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Déja l'aube blanchit; et l'étoile dernière,
Dans les cieux, par degrés, voit pâlir sa lumière.
L'aurore va rouvrir le règne du travail;
Tout s'éveille à la fois, la ferme et le bercail,
Et la vache pesante, encore agenouillée,
Et le pigeon léger sous la verte feuillée.
A ce bruit, au signal de l'astre radieux,

Dont un rayon naissant vient effleurer ses yeux,
Du réveil général la troupe ailée instruite,
Dans son réduit étroit se tourmente, s'agite.
Ces chantres empressés de mêler leurs concerts
A l'hymne de la terre, au cantique des airs,
Du toit qui le reçut avant la nuit obscure
Assiégent, à grand bruit, la jalouse ouverture;
Et leur voix, provoquant les échos d'alentour,
A travers les barreaux a salué le jour.

LALANNE, les Oiseaux de la Ferme.

On dit le réveil du jour, surtout en poésie, pour désigner le moment où le jour commence à reparaître sur l'horizon; on dit dans le même sens le réveil de l'aurore.

Tel au réveil du jour, quand l'aube matinale
Entr'ouvre, par degres, la porte orientale,
Un point brille, il s'étend... et bientôt sa clarté
Des champs aériens emplit l'immensité.

MILLEVOYE, P'Invention poétique.
Pressé de revoir la lumière,

Le laboureur s'arrache au néant du sommeil,
Ouvre son antique chaumière,

Et de l'astre du jour contemple le réveil.

Mad. la baronne DE BOUBDIC.

Chaque jour, exacte à son réveil, Elle (l'Aurore) ouvre la barrière aux coursiers

du soleil.

DELILLE.

de

A peine ce beau jour succède à l'ombre humide,
Le berger vigilant, l'agriculteur avide
De la nature oisive observent le réveil.

SAINT-LAMBERT, les Saisons, le Printemps.
La nature a repris, au mois de ses amours,
Sa robe nuptiale et ses plus frais atours.
Que son réveil est beau! quels prodiges égalent
Les spectacles riants que nos plaines etalent!
BÉRANGER.

Sous le bélier, l'ardent flambeau du monde Brille d'une clarté plus vive et plus féconde. De la terre engourdie excitant le réveil, Il l'arrache des bras d'un stérile sommeil. DULARD.

Ici, libre en tous sens, il (le feu) aime à se répandre;

Là, fixé dans les corps en un profond sommeil, D'une cause imprévue il attend son réved.

DELILLE.

Le consul sur le seuil appèle les combats ;
La jeunesse à sa voix joiut ses bruyants éclats,
Par ses accents guerriers le clairon les seconde,
Et sonne le réveil de la reine du monde.

Le même, trad. de l'Énéide, ch. VII. C'est-à-dire, le réveil de Rome qui prend les armes et se prépare à la guerre.

RÉVEILLER. v. tr. ( ré-vè-llie' devant use consonne, les deux mouillés). Il se dit au propre et au figuré. Syn. Eveiller. - Ranimer, réchauffer, exciter, redonner de la vigueur. Périph. Hâter, presser, interrompre, suspendre le sommeil de quelqu'un. Voyez ÉVEILLER. Il est aussi pronominal.

Secoue avant le jour les pavots de Morphée.

DESAINTANGE, Épître sur l'Amour de la gloire. Et d'un profond sommeil secouant les pavots, Les mortels ont repris le cours de leurs travaux.

BAOUR-LORMIAN, Jérusalem délivrée, ch. X. Mais le jour reparaît à l'horizon vermeil, Et déja les chrétiens s'arrachent au sommett, Le même, ch. 1.

Tout rit aux premiers traits dujour qui se réveil.
RACINE.

Délicieux moka, ta sève enchanteresse
Réveille le génie et vaut tout le Permesse.
CASTEL, les Plantes, ch. II.

A peine j'ai senti ta vapeur odorante (la vapens du café),

Soudain de ton climat la chaleur pénétrante
Réveille tous mes sens...

Baucis.....

DELILLE.

Réveil se dit figurément du moment, l'époque où la nature, où la terre sortent de l'état d'engourdissement dans lequel elles languissent pendant l'hiver, ou pendant la nuit; et encore de la cessation d'inaction, Qu'aux accents de ma voix la terre se réveille. de langueur de certaines choses.

D'un souffle haletant avec peine réveille
Les charbons endormis qu'elle a couverts la veille.
DESAINTANGE.

RACINE, Athalie.

