« Racine a prodigué les S dans ce vers Andromaque : Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes? et l'effet d'imitation qui en résulte est frappant. On l'a trouvé, peut-être avec justice, un peu trop minutieux. Il y a de l'harmonie dans ces vers d'un de nos poètes lyriques : Ixion et les Aloïdes Ont cesse leuis mugissements; De Tantale et des Danaïdes Je n'entends plus les longs gémissements, Et des fatales Eumenides Les couleuvres avides Ne brisent plus les airs par d'aigres sifflements. CH. NODIER, Onomatopées franç., p. 164. Cettre lettre, qui se prononce ordinairement z entre deux voyelles, comme dans phrase, fraisier, rosier, ruse, rimera avec les terminaisons où l'e muet est précédé d'un z, et ne pourra se joindre aux mots où cet e muet est précédé d'un double s, ainsi rose ne pourra pas s'unir à colosse, etc. Quoique le s ne se prononce presque jamais à la fin des mots français, ces mots n'en rimeront pas moins avec les noms propres ou autres mots venus des langues étrangères, où cette consonne est sonore; ainsi las se joindra à la rime avec Atlas, succès avec Cérès, coloris avec Procris, enclos avec Atropos, abus avec Crésus, motus, rébus, etc. Il est permis aux poètes de retrancher la lettres à la fin des noms propres Athènes, Londres, Versailles, etc., V. Traité de la Versification, pag. 64, comme aussi à la fin des mots graces, remords. V. ibid. p. 65. Les poètes suppriment encore cette lettre à la fin de la première personne de certains verbes, quand ils y sont forcés par la rime. V. Traité de la Versification, p. 66. Il est peu de personnes, dit d'Olivet, qui ne pensent que c'est par licence poétique que les poètes retranchent quelquefois cette s à la fin du vers. Cela est vrai dans l'usage actuel; mais, dans l'origine, c'est tout le contraire. Du temps de Ronsard et de Marot, cette première personne était sans s : je voi, je rend, etc.; on permit d'abord aux poètes d'ajouter un s, pour éviter l'hiatus dans le cours du vers. Ĉet usage passa peu-à-peu à la prose; et ce qui, dans son principe, n'était qu'une permission accordée aux poètes, est devenu, dans la suite, une obligation et pour les poètes et pour les prosateurs. SABBAT. n. m. (sa-ba devant une consonne). Nou que portait chez les Juifs le dernier jour de la semaine. Sabbat signifie aussi l'assemblée nocturne que le peuple croit que les sorciers tiennent pour adorer le diable. Dans un vallon stérile.. S'alonge une forêt qu'habite la terreur. C'est là, si l'on en croit de merveilleux récits, Des coups du bûcheron n'a jamais retenti. Sabbat signifie figurément et populaire. ment, bruit, criaillerie. Syn. Bruit, tapage, tintamare, charivari, vacarme, brouhaha, tumulte, confusion. Criaillerie, clabauderie, querelle, dispute. Epit. Horrible, désordonné, affreux, effroyable. Voyez le beau sabbat qu'ils font à notre porte: Messieurs, allez plus loin tempêter de la sorte. RACINE, les Plaideurs, act. I, sc. 8. SABLE. n. m. Syn. Arène, gravier, sablon, terre sablonneuse, poussière. Epu. Aride, infertile, désert, mouvant, profond, menu, léger, brûlant, dévorant, mobile, étincelant, brillant, éblouissant, doré, d'or, argenté, d'argent. Ces sables dévorants, ces plaines sans ombrages. MILLEVOYE. Celle écume argentée Dont le retour des flots l'un par l'autre pressés, Lave les sables d'or qui les ont repoussés. NOTARIS. D'un pied timide et bientôt las Fouler la surface mouvante D'un