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noblesse, si indépendant naguère, fut gagné par les faveurs du pouvoir. Jacquelot de Boisrouvray accuse de servilité l'ordre de l'Eglise, qui « ne semble depuis plusieurs années venir aux Etats que pour décider entre la noblesse et le tiers sur le parti que l'un de ces deux corps prend le plus préjudiciable à la province ». Et, quant à la noblesse, elle est réduite à l'impuissance, pour n'avoir point su conserver « l'union, la fermeté et le désintéressement dont elle avait donné de si honorables preuves aux assemblées de SaintBrieuc, de Dinan et d'Ancenis ». Aussi l'opposition des Etats ne fut-elle que très molle; le « pied fourché » fut rétabli; et il fallut renoncer à l'espoir de faire abroger la mesure qui révoquait l'abonnement du franc-fief par les Etats. En un mot, les commissaires obtinrent gain de cause sur tous les points; les Etats consentirent à des dons « excessifs et sans mesure »; les intérêts de la province furent sacrifiés aux intérêts particuliers des députés.

Jacquelot du Boisrouvray, dans un dernier mémoire dont le début seul nous a été conservé, se montre aussi sévère pour les Etats de Saint-Brieuc, de 1724, qui, dit-il, portèrent un coup mortel aux intérêts de la Bretagne ils n'exemptèrent la province d'aucune taxe, et ne servirent qu'à satisfaire l'orgueil ou l'avarice de gens ambitieux. C'est à peine si l'on y comptait 300 gentilshommes indépendants, qui soutinrent les droits des Etats; dans les rangs de la noblesse figuraient « une infinité de membres véreux et gangrenés », qui se laissèrent gagner par la corruption des commissaires.

En appendice, M. de Closmadeuc donne des extraits de la correspondance de M. de Tressan, évêque de Nantes, président des Etats d'Ancenis et de Nantes. Cette correspondance, conservée aux Archives nationales (H 242), confirme les assertions de M. de Boisrouvray : elle nous révèle les intrigues des commissaires et leurs procédés de corruption. Non moins intéressants sont les extraits de la correspondance de l'intendant de Brou, qui, aux Etats de Saint-Brieuc, a joué le principal rôle. Le 28 novembre 1724, il adresse au gouvernement de véritables fiches policières sur les principaux membres de l'opposition, parmi lesquels se trouve précisément Jacquelot du Boisrouvray : l'intendant le dépeint comme un adversaire déterminé, mais trop prudent pour être vraiment dangereux (1). Henri SÉE.

(1)

Jacquelot de Boisrouvray, 45 ans est un braillard qui, quand il croit que les tracasseries qui se présentent ne tireront pas à conséquence pour une punition, s'y porte et crie plus haut que les autres, mais qui

P. DELARUE. Le clergé et le culte catholique en Bretagne pendant la Révolution. District de Dol. Documents inédits. Troisième partie: Communes rurales du canton de Dol, Rennes, Plihon et Hommay, 1906, 1 vol. de 246 pages.

Les années précédentes, nous avons rendu compte des deux premiers fascicules de cette intéressante publication, et nous avons dit tout le bien qu'il fallait en penser. M. Delarue continue à nous donner le résultat des recherches si consciencieuses qu'il a entreprises aux archives départementales et dans les archives communales. Il semble bien qu'aucun document important ne lui a échappé. Peut-être, pour les textes d'une importance secondaire, une simple analyse eût-elle été suffisante; mais M. Delarue, par excès de conscience, n'a voulu en sacrifier aucun. C'est toujours la commune qui forme le cadre de la publication; cette méthode présente certainement de grands avantages; mais nous continuons à penser qu'il eût été bon de grouper, au début du recueil, les documents d'un intérêt général, qui intéressent également toutes les communes du district de Dol.