De Troie, en ce pays, réveillons les misères, Et qu'on parle de nous ainsi que de nos pères, Le même, Andromaque, act. IV, sc. 3. Va du héros troyen réveiller le courage.

DELILLE.

« L'Académie dit qu'il signifie la même chose qu'éveiller, tant dans le propre que dans le figuré.

Ces deux mots ne signifient la même chose ni au propre, ni au figuré. La particule re, qui entre dans la composition de réveiller, marque réitération, redoublement d'action, et suppose, ou que la personne s'était rendormie, ou qu'elle était plongée dans un profond sommeil. Il ne dormait pas profondé ment, je l'ai éveille; il dormait profondé ment, je l'ai réveillé; je l'ai éveillé à la pointe du jour; il s'est rendormi, et je l'ai réveille; je l'ai réveillé au milieu de la

nuit.

Oui c'est Agamemnon, c'est ton roi qui t'éveille. RACINE, Iphigénie.

Cette différence se remarque surtout au figuré: éveiller les passions, c'est exciter les passions qui ne se sont point encore montrées; réveiller les passions, c'est les exciter de nouveau lorsqu'elles sont assoupies. Sous la cendre réveille

Les restes assoupis des flammes de la veille.
DELILLE, Enéide.

Et réveillant la foi dans les cœurs endormie...
RACINE, Athalie.

Ceux même dont ma gloire aigrit l'ambition,
Réveilleront leur brigae et leur prétention...
Le même, Iphigénie.

Quel espoir séduisant en mon cœur se réveille?
VOLTAIRE, OEdipe.

Valois se réveilla du sein de son ivresse.
Le même, la Henriade. »
LAVEAUX, Dict. des difficult. de la Lang.
franç.

RHYTHME. n. m. (rit-me). On définit le rhythme un espace déterminé fait pour symétriser avec un espace du même genre. «Dans le discours, dit La Harpe, Cours de Littérature, t. I, p. 63, le rhythme est une suite déterminée de syllabes ou de mots qui symétrisent avec une autre suite pareille, comme, par exemple, le rhythme de notre vers alexandrin est composé de douze syllabes qui donnent à tous les vers du même genre une égale durée par leurs intervalles et leurs combinaisons. »

Le rhythme consiste dans la mesure et le mouvement, comme M. Dubroca paraît l'indiquer. « On confond généralement, remarque cet habile prosodiste, le rhythme

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De tous les mouvements l'ordre, l'ame et la grâce,
C'est le rhythme : il divise et le temps et l'espace;
Et rapide ou tardif, et divers ou constant,
Gouverne la parole, et le geste et le chant.
Il soumet aux besoins de la muse attentive
Cinq mètres inégaux, famille imitative,
Savamment opposés dans leur flexible essor,
Et de tous les effets pittoresque trésor ;
L'iambeaux traits de flamme, et le pesant spondée,
Et le léger dactyle aussi prompt que l'idée,
Le vulgaire chorée, inquiet, sautillant,
Le guerrier anapeste, au pied ferme et brillant.
Souvent le vers se traîne, et la musique vole,
Le rhythme suit l'accent, ame de la parole;
L'accent régit les mots : sa juste autorité
A signalé leur poids ou leur légèreté;
Des temps de la mesure et des tons prosodiques,
Sachez donc enchaîner les retours symétriques.
CHAUSSARD, Poétique secondaire, ch. IV.

Syn. Nombre, cadence, mesure. - Chant, vers. Epit. Vif, léger, pesant, cadencé, symétrique, harmonieux.

Cependant si la voix de la patrie en pleurs
Appele ses enfants autour de ses murailles,
Les rhythmes belliqueux font passer dans les cœurs
Les fureurs de Bellone et l'ardeur des batailles.
VALMALÈTE.

RIANT, ANTE. adj. (ri-an devant une consonne, ri-an-te). Gracieux, qui marque de la joie, de la gaîté: visage, air riant, mine riante. Les poètes l'emploient souvent dans le sens d'agréable à la vue, qui plaît aux yeux. Une campagne riante, une riante prairie. Syn. Gracieux, affabe, doux, gai joyeux, enjoué, réjoui. Agréable, joli, récréatif, réjouissant, aimable, charmant ravissant, délicieux. Il peut suivre ou précéder le nom au gré de l'oreille.

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Il est riche en vertu, cela vaut des trésors.
MOLIÈRE, les Femmes savantes, act. II, sc. 4.
Riche des dons de Flore et des fruits de Pomone.
DELILLE.

