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OU

LE COCU IMAGINAIRE.

SCÈNE PREMIÈRE.

GORGIBUS, CÉLIE, LA SUIVANTE DE

CELIE.

CÉLIE, sortant tout éplorée.

AH! n'espérez jamais que mon cœur y consente.

GORGIBUS.

Que marmottez-vous là, petite impertinente?
Vous prétendez choquer ce que j'ai résolu ?
Je n'aurai pas sur vous un pouvoir absolu ?
Et, par sottes raisons, votre jeune cervelle
Voudrait régler ici la raison paternelle ?
Qui de nous deux à l'autre a droit de faire loi ?
A votre avis, qui mieux, ou de vous, ou de moi,
O sotte, peut juger ce qui vous est utile ?

Par la corbleu! gardez d'échauffer trop má bile;
Vous pourriez éprouver, sans beaucoup de longueur,
Si mon bras sait encor montrer quelque vigueur.
Votre plus court şera, madame la mutine,
D'accepter sans façon l'époux qu'on vous destine.

J'ignore, dites-vous, de quelle humeur il est, Et dois auparavant consulter, s'il vous plaît. » Informé du grand bien qui lui tombe en partage, Dois-je prendre le soin d'en savoir davantage? Et cet époux, ayant vingt mille bons ducats, Pour être aimé de vous doit-il manquer d'appas? Allez, tel qu'il puisse être, avecque cette somme Je vous suis caution qu'il est très-honnête homme. CÉLIE

Hélas!

GORGIBUS.

Hé bien, hélas ! Que veut dire ceci ? Voyez le bel hélas qu'elle nous donne ici. Hé !... Que si la colère une fois me transporte, Je vous ferai chanter hélas de belle sorte. Voilà, voilà le fruit de ces empressemens Qu'on vous voit nuit et jour à lire vos romans; De quolibets d'amour votre tête est remplie, Et vous parlez de Dieu bien moins que de Lélie. Jetez-moi dans le feu tous ces méchans écrits Qui gâtent tous les jours tant de jeunes esprits; Lisez-moi, comme il faut, au lieu de ces sornettes, Les Quatrains de Pibrac, et les doctes Tablettes Du conseiller Matthieu; l'ouvrage est de valeur, Et plein de beaux dictons à réciter par cœur. Le Guide des pécheurs est encore un bon livre; C'est là qu'en peu de temps on apprend à bien vivre; Et si vous n'aviez lu que ces moralités,

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Vous sauriez un peu mieux suivre mes volontés.

CÉLIE.

Quoi! vous prétendez donc, mon père, que j'oublie
La constante amitié que je dois à Lélie ?

J'aurais tort, si sans vous je disposais de moi;
Mais vous-même à ses vœux engageâtes ma foi.

GORGIBUS.

Lui fût-elle engagée encore davantage,

Un autre est survenu dont le bien l'en dégage.
Lélie est fort bien fait; mais apprends qu'il n'est rien
Qui ne doive céder au soin d'avoir du bien,

Que l'or donne aux plus laids certain charme pour plaice,
Et que sans lui le reste est une triste affaire.

Valère, je crois bien, n'est pas de toi chéri ;

Mais, s'il ne l'est amant, il le sera mari.

Plus l'on ne le croit, ce nom d'époux engage,

que

Et l'amour est souvent un fruit du mariage.

Mais, suis-je pas bien fat de vouloir raisonner
Où de droit absolu j'ai pouvoir d'ordonner?
Trève done, je vous prie, à vos impertinences:
Que je n'entende plus vos sottes doléances.
Ce gendre doit venir vous visiter ce soir;
Manquez un peu, manquez à le bien recevoir :
Si je ne vous lui vois faire fort bon visage,
Je vous... Je ne veux pas en dire davantage.

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