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Par l'amour qu'une esclave imprime à votre fils.

PANDOLFE.

On m'en avait parlé ; mais l'action me touche
De voir que je l'apprenne encore par ta bouche.

MASCARILLE.

Vous voyez si je suis le secret confident...

PANDOLFE.

Vraiment je suis ravi de cela.

MASCARILLE.

Cependant

A son devoir, sans bruit, désirez-vous le rendre?
Il faut... J'ai toujours peur qu'on nous vienne surprendre ;

Ce serait fait de moi, s'il savait ce discours :

Il faut, dis-je, pour rompre à toute chose cours
Acheter sourdement l'esclave idolâtrée,

Et la faire passer en une autre contrée.

Anselme a grand accès auprès de Trufaldin;
Qu'il aille l'acheter pour vous dès ce matin :
Après, si vous voulez en mes mains la remettre,
Je connais des marchands, et pais bien vous promettre
D'en retirer l'argent qu'elle pourra coûter,

Et, malgré votre fils, de la faire écarter.
Car enfin, si l'on veut qu'à l'hymen il se range,
A cet amour naissant il faut donner le change;
Et de plus, quand bien même il serait résolu
Qu'il aurait pris le joug que vous avez voulu,
Cet autre objet, pouvant réveiller son caprice,
Au mariage encor peut porter préjudice.

PANDOLFE.

C'est très-bien raisonner ce conseil me plaît fort...
Je vois Anselme ; va, je m'en vais faire effort
Pour avoir promptement cette esclave funeste,
Et la mettre en tes mains pour achever le reste.
MASCARILLE, seul.

Bon

allons avertir mon maître de ceci.

Vive la fourberie et les fourbes aussi !

SCÈNE X.

HIPPOLYTE, MASCARILLE.

HIPPOLYTE.

Oui, traître, c'est ainsi que tu me rends service?
Je viens de tout entendre, et voir ton artifice.
A moins que de cela l'eussé-je soupçonné?
Tu payes d'imposture, et tu m'en as donné.
Tu m'avais promis, lâche, et j'avais lieu d'attendre
Qu'on te verrait servir mes ardeurs pour Léandre;
Que du choix de Lélie, où l'on veut m'obliger,
Ton adresse et tes soins sauraient me dégager ;
Que tu m'affranchirais du projet de mon père :
Et cependant ici tu fais tout le contraire!
Mais tu t'abuseras: je sais un sûr moyen
Pour rompre cet achat où tu pousses si bien
Et je vais de ce pas...

MASCARILLE..

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Ah! que vous êtes prompte!

La mouche tout-d'un-coup à la tête vous monte >

Et, sans considérer s'il a raison ou non

,

Votre esprit contre moi fait le petit démon.
J'ai tort, et je devrais, sans finir mon ouvrage,
Vous faire dire vrai, puisqu'ainsi l'on m'outrage..

HIPPOLYTE.

Par quelle illusion penses-tu m'éblouir?
Traître, peux-tu nier ce que je viens d'ouïr?

MASCARILLE.

Non. Mais il faut savoir que tout cet artifice
Ne va directement qu'à vous rendre service;
Que ce conseil adroit qui semble être sans fard
Jette dans le panneau l'un et l'autre vieillard;
Que mon soin par leurs mains ne veut avoir Célie
Qu'à dessein de la mettre au pouvoir de Lélie,
Et faire
que l'effet de cette invention

Dans le dernier excès portant sa passion,

Anselme, rebuté de son prétendu gendre,
Puisse tourner son choix du côté de Léandre.

HIPPOLYTE.

Quoi! tout ce grand projet qui m'a mise en courroux Tu l'as formé pour moi, Mascarille !

MASCARILLE.

Oui, pour vous.

Mais puisqu'on reconnaît si mal mes bons offices,
Qu'il me faut de la sorte essuyer vos caprices,
Et que, pour récompense, on s'en vient de hauteur
Me traiter de faquin, de lâche, d'imposteur;

Je m'en vais réparer l'erreur que j'ai commise,
Et, dès ce même pas, rompre mon entreprise.
HIPPOLYTE, l'arrétant.

Hé! ne me traite pas si rigoureusement,

Et pardonne aux transports d'un premier mouvement!

MASCARILLE.

Non, non, laissez-moi faire ; il est en ma puissance
De détourner le coup qui si fort vous offense.

Vous ne vous plaindrez point de mes soins désormais;
Oui, vous aurez mon maître, et je vous le promets.

HIPPOLYTE.

Hé! mon pauvre garçon, que ta colère cesse !
J'ai mal jugé de toi, j'ai tort, je le confesse.
(Tirant sa bourse.)

Mais je veux réparer ma faute par ceci.
Pourrais-tu te résoudre à me quitter ainsi ?

MASCARILLE.

Non, je ne le saurais, quelque effort que je fasse : Mais votre promptitude est de mauvaise grâce. Apprenez qu'il n'est rien qui blesse un noble cœur Comme quand il peut voir qu'on le touche en l'honneur.

HIPPOLYTE.

Il est vrai, je t'ai dit de trop grosses injures:

Mais

que ces deux louis guérissent tes blessures.

MASCARILLE.

Hé! tout cela n'est rien: je suis tendre à ces coups.
Mais déjà je commence à perdre mon courroux :
Il faut de ses amis endurer quelque chose.

A

HIPPOLYTE.

Pourras-tu mettre à fin ce que je me propose?
Et crois-tu que l'effet de tes desseins hardis
Produise à mon amour le succès que tu dis?

MASCARILLE.

N'ayez point pour ce fait l'esprit sur des épines.
J'ai des ressorts tout prêts pour diverses machines;
Et quand ce stratagème à nos vœux manquerait,
Ce qu'il ne ferait pas, un autre le ferait.

HIPPOLYTE.

Crois qu'Hippolyte au moins ne sera pas ingrate.

MASCARILLE.

L'espérance du gain n'est pas ce qui me flatte.

HIPPOLYTE.

Ton maître te fait signe, et veut parler à toi :
Je te quitte; mais songe à bien agir pour moi.

SCÈNE XI.

LÉLIE, MASCARILLE.

LÉLIE.

Que diable fais-tu là? Tu me promets merveille;
Mais ta lenteur d'agir est pour moi sans pareille.
Sans que mon bon génie au-devant m'a poussé,
Déjà tout mon bonheur eût été renversé ;
C'était fait de mon bien, c'était fait de ma joie ;
D'un regret éternel je devenais la proie :
Bref, si je ne me fusse en ce lieu rencontré,

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