Ma captive m'est chère, et l'épouse royale
Dont ma main détacha l'agrafe virginale,
Se montra dans Argos à mon œil enchanté,
Moins riche de talents, de grâce et de beauté.
AIGNAN, trad. de l'Iliade, liv. I.

Rousseau, riche d'une ame indépendante et fière,
Transfuge des châteaux, revole à sa chaumière.
MILLEVOYE.

Dans le sens d'abondant, fertile, on dit un riche terroir, une riche prairie, une riche moisson, un riche troupeau, une riche bergerie, etc.

Je dépeuplais d'agneaux ma riche bergerie.

DOMERGUE, trad. de la Ire Églogue de Virgile.

Il se prend aussi comme nom, pour désigner celui qui possède des richesses, et alors Crésus est employé comme synonyme de riche. V. ce mot. Epit. Prodigue, magnifique, fastueux, avare, ménagé, insolent, indigent. Périph. Enfant, fils, favori de Plutus. V. PLUTUS. Courtisan, favori de la fortune. Pour les riches, on dit encore, dans la langue poétique, les dieux du Pactole, ceux pour qui, chez qui le Pactole coule. Les amants de la fortune, les heureux du siècle, les dieux de la terre, les puissants du monde.

Le noir souci, l'importune tristesse
Au chevet des Crésus se traînent si souvent.
De Guerle.

Tandis qu'un vil Crésus glisse en vain dans le

monde,

Comme l'insecte en l'air ou l'écume sur l'onde.

Si Plutus vous sourit, l'arbre odorant et vert Qu'Hercule osa ravir dans les jardins d'Hesper, Loin des fureurs du nord, sous un pompeur portique,

Vous formera l'hiver une cour magnifique.

CASTEL, les Plantes, ch. IV.

RICHESSE. n. f. Syn. Fortune, opulence, biens, possessions, domaine. - Abondance, fertilité, fécondité. - Magnificence, éclat, somptuosité, splendeur, pompe, faste. Epit. Altière, avide, aveugle, inépuisable, immense, superflue, trompeuse, frêle, fragile, vaine -> honorable, illégitime, injuste, vile -, indigente, convoitée, enviée, féconde, abondante. Périph. Les faveurs, les dons de la fortune; les faveurs, les dons de Plutus; l'embarras des richesses. On dit quelquefois les richesses du Pactole, l'or du Pactole, d'immenses richesses. V. PAC,pour

TOLE.

De cent lambeaux de pourpre, assemblés sans justesse,

Sa muse étale en vain l'indigente richesse.
CHAUSSARD.
Jamais Hamadryade, avec autant d'adresse,
Ne cultiva des fruits la champêtre richesse.
DESAINTANGE.

... Les pas des chevaux
De sa richesse prisonnière,
Dépouillent l'épi frémissant.

THOMAS.

les

Les poètes disent par périphrase les richesses des moissons, des guerets, pour moissons, les grains; les richesses des vergers, pour les fruits; la richesse des près, des prairies, pour le foin et autre fourrage, etc.

Il cueille des vergers les richesses brillantes.
Dulard.

En parlant des fleurs, M. Campenon a dit:
O des jardins douce et frêle richesse,
A ton éclat quel œil ne s'intéresse!

a La contrainte de la rime, dit Férand, a fait préférer à Racine le singulier au pluriel, dans une occasion où celui-ci méritait la préférence.

Heureux qui de la sagesse
Attendant tout son secours,
N'a point mis en la richesse
L'espoir de ses derniers jours.

Peut-être n'est-ce pas une faute en vers; mais en prose c'en serait une.

Dict. crit. de la Langue franç.

RIDE. n. f. Pli qui se fait sur la peau et

DESAINTANGE, Épire sur l'amour de la Gloire. particulièrement sur le visage, Syn. Pli,

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Ride se dit au figuré, des plis qui surviennent sur la surface de l'eau agitée. Le vent forme des rides sur l'eau. Acad.

M. Desaintange a eu raison de dire :
Là, je vois par milliers la fourmi diligente
Soigneuse à prévenir la saison indigente,
Des rides d'un vieux tronc suivre les longs sentiers,
Et des grains qu'elle y traîne enrichir ses greniers.
Ses rides sur son front ont gravé ses exploits.
CORNEILLE, le Cid, sc. 1.

« Les rides marquent les années, mais ne gravent point les exploits. (Décisions de Académie.)

Les rides ne gravent pas positivement les exploits, mais elles marquent les années, et comme on peut dire d'un vieux guerrier qu'il compte ses années par ses exploits, pourquoi ne serait-il pas permis au poète de dire que les rides, en marquant ses longues années, indiquent ses nombreux exploits, gravent sur son front ses nombreux exploits?

