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trop heureux de l'avoir, et vous devriez baiser les pas

où elle passe.

GEORGE DANDIN, à part.

Hé! traîtresse!

M. DE SOTENVILLE.

Qu'est-ce, mon gendre? Que ne remerciez-vous un peu votre femme de l'amitié que vous voyez qu'elle montre pour vous?

ANGÉLIQUE.

Non, non, mon pere, il n'est pas nécessaire : il ne m'a aucune obligation de ce qu'il vient de voir, et tout ce que j'en fais n'est que pour l'amour de moimême.

M. DE SOTENVILLE.

Où allez-vous, ma fille?

ANGÉLIQUE.

Je me retire, mon pere, pour ne me voir point obligée à recevoir ses compliments.

CLAUDINE, à George Dandin.

Elle a raison d'être en colere. C'est une femme qui mérite d'être adorée, et vous ne la traitez pas comme vous devriez.

Scélérate!

GEORGE DANDIN, à part.

SCENE XII.

MONSIEUR DE SOTENVILLE,
MADAME DE SOTENVILLE,
GEORGE DANDIN.

M. DE SOTENVILLE.

C'est un petit ressentiment de l'affaire de tantôt, et cela se passera avec un peu de caresses que vous lui ferez. Adieu, mon gendre; vous voilà en état de ne vous plus inquiéter. Allez-vous-en faire la paix, en

semble, et tâchez de l'appaiser par des excuses de votre emportement.

MADAME DE SOTENVILLE.

Vous devez considérer que c'est une jeune fille éle vée à la vertu, et qui n'est point accoutumée à se voir soupçonner d'aucune vilaine action. Adieu. Je suis ravie de voir vos désordres finis, et des transports de joie que vous doit donner sa conduite.

SCENE XIII.

GEORGE DANDIN, seul.

Je ne dis mot, car je ne gagnerois rien à parler : et jamais il ne s'est ri n vu d'égal à ma disgrace. Oui, j'admire mon malheur, et la subtile adresse de ma carogne de femme pour se donner toujours raison et me faire avoir tort. Est-il possible que toujours j'aurai du dessous avec elle, que les apparences toujours tourneront contre moi, et que je ne parviendrai point à convaincre mon effrontée? O ciel, seconde mes desseins, et m'accorde la grace de faire voir aux gens que l'on me déshonore !

FIN DU SECOND ACT E.

ACTE TROISIEME.

SCENE I.

CLITANDRE, LUBIN.

CLITANDRE.

La nuit est avancée, et j'ai peur qu'il ne soit trop tard. Je ne vois point à me conduire. Lubin.

Monsieur ?

Est-ce par ici ?

LUBIN.

CLITANDRE.

LUBIN.

Je pense que oui. Morgué! voilà une sotte nuit, d'être si noire que cela!

CLITAN dre.

Elle a tort assurément; mais, si d'un côté elle nous empêche de voir, elle empêche de l'autre que nous ne soyons vus.

LUBIN.

Vous avez raison, elle n'a pas tant de tort. Je voudrois bien savoir, monsieur, vous qui êtes savant, pourquoi il ne fait point jour la nuit.

CLITANDRE.

C'est une grande question, et qui est difficile. Tu es curieux, Lubin.

LUBIN.

Oui. Si j'avois étudié, j'aurois été songer à des choses où on n'a jamais songé.

CLITANDRE.

Je le crois. Tu as la mine d'avoir l'esprit subtil et pénétrant.

LUBIN.

Cela est vrai. Tenez, j'explique du latin, quoique jamais je ne l'aie appris; et voyant l'autre jour écrit sur une grande porte, collegium, je devinai que cela vouloit dire college.

CLITANDRE.

Cela est admirable. Tu sais donc lire, Lubin?

LUBIN.

Oni, je sais lire la lettre moulée, mais je n'ai jamais su apprendre à lire l'écriture.

CLITANDRE.

Nous voici contre la maison. (après avoir frappé dans ses mains.) C'est le signal que m'a donné Claudine.

LUBIN.

Par ma foi, c'est une fille qui vaut de l'argent, et je l'aime de tout mon cœur.

CLITAN DRE.

Aussi t'ai-je amené avec moi pour l'entretenir.

LUBIN.

Monsieur, je vous suis...

CLITAN DRE,

Chut. J'entends quelque bruit.

SCENE II.

ANGÉLIQUE, CLAUDINE,
CLITANDRE, LUBIN.

ANGÉLIQUE.

Claudine.

CLAUDINE.

Hé bien ?

ANGÉLIQUE.

Laisse la porte entr'ouverte.

CLAUDINE.

Voilà qui est fait.

(Scene de nuit. Les acteurs se cherchent les uns les autres dans l'obscurité.

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ANGÉLIQUE, à Lubin, qu'elle prend pour Clitandre.

Quoi?

LUBIN, à Angélique, qu'il prend pour
Claudine.

Claudine.

CLAUDINE, à Clitandre, qu'elle prend
pour Lubin.

Qu'est-ce?

CLITANDRE, à Claudine, croyant parler
à Angélique.

Ah! madame, que j'ai de joie!

LUBIN, à Angélique, croyant parler
à Claudine.

Claudine, ma pauvre Claudine!

CLAUDINE, à Clitandre.

Doucement, monsieur.

ANGÉLIQUE, à Lubin.

Tout beau, Lubin.

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