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qu'il étoit monté en effet au ciel, et il le prouve par cet autre passage du même évangéliste: « Personne ne monte au ciel que celui qui est descendu du ciel, » etc. Sur quoi il s'étend au long dans la note sur cet endroit, comme si Jésus-Christ avoit voulu prouver en ce lieu qu'il étoit au-dessus de Moïse et des prophètes, parce qu'il n'y a que lui qui soit véritablement monté au ciel et qui en soit descendu; en sorte qu'il aura appris dans le ciel même la doctrine qu'il enseignoit aux hommes. Ce qu'il répète sur le chapitre vi, verset 63 du même évangéliste, où nous lisons : « Si donc vous voyez le Fils de l'Homme monter où il étoit auparavant 1. » Je rapporte au long ce passage de M. Simon, afin qu'on voie le grand soin de ce critique à mettre dans tout son jour la doctrine des unitaires. Pour ne rien laisser à deviner, il rapporte encore les conséquences de son auteur, qui dit que Jésus-Christ né sur la terre ne pouvoit descendre du ciel, ni en être envoyé, s'il n'y montoit; d'où il conclut qu'en effet il y montoit et en descendoit souvent, et que c'est l'unique raison pour laquelle saint Jean a pu dire « qu'il étoit au commencement avec Dieu,» apud Deum.

Il n'y a rien de plus pitoyable que tout le raisonnement de cet auteur. Il suppose que Jésus-Christ montoit et descendoit souvent du ciel. C'est sans fondement, et l'Evangile ne nous fait connoître qu'une seule ascension de Jésus-Christ, non plus qu'une seule descente actuellement accomplie. Le socinien suppose encore que Jésus-Christ n'est né que sur la terre; c'est la question. Il sait bien que les catholiques le reconnoissent né dans le ciel comme Verbe.

Il n'y a donc rien de plus naturel ni de moins embarrassant à un catholique que de répondre à cet hérétique: Qu'en effet le Fils de Dieu est né dans le ciel, et qu'il en est descendu quand il s'est fait homme. C'est aussi à quoi nous conduit la suite du texte sacré. C'étoit au commencement et avant l'incarnation que le Verbe étoit avec Dieu : c'est dans la suite «qu'il s'est fait homme et qu'il a habité au milieu de nous; » et depuis qu'il a commencé à habiter, c'étoit à Nazareth ou à Capharnaüm qu'il avoit son habitation, et non pas dans le ciel avec son Père. 11 n'y a rien là que de clair et de littéral; et M. Simon, qui à

1 P. 854.

cette fois fait semblant de vouloir répondre à ce socinien, n'avoit que ce mot à dire pour trancher nettement la difficulté; mais comme si cette réponse, qui est celle de toute l'Eglise, étoit vaine ou obscure, M. Simon n'en dit rien; et comme embarrassé de l'objection, il tire la chose en longueur par ce circuit : « L'interprétation paradoxe et inconnue à toute l'antiquité de ce socinien a été approuvée de plusieurs unitaires, parce qu'elle a du rapport avec leurs préjugés, et qu'elle exprime simplement et sans aucune métaphore les paroles du texte; mais il est nécessaire en beaucoup d'endroits, surtout dans l'évangile de saint Jean, de recourir aux métaphores pour trouver le sens véritable et naturel. Ainsi sans nécessité il abandonne au socinien la simplicité de la lettre, pendant que le texte même est évidemment pour les catholiques. Il se réserve, comme pressé par la lettre, à se sauver par la métaphore. Son recours à l'antiquité dans cette occasion aide encore à faire penser qu'il n'a que cette ressource, et il ne travaille qu'à rendre l'erreur invincible du côté de l'Ecriture.

CHAPITRE XI.

Foiblesse affectée de M. Simon contre le blaspheme du socinien Eniédin : la tradition toujours alléguée pour affoiblir l'Ecriture.