RIDEAU. n. m. (ri-dô). Syn. Voile, couverture, enveloppe. Epit. Tendu, fermé, tiré, ouvert, levé, épais, léger; importun, jaloux, discret, impénétrable.

Que ces rideaux complaisants et discrets
D'un jour douteux protégent nos secrets.
MILLEVOYE, le Déjeuner.

Sur ces noires couleurs d'un si triste tableau,
Il faut passer l'éponge, ou tirer le rideau.

« Passer l'éponge, tirer le rideau. Ces expressions un peu triviales, remarque judicieusement Voltaire, ne sont pas dignes du style tragique. »

Cette expression familière : le rideau se tire, Racine le fils a su la rendre noble et imposante dans ce passage où il parle du jugement dernier :

Le dieu, si longtemps Invisible, S'avance précédé de sa gloire terrible:

Entouré du tonnerre, au milieu des éclairs,
Son trône étincelant s'élève dans les airs;
Le grand rideau se tire, et ce dieu vient en maître:
Malheureux qui pour lors commence à le connaître.
La Religion, ch. VI.

Ce mot ne manque cependant pas de noblesse, quand il est dit au figuré et par similitude, en parlant, par exemple, de l'espèce de draperie que les arbres, que la verdure présentent quelquefois. Epit. Vert, frais, mobile, mouvant, ondoyant.

Pholoé ce jour-là, sous un berceau lointain,
Se confiait paisible à la fraîcheur du bain;
Là d'épais aliziers, penchés sur l'onde pure,
Protégeaient sa pudeur d'un rideau de verdure.
DE GUERLE, Salix et Pholoé,

Puis tout-à-coup le rideau de feuillage
S'ouvre et présente à mes yeux satisfaits,
Les cieux courbés, les rivières brillantes,
Des monts, des tours, des groupes de forêts.
LÉONARD, les Saisons, ch. L.

Des arbres élevant d'immenses rideaux verts,
Nobles fils du soleil et des sources fécondes,
Entretiennent la nuit sous leurs voûtes profondes,
Et vont noircir le jour sur la cime des airs.
Le même.

A travers les bosquets dont les épais rideaux
Dérobent en été l'aspect de nos hameaux,
J'admire, avec la neige en tapis épandue,
La perle en blancs festons aux arbres suspendue.
BÉRANGER.

Un rideau nébuleux s'étend sur l'horizon;
il noircit, il s'élève, et soudain l'aquilon
Des vagues à grand bruit soulève la furie.
ESMÉNARD, la Navigation, ch. V.

La lune....

Et bientôt de la nuit argentant les rideaux
De ses pâles clartés peint les tranquilles eaux.

CHENEDOLLÉ, le Génie de l'Homme, ch. II.
Sur ces objets flatteurs offerts par le sommeil,
La raison vient tirer le rideau du réveil.

COLARDEAU, lettre d'Héloïse à Abeilard.
RIDER. v. tr. Faire, causer des rides.
Syn. Plisser, sillonner.

Ce front bruni de rides sillonné.

MALFILATRE.

Les poètes le disent au figuré des légères élévations que forme le vent sur la surface de l'eau.

Il faut au moins, pour se mirer dans l'onde,
Laisser calmer la tempête qui gronde,
Et que l'orage et les vents en repos
No rident plus la surface des eaux.

VOLTAIRE, l'Enfant prodigue.
En effleurant les eaux, la folâtre hirondelle
Les ride faiblement par le vent de son aile.
MALFILATRE,

RIMAILLER. v. intr. ( ri-mail-le devant une consonne, les deux mouillés). Faire de méchants vers. C'est un terme familier et de dénigrement.

A demain, scelérat! Si jamais tu rimailles,
Ce ne sera morbleu, qu'entre quatre murailles.

PIRON, la Métromanie, act III, sc. 7. RIMAILLEUR. n. m. (les deux l sont mouillés). Celui qui fait de méchants vers. Syn. Mauvais poète, mauvais rimeur, poète à la douzaine. Epit. Froid-, pauvre-, fade-, plat-, mince-, subalterne, insipide. Il est familier.

Un brocanteur orna d'une riche bordure
Le chef-d'œuvre d'un barbouilleur,
Ainsi j'ai vu souvent sous riche,couverture
Giter les vers d'un rimailleur.

