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qu'on montre de l'autre qu'elle n'avance rien par ce moyen. Lorsqu'on diminue les preuves peu à peu, on met les sociniens en égalité avec elle. Comme il faut trouver un prétexte pour affoiblir les témoignages de l'Ecriture, on n'en peut trouver de plus spécieux que celui de faire paroître qu'on veut par là pousser l'hérétique à l'aveu de la tradition; et voilà ce qui a produit cette méthode réservée à la maligne critique de M. Simon, de renverser la tradition sous couleur de la défendre, et de détruire l'Eglise par l'Eglise même.

CHAPITRE XVIII.

Que l'auteur attaque ouvertement l'autorité de l'Eglise sous le nom de saint Chrysostome, et qu'il explique ce Père en protestant déclaré.

Certainement, s'il avoit la tradition autant à cœur qu'il en veut faire semblant, comme la tradition n'est autre chose que la perpétuelle reconnoissance de l'infaillible autorité de l'Eglise, il n'auroit pas anéanti une autorité si nécessaire. C'est cependant ce qu'il a fait dans le chapitre XI de son livre, sous le nom de saint Chrysostome, en cette sorte : « Saint Chrysostome, dit-il, représente dans l'homélie xxx sur les actes, un homme qui voulant faire profession de la religion chrétienne, se trouve fort embarrassé sur le parti qu'il doit prendre, à cause des différentes sectes qui étoient alors parmi les chrétiens. Quels sentimens suivrai-je? dit cet homme; à quoi m'attacherai-je? Chacun dit qu'il a la vérité de son côté; je ne sais à qui je dois croire, parce que j'ignore entièrement l'Ecriture, et que les différens partis prétendent tous qu'elle leur est favorable. Saint Chrysostome, poursuitil, ne renvoie pas cet homme à l'autorité de l'Eglise, parce que chaque secte prétendoit qu'elle l'étoit; mais il tire un grand préjugé en sa faveur de ce que celui qui vouloit embrasser le christianisme se soumettoit à l'Ecriture sainte, qu'il prenoit pour règle. De s'en rapporter, dit-il, aux raisonnemens, c'est se mettre dans un grand embarras, et en effet la raison seule ne peut pas nous déterminer entièrement. Lorsqu'il s'agit de préférer la véri➡ table religion à la fausse, il faut supposer une révélation. C'est pourquoi il ajoute que si nous croyons à l'Ecriture, qui est simple

et véritable, il sera facile de faire ce discernement, surtout si on a de l'esprit et du jugement 1. >>

Je demande ici à notre auteur: Que prétend-il par ce passage? A qui en veut-il? En faveur de qui fait-il cette remarque? «< Saint Chrysostome ne renvoie point à l'autorité de l'Eglise » cet homme incertain, mais à l'Ecriture « qui est simple, » où il trouvera un moyen facile de discerner, parmi tant de sectes, celle où il faut se ranger. N'est-ce pas là manifestement le langage d'un protestant qu'il met à la bouche de saint Chrysostome? Où est cet homme qui nous disoit tout à l'heure qu'on n'avançoit rien par l'Ecriture, et qu'il falloit avoir recours à la tradition? Il y falloit donc renvoyer, si ses principes avoient quelque suite. Mais non, dit-il, saint Chrysostome ne renvoie point à l'Eglise, ni par conséquent à la tradition, puisque, comme on vient de dire, la tradition n'est autre chose que le sentiment perpétuel de l'Eglise. Il renvoie à l'Ecriture, qui à cette fois devient si claire, que pourvu qu'on ait du sens et du jugement, il sera aisé de prendre parti par elle seule, sans qu'on ait besoin d'avoir recours à l'Eglise. Il ne faut point ici de raisonnement pour découvrir les sentimens de M. Simon. Malgré tout ce qu'il répand çà et là dans ses livres pour l'autorité de la tradition, qui est celle de l'Eglise, à ce coup il se déclare à visage découvert. L'esprit protestant, je le dis à regret, mais il n'est pas permis de le dissimuler; oui, l'esprit protestant paroît. Il est bien certain qu'un catholique détermineroit cet homme douteux par l'autorité de l'Eglise, plus claire que le soleil, par la succession de ses pasteurs, par sa tradition, par son unité, dont toutes les hérésies se sont séparées, et portent dans ce caractère de séparation et de révolte contre l'Eglise, la marque évidente de réprobation. Saint Chrysostome a souvent parlé de cette belle marque de l'Eglise. Il a dit sur ces paroles: Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre l'Eglise, « que saint Pierre avoit établi une Eglise plus forte, plus inébranlable que le ciel. >> Il a dit sur celles-ci : Je suis avec vous jusqu'à la fin des siècles: «Voyez quelle autorité! Les apôtres ne devoient pas être jusqu'à la fin des siècles; mais il parle en leur personne à tous les fidèles

