Adieu. Certaine affaire à te quitter m'oblige.
Oui, je suis stupéfait de ce dernier prodige. On dirait, et pour moi j'en suis persuadé, Que ce démon brouillon dont il est possédé Se plaise à me braver, et me l'aille conduire Partout où sa présence est capable de nuire. Pourtant je veux poursuivre, et, malgré tous ses coups, Voir qui l'emportera de ce diable ou de nous. Célie est quelque peu de notre intelligence, Et ne voit son départ qu'avecque répugnance. Je tache à profiter de cette occasion. Mais ils viennent; songeons à l'exécution. Cette maison meublée est en ma bienséance, Je puis en disposer avec grande licence: Si le sort nous en dit, tout sera bien réglé; Nul que moi ne s'y tient, et j'en garde la clé. O dieu! qu'en peu de temps on a vu d'aventures, Et qu'un fourbe est contraint de prendre de figures!
SCÈNE III.
CÉLIE, ANDRÈS.
Vous le savez, Célie, il n'est rien que mon cœur N'ait fait pour vous prouver l'excès de son ardeur. Chez les Vénitiens, dès un assez jeune âge,
La guerre en quelque estime avait mis mon courage,« Et j'y pouvais un jour, sans trop croire de moi, Prétendre, en les servant, un honorable emploi ; Lorsqu'on me vit pour vous oublier toute chose, Et que le prompt effet d'une métamorphose Qui suivit de mon cœur le soudain changement Parmi vos compagnons sut ranger votre amant; Sans que mille accidens, ni votre indifférence, Aient pu me détacher de ma persévérance. Depuis, par un hasard, d'avec vous séparé Pour beaucoup plus de temps que je n'eusse auguré, Je n'ai, pour vous rejoindre, épargné temps ni peine: Enfin, ayant trouvé la vieille Égyptienne,
Et plein d'impatience apprenant votre sort, Que, pour certain argent qui leur importait fort, Et qui de tous vos gens détourna le naufrage, Vous aviez en ces lieux été mise en otage, J'accours vite y briser ces chaînes d'intérêt, Et recevoir de vous les ordres qu'il vous plaît. Cependant on vous voit une morne tristesse Alors que dans vos yeux
doit briller l'alégresse.
Si pour vous la retraite avait quelques appas, Venise, du butin fait parmi les combats,
Me garde pour tous deux de quoi pouvoir y vivre : Que si, comme devant, il vous faut encor suivre, J'y consens, et mon cœur n'ambitionnera
Que d'être auprès de vous tout ce qu'il vous plaira. CÉLIE.
Votre zèle pour moi visiblement éclate; Pour en paraître triste il faudrait être ingrate : Et mon visage aussi, par son émotion, N'explique point mon cœur en cette occasion; Une douleur de tête y peint sa violence :
Et, si j'avais sur vous quelque peu de puissance, Notre voyage, au moins pour trois ou quatre jours, Attendrait mal eût pris un autre cours.
Autant que vous voudrez, faites qu'il se diffère; Toutes mes volontés ne buttent qu'à vous plaire. Cherchons une maison à vous mettre en repos. L'écriteau voici s'offre tout à propos.
SCÈNE IV.
CÉLIE, ANDRÈS; MASCARILLE,
Seigneur Suisse, êtes-vous de ce logis le maître
Pourrions-nous y bien être !
Oui; moi pour détrancher chappons champre carni. Ma che non point locher te gent méchante vi.
Je crois votre maison franche de tout ombrage.
Fous noufeau dans sti fil, moi foir à la fissage.
S'il être son fame, ou s'il être son sœur ?
Mon foi, pien choli. Fenir pour marchandice,
Ou pien pour temanter à la palais choustice? La procès il faut rien, il coûter tant t'archant ! La procurer larron, l'afocat pien méchant.
Pour fenir pourmener et recarter la file?
Il n'importe Je suis à vous dans un moment. Je vais faire venir la vieille promptement, Contremander aussi notre voiture prête.
Moi chavoir de pon fin, et de fromache pon. Entre fous, entre fous dans mon petit maison. (Célie, Andrès et Mascarille entrent dans la maison.)
que soit le transport d'une âme impatiente, Ma parole m'engage à rester en attente,
A laisser faire un autre, et voir, sans rien oser, Comme de mes destins le ciel veut disposer.
LÉLIE, à Andrès qui sort de la maison. Demandiez-vous quelqu'un dedans cette demeure?
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