la source de l'ame, donnez, mon Dieu, une telle vie, une vie irrépréhensible à votre poëte. >>

Mais de peur qu'on ne nous réponde qu'en demandant le commencement il avoit déjà commencé, puisqu'il prioit, il reconnoît la prière même comme un don de Dieu : « Accordez, dit-il, à mon ame que soigneusement gardée (comme sous la clef) par votre main paternelle, elle vous offre saintement des hymnes intellectuelles avec la sainte assemblée qui règne avec nous 3. » Et encore : « Donnez-moi pour compagnie un de vos saints anges, benin dispensateur des prières conçues dans mon ame par une lumière divine *. » C'est le secret de la grace de savoir connoître que lorsque Dieu veut nous exaucer, il inspire premièrement les prières qu'il veut entendre; et ensuite, quand on lui demande, comme fait ce philosophe chrétien, qu'il nous délivre des vices.

1 Hymn. 11, 318; Hymn. 111, 320, 329. Hymn., IV 340.

- 2 Hymn. v, 342.— 3 Hymn. 111, 334. —

et qu'il nous inspire la vertu, on impuțe tout à sa grace jusqu'au premier commencement.

CHAPITRE XXIV.

Hymne de saint Clément d'Alexandrie, et sa doctrine conforme en tout à celle de saint Augustin.

Saint Clément d'Alexandrie est celui qui a donné à Synèse, au commencement du troisième siècle, le modèle des hymnes sacrées, dans celle qu'il a composée pour Jésus-Christ à la fin de son Pédagogue. Il la commence par cette prière qui conclut ce livre « Prions, dit-il, le Verbe en cette manière : Regardez vos enfans d'un œil propice, divin Pédagogue (conducteur des ames simples et enfantines). Fils et Père, qui n'êtes qu'un Seigneur, donnez à ceux qui vous obéissent d'être remplis de la ressemblance de votre image, et de vous trouver selon leur pouvoir un Dieu benin et un juge favorable: faites que tous tant que nous sommes, qui vivons dans votre paix, étant transférés à votre Cité immortelle, après avoir traversé les flots que met le péché entre elle et nous (en attendant), nous nous assemblions en tranquillité par votre Esprit-Saint, pour vous louer et vous rendre graces nuit e jour jusqu'à la fin de notre vie; » après quoi il parle ainsi : « Et parce que c'est le Verbe notre Conducteur qui nous a menés à son Eglise, et nous a unis à lui (comme ses membres, ainsi qu'il venoit de dire), nous ferons bien, pendant que nous sommes ici assemblés dans un même lieu, de lui en rendre graces, et de lui offrir des louanges convenables à ses instructions et à sa conduite. » Son hymne suit ces paroles, et il l'entonne en cette sorte « Frein des ames dociles, aile des oiseaux qui n'errent point, vrai gouvernail des enfans remplis de simplicité, assemblez-les pour louer d'une bouche sainte et sincère Jésus-Christ, le Conducteur des ames simples et enfantines. » On voit trois vérités dans tout ce discours de saint Clément d'Alexandrie: la première, que comme les autres, il demande à Dieu l'effet; la seconde, qu'il rend graces de l'avoir reçu; la troisième, que cet effet Pædag., lib. III, p. 195.

qu'il demande et dont il rend graces est premièrement la bonne vie qui nous rend semblables à Dieu, et secondement les saintes prières, les louanges, les actions de graces, puisqu'il veut que Dieu et son Saint-Esprit mettent dans le cœur des fidèles la volonté de s'assembler pour les faire. Car c'est ainsi qu'il les assemble; et par ce mouvement qu'il leur imprime, il commence à former en eux la prière, puisque chacun prie déjà en particulier aussitôt qu'il se sent ébranlé pour aller prier en commun.

Et puisque nous sommes tombés sur cette belle prière, pour en mieux prendre l'esprit, nous rapporterons un passage de son auteur sur la prière et la grace. C'est dans son livre vi des Tapisseries, où il dit que l'homme spirituel, dont il y fait la peinture, Trix; (c'est toujours ainsi qu'il appelle le parfait chrétien), demande à Dieu les vrais biens, c'est-à-dire les biens de l'ame 1. Voilà ce qu'il dit en général et qui comprend tout, et autant le commencement comme la fin. Pour s'expliquer plus en particulier, il ajoute que « l'action de graces et la demande qu'on fait à Dieu de la conversion du prochain, est le propre exercice du spirituel. » On demande donc la conversion du prochain, c'està-dire, comme le démontre saint Augustin, l'actuel commencement de la bonne vie comme un don venu de Dieu. «< On demande, dit encore saint Clément d'Alexandrie, que ceux qui nous haïssent soient amenés à la pénitence . » C'est par où saint Augustin prouvoit encore que Dieu prévenoit les hommes dans le péché, pour leur inspirer le désir d'en sortir . C'est par où la pénitence commence. Nous verrons bientôt comment on demande la suite; mais pour montrer l'efficace de la grace de la conversion, saint Clément ajoute « que comme Dieu peut tout, le spirituel obtient tout ce qu'il veut. » Par conséquent la conversion est regardée en ce lieu comme l'ouvrage d'une grace toute-puissante: le fidèle qui la demande pour un pécheur croit l'avoir reçue pour lui même, et ne croit pas être converti par une autre grace que par celle qu'il demande pour les autres. Pour venir à la persévérance, saint Clément ajoute « que l'homme spirituel demande la stabilité

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et qu'il nous inspire la vertu, on impuțe tout à sa grace jusqu'au premier commencement.

CHAPITRE XXIV.

Hymne de saint Clément d'Alexandrie, et sa doctrine conforme en tout à celle de saint Augustin.

Saint Clément d'Alexandrie est celui qui a donné à Synèse, au commencement du troisième siècle, le modèle des hymnes sacrées, dans celle qu'il a composée pour Jésus-Christ à la fin de son Pédagogue. Il la commence par cette prière qui conclut ce livre « Prions, dit-il, le Verbe en cette manière : Regardez vos enfans d'un œil propice, divin Pédagogue (conducteur des ames simples et enfantines). Fils et Père, qui n'êtes qu'un Seigneur, donnez à ceux qui vous obéissent d'être remplis de la ressemblance de votre image, et de vous trouver selon leur pouvoir un Dieu benin et un juge favorable : faites que tous tant que nous sommes, qui vivons dans votre paix, étant transférés à votre Cité immortelle, après avoir traversé les flots que met le péché entre elle et nous (en attendant), nous nous assemblions en tranquillité par votre Esprit-Saint, pour vous louer et vous rendre graces nuit e jour jusqu'à la fin de notre vie; » après quoi il parle ainsi : « Et parce que c'est le Verbe notre Conducteur qui nous a menés à son Eglise, et nous a unis à lui (comme ses membres, ainsi qu'il venoit de dire), nous ferons bien, pendant que nous sommes ici assemblés dans un même lieu, de lui en rendre graces, et de lui offrir des louanges convenables à ses instructions et à sa conduite.» Son hymne suit ces paroles, et il l'entonne en cette sorte « Frein des ames dociles, aile des oiseaux qui n'errent point, vrai gouvernail des enfans remplis de simplicité, assemblez-les pour louer d'une bouche sainte et sincère Jésus-Christ, le Conducteur des ames simples et enfantines. » On voit trois vérités dans tout ce discours de saint Clément d'Alexandrie: la première, que comme les autres, il demande à Dieu l'effet; la seconde, qu'il rend graces de l'avoir reçu; la troisième, que cet effet 1 Pædag., lib. III, p. 195.

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