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comme composant un seul corps, qui ne devoit jamais être ébranlé. «ll a dit : » Rien n'est plus ferme que l'Eglise : que l'Eglise soit votre espérance: que l'Eglise soit votre salut : que l'Eglise soit votre refuge: elle est plus haute que le ciel, et plus étendue que la terre elle ne vieillit jamais, sa jeunesse est perpétuelle '. Pour montrer combien elle est ferme et inébranlable, l'Ecriture la compare à une montagne; » la même comparaison montre « qu'elle devoit éclater aux yeux de tous les hommes plus on l'attaque, plus elle reluit. » Si M. Simon ne vouloit pas se donner la peine de rechercher ces passages, et tant d'autres aussi précis dans saint Chrysostome, il ne devoit pas omettre ce qui se trouvoit au lieu même qu'il fait semblant de vouloir transcrire. Car n'est-ce pas manifestement renvoyer cet homme douteux à l'Eglise, à son autorité, à son unité, dont toutes les autres sectes se sont détachées, que de lui parler en ces termes : « Considérez toutes ces sectes, elles ont toutes le nom d'un particulier dont elles sont appelées; chaque hérétique a nommé sa secte; mais pour nous, aucun particulier ne nous a donné son nom, et la seule foi nous a nommés? »

Ce Père fait allusion au nom d'homousiens ou de consubstantialistes que les ariens donnoient aux catholiques. Mais, dit-il, ce n'est pas le nom de notre auteur; c'est celui qui exprime notre foi. Quiconque a un auteur d'où il est nommé, porte sa condamnation dans son titre. N'est-ce pas en termes formels ce que nous disons tous les jours aux hérétiques, que la marque de la vraie Eglise est de n'avoir aucun nom que celui de chrétien et de catholique, qui lui vient pour avoir toujours conservé la même tige de la foi, sans avoir eu d'autres maîtres que Jésus-Christ? C'est pourquoi saint Chrysostome finit par ces mots : « Nous sommes-nous séparés de l'Eglise? Avons-nous fait schisme? Des hommes nous ont-ils donné leur nom? Avons-nous un Marcion, un Manichée, un Arius, comme en ont les hérésies? Que si l'on nous donne le nom de quelqu'un (si l'on nous dit : Voilà l'Eglise, voilà le troupeau, ou le diocèse, comme nous parlons, de Jean, d'Athanase, de Basile), on ne les nomme pas comme les auteurs d'une secte,

1 Homil. in illud: Astitit Regina, et aliàs passim. - Homil. in cap. II Isaiæ.

mais comme ceux qui sont préposés à notre conduite et qui gouvernent l'Eglise : nous n'avons point de docteur sur la terre ; mais nous n'en avons qu'un seul dans le ciel. » Puis revenant aux sectes dont il s'agissoit : «Ils en disent autant, poursuit-il, ils disent que leur maître est dans le ciel, mais leur nom, le nom de la secte vient les convaincre et leur fermer la bouche.» Voilà donc le dernier coup par lequel saint Chrysostome ferme la bouche à toutes les sectes séparées : leur nom, leur séparation et le mépris qu'ils ont fait de l'autorité de l'Eglise ne leur laissent aucune défense.

