J'ai dans ma passion toutes choses contraires: Léandre aime Célie, et, par un trait fatal, Malgré mon changement est encor mon rival.
Hé, oui, tant pis ; c'est là ce qui m'afflige.
Toutefois j'aurais tort de me désespérer; Puisque j'ai ton secours, je dois me rassurer. Je sais que ton esprit, en intrigues fertile, N'a jamais rien trouvé qui lui fût difficile ; Qu'on te peut appeler le roi des serviteurs; Et qu'en toute la terre...
Hé! trève de douceurs. Quand nous faisons besoin, nous autres misérables, Nous sommes les chéris et les incomparables; Et dans un autre temps, dès le moindre courroux, Nous sommes les coquins qu'il faut rouer de coups. LÉLIE.
Ma foi, tu me fais tort avec cette invective. Mais enfin discourons de l'aimable captive : Dis si les plus cruels et plus durs sentimens
Ont rien d'impénétrable à des traits si charmans. Pour moi, dans ses discours, comme dans son visage, Je vois pour sa naissance un noble témoignage; Et je crois que le ciel dedans un rang si bas Cache son origine, et ne l'en tire pas.
Vous êtes romanesque avecque vos chimères. que fera Pandolfe en toutes ces affaires ? C'est, monsieur, votre père, au moins à ce qu'il dit : Vous savez que sa bile assez souvent s'aigrit, Qu'il peste contre vous d'une belle manière, Quand vos déportemens lui blessent la visière. Il est avec Anselme en parole pour vous Que de son Hippolyte on vous fera l'époux, S'imaginant que c'est dans le seul mariage
Qu'il pourra rencontrer de quoi vous faire sage; Et s'il vient à savoir que, rebutant son choix, D'un objet inconnu vous recevez les lois, Que de ce fol amour la fatale puissance Vous soustrait au devoir de votre obéissance, Dieu sait quelle tempête alors éclatera, Et de quels beaux sermons on vous régalera.
Ah! trève, je vous prie, à votre rhétorique.
Mais vous, trève plutôt à votre politique :
Elle n'est pas fort bonne ; et vous devriez tâcher.....
Sais-tu qu'on n'acquiert rien de bon à me fàcher, Que chez moi les avis ont de tristes salaires, Qu'un valet conseiller y fait mal ses affaires?
Il se met en courroux. Tout ce que j'en ai dit
N'était rien que pour rire et vous sonder l'esprit. D'un censeur de plaisirs ai-je fort l'encolure? Et Mascarille est-il ennemi de nature?
Vous savez le contraire, et qu'il est très-certain Qu'on ne peut me taxer que d'être trop humain. Moquez-vous des sermons d'un vieux barbon de père; Poussez votre bidet, vous dis-je, et laissez faire. Ma foi ! j'en suis d'avis, que ces penards chagrins Nous viennent étourdir de leurs contes badins, Et, vertueux par force, espèrent par envie Oter aux jeunes gens les plaisirs de la vie! Vous savez mon talent, je m'offre à vous servir. LÉLIE.
Ah! c'est par ces discours que tu peux me ravir. Au reste, mon amour, quand je l'ai fait paraître, N'a point été mal vu des yeux qui l'ont fait naître. Mais Léandre, à l'instant, vient de me déclarer Qu'à me ravir Célie il se va préparer :
C'est pourquoi dépêchons ; et cherche dans ta tête Les moyens les plus prompts d'en faire ma conquête. Trouve ruses, détours, fourbes, inventions,
Pour frustrer mon rival de ses prétentions.
Laissez-moi quelque temps rêver à cette affaire, (A part.)
Que pourrais-je inventer pour ce coup nécessaire ?
Ma cervelle toujours marche à pas mesurés.
J'ai trouvé votre fait : il faut... Non, je m'abuse.
Et que lui puis-je dire?
MASCARILLE.
Il est vrai, c'est tomber d'un mal dedans un pire. Il faut pourtant l'avoir. Allez chez Trufaldin.
C'en est trop, à la fin,
Et tu me mets à bout par ces contes frivoles.
Monsieur, si vous aviez en main force pistoles, Nous n'aurions pas besoin maintenant de rêver A chercher les biais que nous devons trouver, Et pourrions, par un prompt achat de cette esclave, Empêcher qu'un rival vous prévienne et vous brave. De ces Égyptiens qui la mirent ici
Trufaldin, qui la garde, est en quelque souci;
Et trouvant son argent qu'ils lui font trop attendre, Je sais bien qu'il serait très-ravi de la vendre : Car enfin en vrai ladre il a toujours vécu ;
Il se ferait fesser pour moins d'un quart d'écn; Et l'argent est le dieu que sur-tout il révère.
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