Le présent fascicule concerne les communes rurales du canton de Dol. Dans ces communes, comme dans les autres parties du district, les documents montrent combien il a été difficile d'appliquer la Constitution civile du clergé. Presque partout les anciens prêtres se refusent à prêter serment à la Constitution, et il n'est pas aisé de les remplacer par des prêtres assermentés. Ceux-ci, d'ailleurs, sont souvent mal vus par la population, et les insermentés, qui continuent à résider dans les localités jusqu'aux approches de 1793, exercent une très grande influence sur les habitants. On comprend alors que l'administration révolutionnaire se soit décidée à supprimer un certain nombre de paroisses; c'est ainsi qu'on réunit à des paroisses voisines l'Abbaye sous Dol, Carfantain, Saint-Léonard, Saint-Marcan, Le Vivier, Vildé-la-Marine. Il apparaît très clairement aussi que la loi du 11 prairial an III, qui assurait la liberté des cultes, n'a en aucune façon apaisé les troubles religieux; bien au contraire. Les administrateurs de Dol, dans une lettre aux administrateurs du département, datée du 11 messidor

tremblera si on lui fait envisager quelque poursuite... Il n'a point d'affaires marquées, mais dans toutes les tenues d'Etats a toujours pris volontiers le parti des personnes les plus opiniâtres. Il n'a jamais été puni et s'est toujours comporté assez mal »>

an III, se plaignent que la liberté laissée aux insermentés cause une recrudescence de la chouannerie. Dans sa proclamation du 14 messidor an III, le représentant du peuple Grenot, arrête que les ministres des cultes devront déclarer qu'ils vivent soumis aux lois de la République, mais les autorise à faire « toutes les restrictions relatives aux opinions religieuses ». Aussi les insermentés reviennent-ils en grand nombre, et l'on en voit qui célèbrent publiquement le culte. Dès ce moment, le clergé constitutionnel perd toute autorité. En vain l'administration ordonne-t-elle de surveiller les agissements des insermentés, et en fait-elle arrêter un certain nombre; leur influence ne cesse de s'étendre; et c'est pourquoi plusieurs années s'écouleront encore avant que l'apaisement se fasse (1). Henri SÉE.

Rectification.

En étudiant ici même (Annales de juillet 1906) l'ouvrage de M. Christian Maréchal sur Lamennais et Victor Hugo, j'ai reproché à l'auteur de n'avoir ni connu ni cité les excellents livres de M. Ernest Dupuy sur V. Hugo. M. Maréchal m'a écrit fort obligeamment pour me faire remarquer qu'il mentionne à la page 58, note 2, le dernier ouvrage de M. Dupuy, La Jeunesse des Romantiques. Dont acte. Cette note m'avait en effet échappé, et j'ai grand plaisir à faire cette rectification de fait.

Gustave ALLAIS.

Inven

Documents relatifs à l'histoire de l'architecture française. taire des papiers manuscrits du cabinet de Robert de Cottes, premier architecte du Roi (1656-1735) et de Jules-Robert de Cottes (1683-1767), conservés à la Bibliothèque nationale, publ. par Pierre MARCEL. Paris, Champion, 1906, in-8°, XXX-268 pages.

Elève, puis collaborateur de Jules-Hardouin Mansart, auquel il succéda dans le titre et les fonctions de premier architecte du Roi, Robert de Cottes, descendant lui-même d'une famille d'architectes,

(1) A ce troisième fascicule sont jointes les tables des noms de prêtres des trois premiers fascicules.