sable échappant sous mes pas. DAMAS. Le dieu des flots me voit, s'enflamine, et me poursuit. Je courais: sous mes pas le sable glisse et fuit. DASAINTANGE SAC Des déserts africains tourmentent les arènes. Le même poète a dit, en parlant du Tibre : Trad. de l'Énéide, liv. VII. SABLIER. n. m. (sa-bli-é devant une Consonne). Horloge de verre qui mesure le temps par la chute du sable d'une fiole dans une autre. Syn. Horloge de verre. Epit. Antique, subtile, ingénieux, transparent, fidèle. Chênedollé a dit en parlant du sablier et de celui qui l'inventa : Forçant Saturne à des retours constants, Dans sa prison de verre il divisa le temps. Le sablier est un des attributs de Saturne ou du temps. SACERDOCE. n. m. Emploi sacerdotal, dignité sacerdotale. Syn. Prêtrise, sacrificature, pontificat. Les poètes disent l'encensoir pour la dignité sacerdotale, la grande prêtrise. Qu'est-il besoin, Nabal, qu'à tes yeux je rappèle RACINE, Athalie, act. III, sc. 3. Alors porter l'encensoir peut signifier être grand-prêtre, souverain pontife, comme tenir, porter le sceptre veut dire quelquefois exercer l'autorité souveraine. Quel droit as-tu reçu d'enseigner, de prédire, JOAD (au jeune Joas). Venez, de l'huile sainte il faut vous consacrer. SACRE, EE. part. de sacrer.' Il est aussi adjectif et se dit par opposition à profane. Syn. Saint, bénit, religieux, Auguste, précieux, vénérable, sanctifié. respectable, inviolable. Préparez, Josabet, le riche diadême Que sur son front sacré David porta lui-même. Pour qui prépare-t-on le sacré diadême ? Non, vous n'espérez plus de me revoir encor, « Cette épithète sacrés, placée avant le nom, produit quelquefois, dans notre langue, un effet désagréable et prête à de mauvaises plaisanteries; mais le sentiment d'Andromaque est si beau, si touchant, qu'il entraîne les spectateurs, et ne laisse voir que la poésie de cette expression sacrés murs, laquelle rappèle l'origine de ces murs bâtis par la main des dieux. >> GEOFFROY au lieu cité. commentaires sur Racine, Sur ces vers du IIIe act. de la ire sc. d'Esther: Au nom du sacré nœud qui me lie avec vous, Cet usage n'est pas si bien établi que Geoffroy semble l'affirmer, et nos meilleurs poètes nous offrent des exemples de sacré mis avant le nom : Cent rois ligués entr'eux pour nous livrer la guerre, J. B. ROUSSEAU, Cantique tiré dups. XLVII, Le palais des Destins devant lui se présente; Et qui respectera leur sacré caractère, DELILLE, trad. de l'Enéide, liv. 11. La fière ambition dont il est dévoré « Sacré peut-il se dire des personnes? j'ai peine à le croire. J'ose ne pas approuver ce vers de Racine : Des dieux les plus sacrés j'attesterai le nom. épithète, qui peut fort bien se dire des personnes , peut-elle s'appliquer aux dieux, voilà ce que je ne crois pas, parce que l'idée de dieu emporte avec elle l'idée de sacré. SACRIFICE. n. m. Action par laquee on offre quelque chose à dieu avec certaines cérémonies. Il se dit aussi de ce que les anciens offraient aux divinités du paganisme. Syn. Offrande, oblation, hécatombe. V. ce mot. Epit. Pieux, pompeux, solennel, brillant, sanglant, pur, impie, offert, interrompu, consommé. Prêtre du dieu des mers, pour le rendre propice, Laocoon offrait un pompeux sacrifice. DELILLE. Déja Talthybius avec force a traîné Il l'attend à l'autel pour la sacrifier. RACINE, Iphigénie, act. III, sc. 5. Cette soif de réguer que rien ne peut éteindre, L'orgueil