Notre critique a rapporté confusément quelque chose de ces paroles de saint Chrysostome, afin qu'on ne lui pût pas reprocher de les avoir entièrement supprimées; mais il n'a pas voulu avouer que c'étoit là manifestement parler de l'Eglise et renvoyer à l'Eglise il a même éclipsé le mot d'EGLISE, qui étoit si expressément dans son auteur; et en disant que saint Chrysostome «<a recours à quelques marques extérieures qui servent à discerner les sectaires d'avec les orthodoxes ',» il supprime encore ce que ce Père a dit de plus fort, qui est, non pas que ces marques « servent à discerner les sectaires,» paroles faibles et ambiguës; mais ce qui ne laisse aucune réplique, «que c'est là ce qui convainc et ce qui ferme la bouche, » d'avoir un nom qui marque la séparation, où l'on voit dans son titre même qu'on a quitté l'Eglise, de laquelle nul ne se sépare sans être hérétique. Et quand notre critique décide que saint Chrysostome ne renvoie pas à l'Eglise, ‹ à cause que toutes les sectes prétendoient être la véritable,» il va directement contre l'esprit et les paroles de ce Père, qui pour ôter tout prétexte de donner aux hérésies le titre d'Eglise, les en fait voir excluses par le seul nom qu'elles portent et par leur séparation, dont elles ne peuvent jamais effacer la tache.

Qu'on apprenne donc à connoître le génie de notre critique qui dit des choses contraires, et parle quand il lui plaît pour les protestans, qu'il semble vouloir combattre en d'autres endroits, ou pour se faire louer de tous les partis, et mériter des protestans mèmes la louange d'un homme savant et d'un homme libre; ou

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parce qu'en combattant manifestement en tant d'endroits l'autorité de l'Eglise, il se prépare des excuses dans les autres, où il veut paroître parler aussi en sa faveur.

CHAPITRE XIX.

L'auteur fait mépriser à saint Augustin l'autorité des conciles: fausse traduction d'un passage de ce Père, et dessein manifeste de l'auteur, en détruisant la tradition et l'autorité de l'Eglise, de conduire insensiblement les esprits à l'indifférence de religion.

Il ne se déclare pas moins pour les protestans, lorsqu'en exposant la dispute de saint Augustin contre Maximin arien, il fait parler ce Père en cette sorte: « Je ne dois point maintenant me servir contre vous du concile de Nicée comme d'un préjugé, aussi ne devez-vous pas vous servir de celui d'Arimini contre moi. » Jusqu'ici il rapporte bien les paroles de saint Augustin; mais quand il lui fait dire dans la suite: « Il n'y a rien qui nous oblige à les suivre,» il falsifie ses paroles'; car saint Augustin ne dit pas : « Il n'y a rien qui nous oblige à suivre » (les conciles d'Arimini et de Nicée ;) ce qui marqueroit dans les deux partis, et dans saint Augustin comme dans Maximin, une indifférence pour l'autorité des conciles; mais il dit à son adversaire, avec sa précision ordinaire : « Nous ne nous tenons soumis, ni vous au concile de Nicée, ni moi à celui d'Arimini 2, » ce qui montre que, bien éloigné de tenir pour indifférente l'autorité du concile de Nicée, comme on veut le lui faire accroire par une traduction infidèle, il s'y soumet au contraire avec tout le respect qui lui fait dire en tant d'endroits que ce qui étoit défini par le concile de toute l'Eglise, ne pouvoit plus être révoqué en doute par un chrétien; et si, parce qu'il ne pressoit pas son adversaire par l'autorité du concile de Nicée, on vouloit conclure qu'il n'en recevoit pas luimême l'autorité, ou qu'il croyoit même que les ariens dans le fond n'y devoient pas être soumis, on pourroit croire de même qu'il ne recevoit pas l'Ancien Testament, ou qu'il ne croyoit pas que les manichéens s'y dussent soumettre, à cause qu'il ne pres2 Contr. Maxim., lib. II, cap. xix, n. 3.

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