travailla beaucoup moins pour les bâtiments royaux que pour de riches particuliers, des églises, des princes étrangers; c'est à lui qu'on doit les plans des évêchés de Châlons, de Verdun, de Strasbourg, c'est lui qui dirigea les travaux de reconstruction de la cathédrale d'Orléans, du palais de l'électeur de Cologne à Bonn, du Buen-Retiro de Madrid, du château de Rivoli, etc. Son œuvre attire surtout l'attention par les dispositions nouvelles qu'il introduisit dans la distribution intérieure des maisons d'habitation, par sa participation très directe à la création du style Régence, par ses innovations dans la décoration des pièces (c'est lui qui mit à la mode les glaces dans les salons et les boudoirs), par l'intéressant emploi qu'il fit du style gothique à la cathédrale d'Orléans et à la collégiale de Poissy. Ses papiers et ceux de son fils Jules-Robert, conservés dans sa famille jusqu'en 1811, furent alors achetés par l'Etat et versés à la Bibliothèque nationale, où l'on eut la malencontreuse idée de les disperser en plusieurs fragments dans chacun des départements des manuscrits, des estampes et des imprimés; aussi n'est-ce pas sans peine que, malgré l'aide que lui fournissait un ancien inventaire conservé maintenant au cabinet des estampes, M. Marcel a pu les retrouver et les identifier. Le répertoire qu'il nous en donne aujourd'hui est établi suivant quatre grandes divisions (Paris, provinces, étranger, divers), dans chacune desquelles sont groupées ensemble, suivant l'ordre chronologique, les pièces relatives à une même construction; sont exclus de cet inventaire les plans qui ne correspondent pas à un manuscrit, mais les érudits les trouveront répertoriées dans le portefeuille Ye 36 du cabinet des estampes. Chaque document est analysé d'une façon brève, mais précise, et l'auteur a toujours pris le soin d'y relever les noms de personnes et de lieux qui s'y trouvent cités. Une bonne table alphabétique (onomastique et topographique) complète cette publication; i est seulement permis de regretter qu'une table alphabétique des matières n'ait pas été ajoutée à ce volume, qui contient de précieux renseignements sur la technique des arts du bâtiment, l'emploi des matériaux de construction, les rapports des architectes avec les entrepreneurs et de ceux-ci avec leurs ouvriers, sans parler d'une foule de questions annexes dont Robert de Cottes eut maintes fois à s'occuper. C'est ainsi, par exemple, que les 14 premiers numéros sont des pièces relatives à l'union des collèges de Tréguier et de Cambrai au collège de France et au logement des imprimeurs royaux dans ce dernier établissement.

Les nos 467 et 468 doivent particulièrement retenir notre attention : le premier est une lettre par laquelle M. de Guersans, conseiller au Parlement de Bretagne (Rennes, 19 janvier 1716), demande l'avis de Robert de Cottes et de l'Académie sur les plans dressés par les architectes Huguet et Gerbier pour la reconstruction de l'église paroissiale des Toussaints, à Rennes; le second, une lettre écrite par Gerbier (Rennes, 24 janvier 1716), expose à l'architecte du Roi l'économie de son projet et attaque violemment celui de son confrère Huguet, à qui il reproche ses mauvais procédés et son indélicatesse; deux plans, une vue de la façade et une coupe au crayon sont joints à la première de ces deux lettres. En note, M. Marcel déclare que Gerbier lui est totalement inconnu et il incline à identifier Huguet avec l'auteur des tours de la cathédrale de Rennes. Quelques recherches m'ont permis de compléter ces données, et je ne crois pas inutile d'en donner ici le résultat.

Dans son Répertoire général de bio-bibliographie bretonne (t. XV, p. 463, no 840), M. René Kerviler signale François Gerbier de Vologé, architecte et entrepreneur de travaux, connu par des documents des années 1707-1727, et il lui reconnaît trois enfants, dont deux furent avocats et le troisième, René-François Gerbier, s de Forges, architecte et entrepreneur, comme son père; l'un des deux avocats, J.-B. Gerbier de Vologé, fut le père du célèbre Pierre-Jean-Baptiste Gerbier, s de la Massillays, bâtonnier des avocats au Parlement de Paris. De fait, les comptes du Palais de Justice de Rennes, conservés aux Archives d'Ille-et-Vilaine (série B), nous montrent J.-B. (?) Gerbier héritant de Le Cas, en 1716, les fonctions d'architecte et de « commis à la gestion des deniers destinés à l'entretien du Palais » et la situation d'adjudicataire des grosses réparations de ce Palais, à raison de 1,055 1. par an; selon les mêmes comptes, Gerbier construisit l'escalier conduisant au greffe de la Grand'Chambre et dirigea les travaux exécutés après l'incendie de 1720, mais, tout en conservant le titre et les fonctions d'architecte du Palais, il fut remplacé le 30 décembre 1722 comme adjudicataire des réparations par Joseph Mainguy. Aux honoraires que lui procurait son cabinet, il ajoutait les profits que rapportaient les entreprises de travaux publics, et il se rendait adjudicataire en 1708 des travaux des routes de Rennes à Nantes et à Ancenis (Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine. C 2350). Son fils, indifféremment nommé Gerbier fils, François Gerbier ou Gerbier de Forges, lui succéda dans l'emploi d'architecte du Palais, aux appointements de 200 1. par an, fort irrégulièrement

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