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Au nom des dieux, dis-moi si ta belle maîtresse
N'abuse point mes vœux d'une fausse tendresse.

MARINETTE.

Hé, hé, d'où vous vient donc ce plaisant mouvement? Elle ne fait pas voir assez son sentiment!

Quel garant est-ce encor que votre amour demande ? Que lui faut-il?

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De Valère? Ah! vraiment, la pensée est bien belle!
Elle
peut seulement naître en votre cervelle.
Je vous croyais du sens, et jusqu'à ce moment
J'avais de votre esprit quelque bon sentiment;
Mais, à ce que je vois, je m'étais fort trompée.
Ta tête de ce mal est-elle aussi frappée?

GROS-RENÉ.

Moi, jaloux! Dieu m'en garde, et d'être assez badin
Pour m'aller amaigrir avec un tel chagrin !
Outre que de ton cœur ta foi me cautionne,
L'opinion que j'ai de moi-même est trop bonne
Pour croire auprès de moi que quelque autre te plût.
Où diantre pourrais-tu trouver qui me valût ?

MARINETTE.

En effet, tu dis bien; voilà comme

faut être.

Jamais de ces soupçons qu'un jaloux fait paraître :
Tout le fruit qu'on en cueille est de se mettre mal,
Et d'avancer par-là les desseins d'un rival.
Au mérite souvent de qui l'éclat vous blesse
Vos chagrins font ouvrir les yeux d'une maîtresse;
Et j'en sais tel qui doit son destin le plus doux
Aux soins trop inquiets de son rival jaloux.
Enfin, quoi qu'il en soit, témoigner de l'ombrage,
C'est jouer en amour un mauvais personnage,
Et se rendre, après tout, misérable à crédit.
Cela, seigneur Eraste, en passant vous soit dit.
ÉRASTE.

Hébien, n'en parlons plus. Que venais-tu m'apprendre?

MARINETTE.

Vous mériteriez bien que l'on vous fît attendre,
Qu'afin de vous punir je vous tinsse caché

Le grand secret pourquoi je vous ai tant cherché.
Tenez, voyez ce mot, et sortez hors de doute.
Lisez-le donc tout haut, personne ici n'écoute.
ÉRASTE lit.

« Vous m'avez dit que votre amour
« Était capable de tout faire ;

<< Il se couronnera lui-même dans ce jour

«S'il peut avoir l'aveu d'un père.

« Faites parler les droits qu'on a dessus mon cœur

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« Je vous en donne la licence;
<< Et, si c'est en votre faveur,

<< Je vous réponds de mon obéissance. »

t

Ah! quel bonheur! O toi, qui me l'as apporté,
Je te dois regarder comme une déité!

GROS-RENÉ.

Je vous le disais bien : contre votre croyance, Je ne me trompe guère aux choses que je pense. ÉRASTE relit.

Faites parler les droits qu'on a dessus mon cœur, Je vous en donne la licence;

<< Et, si c'est en votre faveur,

« Je vous réponds de mon obéissance. >>

MARINETTE.

Si je lui rapportais vos faiblesses d'esprit,
Elle désavoûrait bientôt un tel écrit.

ÉRASTE.

Ah! cache-lui, de grâce, une peur passagère
Où mon ame a cru voir quelque peu de lumière ;
Ou, si tu la lui dis, ajoute que ma mort
Est prête d'expier l'erreur de ce transport ;
Que je vais à ses pieds, si j'ai pu

Sacrifier ma vie à sa juste colère.

MARINETTE.

lui déplaire,

Ne parlons point de mort, ce n'en est pas

ÉRASTE.

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Au reste, je te dois beaucoup, et je prétends

Reconnaître dans peu, de la bonne manière,
Les soins d'une si noble et si belle courrière.

MARINETTE.

A propos, savez-vous où je vous ai cherché

Tantôt encore !

Où vous savez.

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ÉRASTE.

Hé bien ?

MARINETTE.

Tout proche du marché,

ÉRASTE.

Où donc ?

MARINETTE.

Là... dans cette boutique

Où dès le mois passé votre cœur magnifique

Me promit, de sa grâce, une bague.

"I.a matoise!

ÉRASTE.

Ah! j'entends.

GROS-RENÉ.

ÉRASTE.

Il est vrai, j'ai tardé trop long-temps

A m'acquitter vers toi d'une telle promesse :

Mais...

MARINETTE.

Ce que j'en ai dit n'est pas que je vous presse.
GROS-RENÉ.

Ho! que non!

ÉRASTE lui donne sa bague.

Celle-ci peut-être aura de quoi

Te plaire; accepte-la pour celle que je doi.

MARINETTE.

Monsieur, vous vous moquez; j'aurais honte à la prendre. GROS-RENÉ.

Pauvre honteuse, prends, sans davantage attendre; Refuser ce qu'on donne est bon à faire aux fous.

MARINETTE.

Ce sera pour garder quelque chose de vous.

ÉRASTE.

Quand puis-je rendre grâce à cet ange adorable?

MARINETTE.

Travaillez à vous rendre un père favorable.

ÉRASTE.

Mais, s'il me rebutait, dois-je...?

MARINETTE.

Alors comme alors:

Pour vous on emploîra toutes sortes d'efforts.
D'une façon ou d'autre il faut qu'elle soit vôtre.
Faites votre pouvoir, et nous ferons le nôtre.

ÉRASTE.

Adieu nous en saurons le succès dans ce jour. (Éraste relit la lettre tout bas.)

MARINETTE, à Gros-René,

Et nous, que dirons-nous aussi de notre amour!

Tu ne m'en parles point.

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