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Philofophical and litterary effais, &c. C'eft-à-dire , Effais philofophiques & littéraires. Par le docteur Grégory, d'Edimbourg 2 volumes in-8°. A Edimbourg, chez Creech; & à Londres chez Cadell. 1792.

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A question concernant la liberté & la néceflité a été, & eft encore le tourment des métaphyficiens. Deux partis difpotent depuis des fiecles: chacun foutient fon opinion avec dextérité, avec perfévérance tous ces argumens n'ont pas produit un trait de lumiere, & l'objet de la conteftation refte encore indécis. Un profeffeur célebre, d'une école diftinguée par fon amour pour les fciences, fe met de nouveau fur les rangs, & entreprend de dénouer ce noeud gordien. C'eft à cette tâche hardie que Grégory confacre les effais que nous annonçons. Il ne publie aujourd'hui que le premier, & celui-ci mérite d'être confidéré comme un traité préliminaire foigneufement travaillé. Il a pour fujet: La difference entre le rapport de motif & d'action, & celui de caufe & d'effet en phyfique; rapport expliqué d'après des principes phyfiques & mathématiques. L'objet eft de renverser une doctrine qui, de nos jours, a tant d'habiles

défenseurs; c'est-à-dire, la néceffité philofophique. Pour s'ouvrir la route, & écarter toutes les difficultés qui pourroient embarraffer fa marche, le docteur Grégory, dans une introduction de plus de 300 pages, préfente à l'attention des favans ce premier effai, comme partie d'un ouvrage plus confidérable. Il s'y occupe de Recherches fur le fens propre & l'étendue de la notion commune du rapport de caufe & d'effet. Il y offre plufieurs obfervations judicieufes pour prouver que dans l'état actuel des fciences, de pareilles recherches font néceffaires, & en même tems il indique la maniere dont il efpere pouffer ces recherches avec plus de fuccès qu'on n'en a eu jufqu'ici.

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a Il y a entre les chofes & les événemens, dit-il, différens rapports qui tous, felon l'oc cafion ont été défignés par les termes de caues & d'effets. Il doit donc être d'une grande importance en philofophie de faire attention à tous ces différens rapports d'événement, de rechercher, autant qu'il eft poffible la nature de chaque efpece de caufe, de déterminer la fphere de chacune, & de rapporter chaque efpece d'événement ou d'effet à fa propre cause, ou principe de changement. Et fi nous remarquons que plufieurs événemens procédent d'un concours, d'une coopération de deux ou de plufieurs efpeces de caufes, ce doit être l'affaire de la philofophie de démêler ce concours & de découvrir la part que cha que efpece de caufe a dans la production des phénomènes que nous obfervons & que nous y rapportons ».

Plufieurs philofophes ont négligé un point

généralement connu des hommes, qui me parok manifeftement appartenir à nos facultés abandonnées à elles mêmes, & que je trouve démontré après le plus févere examen; c'eft qu'il y a plufieurs différens rapports, ainfi que diverfes elpeces d'événemens plufieurs différentes e peces de caufes & fouvent le conCours de différentes efpeces de caufes dans la production d'un feut événement. Et ces philofophes, par leur inattention à quelquesunes de ces vérités évidentes, par un amour déplacé & mal raifonné de la fimplicité, & par un defir ardent, & qui nous eft naturel de rapporter les chofes à des principes auffi peu nombreux qu'il eft poffible, font tombés quelquefois dans la contufion & dans l'erreur même la plus extravagante, en s'efforçant de rapporter toutes les elpeces d'événemens qu'ils ont obfervés à une feule elpece de caufe. Certe efpece de cause, qui a été tavorisée de la préférence & regardée comme le feul principe de changement, a éré différente, felon les différens philofophes, felon leurs différens goûts ou fantaifies, & en très-grande partie, fuivant les événemens & les caufes qui ont fixé leur attention. La conféquence inévitable

de cette conduite a été d'embrouiller certe. partie effentielle de la philofophie, & de retarder les progrès des fciences phyfiques & métaphysiques. C'eft principalement en fuivant une route diametralement oppofée que je penfe que nous pouvons acquérir une connoillance réelle & urile du fujer en question; en por tant notre attention fur ces différences totalement perdues de vue entre les diverfes ef peces d'événemens & de causes, de rapports d'événement & de caufe à la fréquente influence de différentes efpe es de caufe fur ces événemens; en nous méfiant en même tems de toutes les doctrines ou notions philoso