C'est encore ce qui lui fait remarquer ce discours de Georges Eniédin, qui reproche aux catholiques «que n'y ayant rien de bien formel dans l'Ecriture, d'où l'on puisse prouver clairement la divinité de Jésus-Christ, ils ont tort, ou pour mieux traduire, ils n'ont ni prudence ni pudeur d'appuyer un mystère de cette importance sur des conjectures foibles et sur des passages trèsobscurs'. » Est-il permis de rapporter ces paroles, et de les laisser sans réplique? Quoi! nous n'avons que des conjectures, et encore des conjectures foibles et des passages obscurs? Peut-on s'empêcher de démontrer à ce téméraire socinien qu'il n'y a rien de plus évident que les passages que nous produisons, ni rien de plus forcé et de plus absurde que les détours qu'on y donne dans sa secte? Mais M. Simon aime mieux faire cette réponse embar

1 P. 865.

rassée : «Sans qu'il soit besoin de venir au détail de cette objection (vous voyez déjà comme il fuit), je remarquerai seulement, poursuit-il, qu'elle est (cette objection d'Eniédin) beaucoup plus forte contre les protestans que contre les catholiques, qui ont associé à l'Ecriture des traditions fondées sur de bons actes'. >> Quelle mollesse! Que la cause de l'Eglise catholique est ravilie dans la bouche de notre critique! Il n'ose dire nettement et absolument à un socinien que son objection est foible, qu'elle est nulle, qu'elle est sans force: il dit seulement qu'elle a plus de force contre les protestans que contre les catholiques; et elle en auroit autant contre les derniers que contre les autres, sans le secours de la tradition. C'est la méthode perpétuelle de notre auteur, et nous voyons que toujours, et de dessein prémédité, il allègue la tradition pour montrer que l'Ecriture ne peut rien. Les preuves de l'Ecriture tombent ici; la tradition tombe ailleurs; tout l'édifice est ébranlé, et ce malheureux critique n'y veut pas laisser pierre sur pierre.

CHAPITRE XII.

Affectation de rapporter le ridicule que Volzogue, socinien, donne à l'enfer.

Je suis encore contraint d'observer que les objections qu'il affecte le plus de rapporter sont celles où les sociniens ont répondu je ne sais quoi, qui donne un air fabuleux et par conséquent ridicule à la doctrine catholique. Telle est celle-ci de Volzogue: «Si on l'en croit, dit M. Simon, tout ce qu'on dit de l'enfer est une fable, qui a passé des Grecs aux Juifs, et ensuite aux Pères de l'Eglise. » Qu'est-ce que cela faisoit à la critique? On sait assez que les sociniens rejettent l'éternité des peines; et si M. Simon ne le vouloit pas laisser ignorer à ceux qu'il instruit si bien de cette religion, il pouvoit dire leur sentiment en termes plus simples, mais de choisir un passage où l'on affecte de donner l'idée d'aller chercher dans la fable l'origine des enfers, pour insinuer tout le ridicule qu'on y peut trouver, et représenter les saints Pères dès l'origine du christianisme comme de débiles cer1 P. 863 et 356.2 P. 860.

veaux, qui ont reçu des mains des poëtes et de celles des Juifs un conte sans fondement, c'est vouloir gratuitement répéter un blasphème contre le précepte du Sage : « Ne répétez point une parole malicieuse » Ne iteres verbum nequam 1. Ne le faites pas sans nécessité, ne le faites pas sans y joindre une solide réfutation: autrement la répétition de cette parole maligne, comme celle des médisans, sera un moyen de l'insinuer et un art de la répandre. Il ne suffit pas, après l'avoir répétée, de dire en passant et trèsfroidement que l'Evangile y est contraire, ce que personne n'ignore et que vous n'appuyez d'aucune preuve. Ce n'est pas ainsi qu'il faut rejeter les idées qui flattent les sens; il faut ou s'en taire ou les foudroyer.

