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ACTEURS.

GEORGE DAN DIN, riche paysan, mari d'Angé lique.

ANGÉLIQUE, femme de George Dandin, et fille de M. de Sotenville.

Monsieur DE SOTENVILLE, gentilhomme campagnard, pere d'Angélique.

Madame DE SOTENVILLE.
CLITANDRE, amant d'Angélique.
CLAUDINE, suivante d'Angélique.
LUBIN, paysan servant Clitandre.
COLIN, valet de George Dandin.

La scene est devant la maison de George Dan din, à la campagne.

GEORGE DANDIN,

OU

LE MARI CONFONDU.

ACTE PREMIER.

SCENE I.

GEORGE DANDIN.

AR! qu'une femme demoiselle est une étrange affaire! et que mon mariage est une leçon bien parlante à tous les paysans qui veulent s'élever au-dessus de leur condition, et s'allier, comme j'ai fait, à la maison d'un gentilhomme! La noblesse de soi est bonne, c'est une chose considérable assurément; mais elle est accompagnée de tant de mauvaises circonstances, qu'il est très bon de ne s'y point frotter. Je suis devenu là-dessus savant à mes dépens, et connois le style des nobles lorsqu'ils nous font, nous autres, entrer dans leur famille. L'alliance qu'ils font est petite avec nos personnes, c'est notre bien seul qu'ils épousent; et j'aurois bien mieux fait, tout riche que je suis, de m'allier en bonne et franche paysannerie, que de prendre une femme qui se tient au-dessus de moi, s'offense de porter mon nom, et pense qu'avec tout mon bien je n'ai pas assez acheté la qualité de son mari. George Dandin! George Dandin! vous avez

fait une sottise la plus grande du monde. Ma maison m'est effroyable maintenant, et je n'y rentre point sans y trouver quelque chagrin.

SCENE II.

GEORGE DANDIN, LUBIN.

GEORGE DANDIN, à part, voyant sortir Lubin de chez lui.

Que diantre ce drôle-là vient-il faire chez moi ? LUBIN, à part, appercevant George Dandin. Voilà un homme qui me regarde! GEORGE DANDIN, à part.

Il ne me connoît pas.

LUBIN, à part.

Il se doute de quelque chose.

GEORGE DANDIN, à

Ouais! il a grand' peine à saluer.

LUBIN, à part.

part.

J'ai peur qu'il n'aille dire qu'il m'a vu sortir de là

dedans.

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GEORGE DAND IN.

Vous n'êtes pas d'ici, que je crois?

LUBIN.

Non; je n'y suis venu que pour voir la fête de de

main.

GEORGE DANDIN.

Hé! dites-moi un peu, s'il vous plaît, vous venez

de là-dedans?

Chut!

LUBIN

GEORGE DANDIN.

Comment?

LUBIN.

Paix !

GEORGE DANDIN.

Quoi donc ?

LUBIN.

Motus! il ne faut pas dire que vous m'ayez vu

sortir de là.

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C'est que je viens de parler à la maîtresse du logis, de la part d'un certain monsieur qui lui fait les doux yeux; et ne faut pas qu'on sache cela, entendez-vous ?

Oui.

GEORGE DANDIN.

LUBIN.

Voilà la raison. On m'a enchargé de prendre garde que personne ne me vît; et je vous prie au moins de dire que vous m'ayez vu.

ne pas

Je n'ai garde.

GEORGE DANDIN.

LUBIN.

Je suis bien aise de faire les choses secrètement, comme on m'a recommandé.

GEORGE DANDIN.

C'est bien fait.

LUBIN.

Le mari, à ce qu'ils disent, est un jaloux qui ne veut pas qu'on fasse l'amour à sa femme; et il feroit le diable à quatre si cela venoit à ses oreilles. Vous comprenez bien?

Fort bien.

GEORGE DANDIN.

LUBIN.

Il ne faut pas qu'il sache rien de tout ceci.

GEORGE DANDIN.

Sans doute.

LUBIN.

On le veut tromper tout doucement. Vous entendez bien?

GEORGE DANDIN.

Le mieux du monde.

LUBIN.

Si vous alliez dire que vous m'avez vu sortir de chez lui, vous gâteriez toute l'affaire. Vous comprenez bien?

GEORGE DANDIN.

Assurément. Hé! comment nommez-vous celui qui vous a envoyé là-dedans?

LUBIN.

C'est le seigneur de notre pays, monsieur le vicomte de chose... Foin! je ne me souviens jamais comment diantre ils baragouinent ce nom-là; monsieur Cli... Clitandre.

GEORGE DANDIN.

Est-ce ce jeune courtisan qui demeure...?

LUBIN.

Oui, auprès de ces arbres.

GEORGE DANDIN, à part.

C'est pour cela que depuis peu ce damoiseau poli s'est venu loger contre moi; j'avois bon nez, sans doute, et son voisinage déja m'avoit donné quelque soupçon.

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