PESSELIER, le Tableau et le Cadre, fable. RIME. n. f. La rime est le retour de sons égaux ou équivalents à la fin de deux ou d'un plus grand nombre de vers qui correspondent entre eux. Si l'on en croit La Harpe (Cours de Littérature, tom. IV, pag. 81), les troubadours, qui furent nos premiers poètes, en prantèrent la rime des Arabes qui passèrent d'Afrique dans le midi de l'Europe, dans le huitième siècle. La Frenaie Vauquelin semble partager cette opinion:

Des troubadours

Fut la rime trouvée en chantant leurs amours.
Art poétique, liv. 1.

Jean le Maire de Belges fait remonter beaucoup plus haut cette invention, puisqu'il l'attribue à Bardus V, roi des Gaules, le même qui introduisit une secte de poètes qui de ce nom furent appelés Bardes. Quoi qu'il en soit de cette ancienneté, je crois la rime si essentielle à notre poesie, que sans le retour des mêmes sons, cette dernière ne serait pas distinguée de la prose, vérite confirmée par l'expérience, puisque, malgré la monotonie que la rime cause quelquefois, les vers que nous nommons vers blancs n'ont jamais été accueillis favorablement dans notre langue.

« La rime, dit M. Laveaux, n'étant que pour l'oreille, et nou pas pour les yeux, on doit en juger plutôt par le son que par l'orthographe. Ainsi, quoique les syllabes finales de deux mots s'écrivent différemment, il suffit ordinairement qu'elles produisent le même son, pour qu'elles riment ensemble, comme repos et maux. Par la même raison, si les syllabes finales de deux mots s'écrivent de la même manière, et qu'elles se prononcent différemment, elles ne peuvent rimer ensemble, comme je reconnois avec à la fois.» Dict. des diffic. de la Lang. franç. p. 689. V. Traité de la Versif., pag. 23 et suiv.

Les rimes masculines sont riches, lorsque la terminaison et la lettre qui sert d'appui à la voyellle ou à la diphthongue de la dernière syllabe sont semblables dans les deux vers correspondants; comme dans stupeur, vapeur; succès, procès. Les rimes féminines sont riches, quand la terminaison et la lettre qui sert d'appui à la voyelle ou à la dipbthongue de l'avant-dernière syllabe se trouvent être les mêmes, comme dans charitable, profitable, violette, poulette. Les rimes, an contraire, ne sont que suffisantes, lorsque les dernières voyelles ou diphthongues avec ce qui les suit, dans les mots en rimes, piésentent un son semblable, quoique les con sonnes qui précèdent ces voyelles ou diphthongues ne soient pas les mêmes; ainsi vapeur avec odeur, profitable avec aimable ne donneront que des rimes suffisantes. J'entends donc par lettres d'appui, les consonnes qui précèdent la voyelle ou la diphthongue de la dernière syllabe dans les rimes masculines, et les consonnes qui précèdent la voyelle ou la diphthongue de l'avant-dernière syllabe dans les rimes féminines; ainsi, dans vapeur pui sont p, d, t, m. odeur, profitable, aimable, les lettres d'ap

RIMER, v. intr. Faire des vers. Syn. Versifier, poétiser, rimailler. L'avant-dernier appartient au style marotique, et le dernier ne se dit que par dénigrement, pour dire faire de méchants vers.

Quel besoin si pressant avez-vous de rimer?
Et qui diantre vous pousse à vous faire imprimer?
MOLIÈRE, le Misanthrope.
Rimer s'emploie aussi transitivement, et
signifie mettre en vers.

Marot bientôt après fit fleurir les ballades,
Tourna des triolets, rima des mascarades.
BOILEAU, Art poétique, ch. 1.

Seul en un coin pensif et consternė,
Rimant une ode, et n'ayant point dîné.
VOLTAIRE, le Pauvre Diable.

RIMÉ, ÉE. part.

BOUTS-RIMES. C'est ainsi qu'on appèle des rimes données pour faire des vers. Remplir des bouts-rimés. On appèle aussi bouts-rime's toute pièce de vers faite sur des bouts-rimés. « Les bouts-rimés doivent leur origine à Duclos, poète qui vivait au milieu du 170 siècle. Il y donna lieu, sans y penser, par les plaintes qu'il fit au sujet de trois cents sonnets qui lui avaient été dérobés, et qu'il regrettait fort, quoiqu'il n'en eût encore composé que les rimes, ayant pour habitude de les commencer toujours par là; ce qui parut si singulier aux auditeurs de ses lamentations, qu'ils résolurent de s'exercer d'abord à

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