CHAPITRE XIII.

La méthode de notre auteur à rapporter les blasphemes des hérétiques est contraire à l'Ecriture et à la pratique des saints.

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Pour moi, je ne comprends pas comment M. Simon a osé répéter tant d'impiétés et tant de blasphèmes sans aucune nécessité, le plus souvent sans réfutation et toujours, lorsqu'il les réfute, en le faisant très-foiblement et par manière d'acquit. « Dieu commandoit de lapider le blasphémateur hors du camp 2, » pour en abolir la mémoire et celle de ses blasphèmes. Lorsqu'on accusa Naboth d'avoir maudit Dieu et le roi 3, » on n'osa point répéter le blasphème qu'on lui imputoit, et on en changea, selon la phrase hébraïque, le terme de malédiction, en l'exprimant par son contraire. Saint Cyrille d'Alexandrie, écrivant contre Julien l'Apostat, déclare qu'il en rapporte tout l'écrit pour le réfuter, à la réserve de ses blasphèmes contre Jésus-Christ. Ainsi l'esprit de ce Père étoit que nous eussions une réponse à cet Apostat sans en avoir les blasphèmes; et l'esprit de M. Simon est que nous ayons les blasphèmes sans réfutation.

Pour tout remède contre les écrits des sociniens, il dit à la fin que « s'il n'étoit pas obligé de renfermer dans un seul volume ce qu'il a à dire sur leur sujet, il auroit examiné plus à fond les raisons sur lesquelles ils appuient leurs nouveautés; ce qu'on pourra, 1 Eccli., XIX, 7. - 2 Levit., XXIV, 14. - 3 III Reg., XXI, 10.

dit-il, exécuter dans une autre occasion 1. » En attendant, nous aurons tout le poison de la secte dans l'espérance que M. Simon pourra dans la suite, non point réfuter ni convaincre, car ce seroit se trop déclarer, mais examiner plus à fond les raisons dont ils soutiennent leurs nouveautés : ce qui leur donne autant d'espérance qu'aux catholiques. Le terme de nouveautés dont on qualifie leurs opinions ne fait rien, puisqu'on en dit bien autant de celles de saint Augustin, qu'on ne prétend pas pour cela proposer comme condamnables, et nous avons tout sujet de craindre que si ce qu'a dit M. Simon est pernicieux, ce qu'il promet ne le soit encore davantage.

CHAPITRE XIV.

Tout l'air du livre de M. Simon inspire le libertinage et le mépris de la théologie, qu'il affecte partout d'opposer à la simplicité de l'Ecriture.

Outre les passages particuliers qui appuient ouvertement les sociniens, tout l'air du livre leur est favorable, parce qu'il inspire une liberté, ou plutôt une indifférence qui affoiblit insensiblement la fermeté de la foi. Ce n'est point cette force des saints Pères, qui sans rien imputer aux hérésies qui ne leur convienne, découvrent dans leurs caractères naturels quelque chose qui fait horreur. M. Simon au contraire, par une fausse équité que les sociniens ont introduite, ne veut paroître implacable envers aucune opinion, et paroît vouloir contenter tous les partis. Il inspire encore partout une certaine simplicité que les mêmes sociniens ont tâché de mettre à la mode. Elle consiste à dépouiller la religion de ce qu'elle a de sublime et d'impénétrable, pour la rapporter davantage au sens humain. Dans cet esprit il ne fait paroître que du dégoût et du dédain pour la théologie, je ne dis pas seulement pour la théologie scholastique, qu'il méprise au souverain degré, mais pour toute la théologie en général; ce qui est encore une partie de cet esprit socinien qu'il a fait régner dans tout son livre.

Pour l'entendre, il faut remarquer que dans son style le littéral est opposé au théologique. Par exemple, il blâme Servet de s'être attaché à réfuter certains passages dont se servoit Pierre Lom

1 P. 872.

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