de voir vingt rois vous servir et vous craindre, Tous les droits de l'empire en vos mains confiés, Cruel! c'est à ces dieux que vous sacrifies. Le même, act. IV, sc. 4. SAFRAN. n. m. Plante dont on se sert pour teindre en jaune, il se dit aussi de la couleur qu'on tire de cette plante. Syn. Crocus. Jaune. Epit. Odorant, jaune, vermeil, doré. La prune diaprée, Du plus jaune safran sa robe colorée Quand les frimas du sagittaire humide . BERNARD, l'Art d'aimer, ch. II. Déja du haut des cieux le cruel sagittaire Cette constellation, selon la Fable, est la centaure Chiron, placé par Jupiter dans le zodiaque, aussi est-elle appelée le Centaure et Chiron. V. CHIRON. « Le sagittaire est représenté moitié homme et moitié cheval, tenant un arc et tirant une flèche; ce qui montre la violence da froid et la rapidité des vents qui règnent au mois de novembre. Les uns prétendent que c'est Chiron le centaure; d'autres que c'est Crocus fils d'Euphémée, nourrice des Muses; qu'il demeurait sur le Parnasse, et faisait son plaisir et son occupation de la chasse; qu'après sa mort, à la prière dea Muses, il fut placé parmi les astres, v NOEL, Dict, de la Fable. SAILLIE. n. f. (sail-lie, les deux mouillés). « Ce mot, est-il dit dans l'Encyclopédiana, au mot saillie, qui vient du latin salire (sauter), signifie le passage brusque d'une idée à une autre, dont le rapport trop éloigné n'était pas d'abord apperçu. Les saillies tiennent le même rang dans les opérations d'esprit, que l'humeur ou la boutade dans les affections du coeur, ces transitions subites et inattendues ne supposent pas toujours une grande étendue de lumières; mais elles caractérisent l'esprit. Les gens gais ont des saillies de plaisanteries; les méchants, de méchancetés; les personnes naïves, de naïvetés. Le docteur Bouvard, ayant été appelé par le grand aumônier, celui-ci lui dit qu'il souffrait comme un damné : « quoi ! déja, monseigneur, » reprit le malin Esculape. » Syn. Répartie, réplique, pensée, bon mot, boutade. Epit. Fine, légère, vive, heureuse, imprévue, subite. Périph. Le feu, l'éclair de la saillie; le sel piquant de la saillie (Mollevaut). Fille de l'à-propos, la saillie est plus vive. LEBRUN. La décence apprêta les traits de la saillie. CHAUSSARD. Je crois dans les brillants accès D'une aimable folie Voir jaillir du cerveau français DESPREZ. SAISON. n. f. (sè-zon). L'une des quatre parties de l'année. Epit. Jeune -, fleurie, printanière, verte -, nouvelle, tardive, brûlante, froide, inconstante. Périph. Le le cercle, l'ordre, la chaîne des saisons, cours des saisons, la marche des saisons (Legouvé). Le Printemps, jeune enfant bercé par les zéphyrs, C'est dans cette saison que l'an plus vigoureux L'Hiver, glacé du froid que souffle son haleine, Jupiter en saisons partageant les années, Et l'automne inégale attrista l'univers. Seul au centre du monde, à son poste rangé, De diverses couleurs les saisons revêtues les nues: Il répand par leurs mains la verdure et les flears, Dans la langue poétique, le soleil est appelé le roi, le père des saisons. I la Les poètes disent la saison des fleurs, la saison des zephyrs, la saison nouvelle, saison des jeux, des ris, des amours, pour exprimer le printemps; la saison brúlante, pour l'été; la saison des fruits, pour l'automne; la saison des frimas, pour l'hiver. Ils comptent volontiers les années par les saisons, en observant de n'employer que les