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phiques qui ont été jufqu'ici enfeignées fur ce fujer, mais fans refufer une jufte déférence aux conceptions de nos facultés naturelles, une fainte vénération pour ces loix fondamentales de la pér fée humaine, en conformité defquelles nous nous emprefferons de faire nos obfervations, de tirer nos conféquences, enfin de former nos opinions ».

Notre favant métaphyficien obferve que tous les jours on fait des découvertes précieufes en phyfique, & qu'on n'en fait point, qu'on n'en peut même pas faire en métaphyfique. Pour confirmer cette vérité, il railonne airfi.:

« Cette différence importante résulte néceffairement de la différence du fujet des recherches phyfiques & métaphyfiques. Dans les premieres ce fujet font les phénomenes qui Te préfentent dans le monde matériel, les propriétés & les rapports de toute efpece de Corps qui ne peuvent être connus directement ou immédiatement par aucune forte de conf. cience ou d'intention, mais qui doivent s'apprendre par l'obfervation & l'expérience, enfin par des inductions juftes qu'on en tire. Dans la derniere, le fujer eft la pensée humaine, dont les loix, c'est à dire les faits généraux & les principes qui y ont rapport s'offrent d'eux mêmes au métaphyficien, qui fe propofe, d'en acquérir la connoiffance & de les décrire fidelement. Mais il n'y peut rien trouver de neuf ou de merveilleux, soit pour lui, foit pour les autres; car on ne peut rien concevoir de plus familier & de mieux connu des hommes que leur propre pensée. Un expolé clair de ces penfées frappe tous les hommes, avec autant de naturel & de vérité qu'une defcription exete ou la peinture fidelle d'un

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objet familier. Un faux expofé au contraire parcitra fur le champ étrange, choquant à tous les hommes, fera d'abord rejetté ou reçu avec défiance, de la même maniere qu'une mauvaise description, ou le portrait manqué d'un ami intime. Les faits généraux relativement à la pensée humaine, qui, fous un certain point de vue, peuvent paroître les plus obfcurs, comme étant les fujets les moins communs de la converfation, ou d'une attention diftincte & particuliere, se trouveront 'après un examen plus réfléchi, les plus familiers & les mieux connus de tous. Ils fe rencontrent le plus fréquemment, non pas fimples à la vérité, mais en combinaison avec diverfes autres penfées dans un nombre infini d'exemples. Ce n'eft pas non plus le défaut -de mois ou de phra es appropriées pour les exprimer, ni les difficultés que nous éprouvons en les traitant fcientifiquement, qui peuvent prouver qu'ils ne nous font pas familiers. La conftruction du langage que tous les homames apprennent fuffifamment & facilement avant l'âge de 5 ans, dépend beaucoup plus de la conception jufte & uniforme de certai nes loix générales de la pensée, communes à tous les hommes, que de la correfpondance entre les penfées particulieres des divers indivius. Tous les mois généraux, toutes les phrafes, toutes les inflexions expriment de ces conceptions générales qui font de diffé rentes efpeces, tandis qu'on exprime des penfées particulieres par des termes propres 9 qui ne conflituent qu'une très-petite partie du langage même le plus commun, tel qu'il eft employé avec une parfaite uniformité & une véritable connoiffance par le vulgaire ignorant & non lettré, même très fouvent par de jeunes enfans qui non feulement manquent de connoiffances, mais encore font trè.-éloignés

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