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M. DE SOTENVILLE.

Allez, vous devriez mourir de honte.

GEORGE DANDIN.

Laissez-moi vous dire deux mots.

ANGÉLIQUE.

Vous n'avez qu'à l'écouter, il va vous en conter de belles.

GEORGE DANDIN, à part.

Je désespere.

CLAUDINE.

Il a tant bu, que je ne pense pas qu'on puisse durer contre lui; et l'odeur du vin qu'il souffle est montée jusqu'à nous.

GEORGE DANDIN.

Monsieur mon beau-pere, je vous conjure...

M. DE SOTENVILLE.

Retirez-vous, vous puez le vin à pleine bouche.

GEORGE DANDIN.

Madame, je vous prie...

MADAME DE SOTENVILLE.

Fi! ne m'approchez pas, votre haleine est empestée. GEORGE DANDIN, à M. de Sotenville. Souffrez que je vous...

M. DE SOTENVILLE.

: on ne peut vous souffrir.

Retirez-vous, vous dis-je: o

GEORGE DANDIN, à madame de Sotenville. Permettez, de grace, que...

MADAME DE SOTENVILLE.

Pouah! vous m'engloutissez le cœur. Parlez de loin, si vous voulez.

GEORGE DANDIN.

Hé bien! oui, je parle de loin. Je vous jure que je n'ai bougé de chez moi, et que c'est elle qui est sortie.

ANGÉLIQUE.

Ne voilà pas ce que je vous ai dit?

CLAUDINE.

Vous voyez quelle apparence il y a.

M. DE SOTENVILLE, à George Dandin. Allez, vous vous moquez des gens. Descendez, ma fille, et venez ici.

SCENE XIII.

MONSIEUR DE SOTENVILLE, MADAME DE SOTENVILLE, GEORGE DANDIN, COLIN.

GEORGE DANDIN.

J'atteste le ciel que j'étois dans la maison, et que...

M. DE SOTENVILLE.

Taisez-vous, c'est une extravagance qui n'est pas supportable.

GEORGE DANDIN.

Que la foudre m'écrase tout-à-l'heure, si...

M. DE SOTENVILLE.

Ne nous rompez pas davantage la tête, demander pardon à votre femme.

GEORGE DANDIN.

Moi! demander pardon?

M. DE SOTENVILLE.

Oui, pardon, et sur-le-champ.

Quoi! je...

GEORGE DANDIN.

M. DE SOTENVILLE.

et songez

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Corbleu! si vous me répliquez, je vous appren

drai ce que c'est que

de vous jouer à nous.

GEORGE DANDIN.

Ah! George Dandin!

5.

SCENE XIV.

MONSIEUR DE SOTENVILLE, MADAME DE SOTENVILLE, ANGÉLIQUE, GEORGE DANDIN, CLAUDINE, COLIN.

M. DE SOTENVILLE.

Allons, venez, ma fille, que votre mari vous demande pardon.

ANGÉLIQUE.

Moi! lui pardonner tout ce qu'il m'a dit? Non, non, mon pere, il m'est impossible de m'y résoudre; et je vous prie de me séparer d'un mari avec lequel je ne saurois plus vivre.

CLAUDINE

Le moyen d'y résister!

M DE SOTENVILLE.

Ma fille, de semblables séparations ne se font point sans grand scandale; et vous devez vous montrer plus sage que lui, et patienter encore cette fois. ANGÉLIQUE.

Comment! patienter, après de telles indignités ? Non, mon pere, c'est une chose où je ne puis consentir.

M. DE SOTENVILLE.

Il le faut, ma fille; et c'est moi qui vous le commande.

ANGÉLIQUE.

Ce mot me ferme la bouche, et vous avez sur moi une puissance absolue.

Quelle douceur!

CLAUDINE.

ANGÉLIQUE.

Il est fâcheux d'être contrainte d'oublier de telles injures; mais, quelque violence que je me fasse, c'est à moi de vous obéir.

Pauvre mouton!

CLAUDINE.

M. DE SOTENVILLE, à Angélique.

Approchez.

ANGÉLIQUE.

Tout ce que vous me faites faire ne servira de rien; et vous verrez que ce sera dès demain à recom

mencer.

M. DE SOTENVILLE.

Nous y donnerons ordre. (à George Dandin.) Allons, mettez-vous à genoux.

A genoux?

GEORGE DANDIN.

M. DE SOTENVILLE.

Oui, à genoux, et sans tarder.

GEORGE DANDIN,

à

genoux, une chandelle

à la main.

(à part.) (à M. de Sotenville.)

O ciel! Que faut-il dire ?

M. DE SOTENVILLE.

Madame, je vous prie de me pardonner...

GEORGE DANDIN.

Madame, je vous prie de me pardonner...

M. DE SOTENVILLE.

L'extravagance que j'ai faite...

GEORGE DANDIN..

L'extravagance que j'ai faite... (à part.) de vous épouser.

M. DE SOTENVILLE.

Et je vous promets de mieux vivre à l'avenir.

GEORGE DANDIN.

Et je vous promets de mieux vivre à l'avenir. M. DE SOTENVILLE, à George Dandin. Prenez-y garde, et sachez que c'est ici la derniere de vos impertinences que nous souffrirons.

MADAME DE SOTENVILLE.

Jour de dieu! si vous y retournez, on vous apprendra le respect que vous devez à votre femme, et à ceux de qui elle sort.

M. DE SOTENVILLE.

Voilà le jour qui va paroître. Adieu. (à George Dandin.)

Rentrez chez

Et nous,

vous, et songez bien à être sage. (à madame de Sotenville.) m'amour, allons nous mettre au lit.

SCENE X V.

GEORGE DANDIN.

Ah! je le quitte maintenant, et je n'y vois plus de remede. Lorsqu'on a, comme moi, épousé une méchante femme, le meilleur parti qu'on puisse prendre, c'est de s'aller jeter dans l'eau la tête la premiere.

FIN DE LA COMÉDIE.

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