saisons qui rappèlent des idées riantes, quand ils veulent peindre des objets agréables, et de nombrer par les hivers, quand ils veulent au contraire rembrunir le tableau. En parlant de la génisse, Rosset a dit : Le troisième printemps allume ses amours, Et le quinzième hiver en termine le cours. ROSSET, l'Agriculture, ch. V. Tel, à peine escorté de quatorze printemps, J'accusais la lenteur du génie et du temps. LEBRUN, Épitre III, liv. 1. Achille, suspendant les exploits de la Grèce, Le cours de la vie est comparé par les poètes au cercle de l'année, et les quatre saisons sont prises par conséquent pour les différents âges; le printemps pour l'enfance ou la jeunesse, l'été pour l'âge viril, l'automne pour le moyen âge, l'hiver pour la vieillesse. Mes yeux ont vu périr, dans leur jeune saison, Que lui-même il plánta dans sa jeune saison. ...Lorsque ce vieillard (le temps) dont la main trop active Hâte de nos saisons la course fugitive, etc. V. ENFANCE, JEUNESSE, VIEILLESSE. SALAIRE. n. m. (sa-lè-re). Récompense, paiment pour travail, pour service, Syn. Palment, loyer, prix, récompense, paye, guerdon. V. ce mot. Epit. Juste, dû, mérité, exigé, doux-, vil-, honteux. Ah! dormez et laissez à des chantres vulgaires Il est beau au figuré où il se dit du châtiment comme de la récompense. N'imputez qu'à Pallas un exil nécessaire : Dis-moi, langue téméraire, LEFRANC. SALPÊTRE. n. m. Sel minéral qui se tire des démolitions des bâtiments. On sait qu'il entre dans la composition de la poudre à tirer, aussi les poètes disent-ils, par métonymie, le salpêtre pour la poudre. Syn. Nitre, poudre. Epit. Enflammé, allumé,` pétillant, fougueux, irascible, homicide, 'meurtrier. Souvent d'un plomb subtil que le salpêtre embrase, J. B. ROUSSEAU, Ode VI, liv. 3. THOMAS. V. POUDRE, poudre à tirer. SALUER. v. tr. (sa lu-é devant une consonne). Proprement s'incliner devant quelqu'un par marque de respect, de civilité. En ce sens il est familier. Syn. S'incliner, se prosterner. Périph. Courber, baisser, incliner un front respectueux. Mais Alète, en voyant ces traits majestueux, Le héros se prosterne; il rend grâce à Phœbus; Tel l'oiseau du Méandre, ornement du rivage, Nous renfermons son ame dans son asile sombre, Tout un peuple naissant est formé par mes mains: SANCTUAIRE. n. m. (sank-tu-è-re ), Proprement le lieu le plus saint d'un teniple. Epit. Auguste, redoutable, impénétrable, inviolable, secret, profané. Qui pourra, grand dieu, pénétrer Où tes saints inclinés, d'un œil respectueux, J. B. ROUSSEAU, Ode tirée du Psaume XIV Ne nous endormons point sur la foi de nos prêtres, Au pied du sanctuaire il est souvent des traitres. VOLTAIRE, OEdipe, act. II, sc. 5. Sanctuaire se dit figurément de tout lies qui doit inspirer un certain respect religieus: le sanctuaire des lois, de la justice; le sanctuaire de la vertu, de l'innocence; le sanctuaire des arts; il se prend même quelquefois pour les parties sexuelles de la femme. Il est entre la terre et la voûte des cieux, DELILLE, poème de l'Imagination, ch. V. Il voit Elma dans toute sa beauté, BAOUR-LORMIAN, l'Atlantide, ch. II. SANG. n. m. (san devant une consonne, sank devant une voyelle). Son sang (sank), à gros bouillons de son corps élancé, Vengeait le sang (san) français par ses ordres verse. VOLTAIRE, la Henriade. Epit. Rouge, vermeil, pourpré, rafraîchi, lent, tardif, subtil, bouillonnant, actif. Périph. La pourpre du sang. |