ACTE SECOND. VIEN SCENE I. AMPHITRYON, SOSIE. AMPHITRYON. IENS çà, bourrean, viens çà. Sais-tu, maître Qu'à te faire assommer ton discours pent suffire, SOSIE. Si vous le prenez sur ce tou, AMPHITRYON. Quoi! tu veux me donner pour des vérités, traître, Des contes que je vois d'extravagance outrés ? SOSIE. Non: je suis le valet, et vous êtes le maître; AMPHITRYON. Çà, je veux étouffer le courroux qui m'enflamme, Et, tout du long, t'ouir sur ta commission. Il faut, avant que voir ma femme, Que je débrouille ici cette confusion. Rappelle tous tes sens, rentre bien dans ton amc, Et réponds mot pour mot à chaque question. SOSIE, Mais de peur d'incongruité, Dites-moi, de grace, à l'avance De quel air il vous plaît que ceci soit traité. Ou bien user de complaisance? AMPHITRYON. Non; je ne te veux obliger Qu'à me rendre de tout un compte fort sincere. SOSIE. Bon. C'est assez, laissez-moi faire; AMPHITRYON. Sur l'ordre que tantôt je t'avois su prescrire... SOSIE. Je suis parti, les cieux d'un noir crêpe voilés, Pestant fort contre vous dans ce fâcheux martyre, Et maudissant vingt fois l'ordre dont vous parlez. AMPHITRYON. Comment, coquin! SOSIE. Monsieur, vous n'avez rien qu'à dire; Je mentirai, si vous voulez. AMPHITRYON. Voilà comme un valet montre pour nous du zele! SOSIE. D'avoir une frayeur mortelle Poltron! AMPHITRYON. SOSIE. En nous formant, nature a ses caprices; AMPHITRYON. Arrivant au logis...? SOSIE. J'ai, devant notre porte, En moi-même voulu répéter un petit Je ferois du combat le glorieux récit. Sosie; un moi, de vòs ordres jaloux, Que vous avez du port envoyé vers Alcmene, Et qui de nos secrets a connoissance pleine, Comme le moi qui parle à vous. Quels contes! AMPHITRYON. SOSIE. Non, monsieur, c'est la vérité pure: Ce moi plutôt que moi s'est au logis trouvé; Avant que je fusse arrivé. AMPHITRYON. D'où peut procéder, je te prie, Est-ce songe? est-ce ivrognerie, Ou méchante plaisanterie ? SOSIE. Non, c'est la chose comme elle est, Je suis homme d'honneur, j'en donne ma parole, Et vous m'en croirez, s'il vous plaît. Et que, de ces deux moi piqués de jalousie, AMPHITRYON. Il faut être, je le confesse, D'un esprit bien posé, bien tranquille, bien doux, Pour souffrir qu'un valet de chansons me repaisse! SOSIE. Si vous vous mettez en courroux, AMPHITRYON. Non, sans emportement je te veux écouter, SOSIE. Non; vous avez raison, et la chose à chacun C'est un fait à n'y rien connoître, Un conte extravagant, ridicule, importun; Mais cela ne laisse pas d'être. AMPHITRYON. Le moyen d'en rien croire, à moins qu'être insensé.! SOSIE. Je ne l'ai pas cru, moi, sans une peine extrême. J'ai vu que c'étoit moi, sans aucun stratagême; Ne sont pas plus ressemblantes; Et, n'étoit que ses mains sont un peu trop pesantes, J'en serois fort satisfait. AMPHITRYON. A quelle patience il faut que je m'exhorte! SOSIE. Bon, entré ! Hé! de quelle sorte? AMPHITRYON. Comment donc ? SOSIE. Avec un bâton, Dont mon dos sent encore une douleur très forte. Oui, moi; non pas le moi d'ici, Mais le moi du logis, qui frappe comme quatre. AMPHITRYON. Te confonde le ciel de me parler ainsi ! SOSIE. Ce ne sont point des badinages. |