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dans d'autres diocèses. La question des cryptes et des confessions est très peu connue de nos architectes; c'est pourquoi ils n'ont pas fait d'objection. L'archéologie religieuse fait tous les jours des progrès, elle sera bientôt assez armée pour démontrer qu'il y a eu là une grosse erreur et que les travaux de restauration n'auraient pas dù être entrepris avant que la critique eût fixé exactement le programme à suivre.

En résumé, les fouilles n'ont fait ressortir que deux choses: la diminution du transept de 815 et la juxtaposition ou la superposition de deux nefs. Ce n'est pas assez. Le résultat des recherches eût été bien autrement satisfaisant si le R. P. était allé du connu à l'inconnu et s'il avait comparé avec les parties datées celles qui demeurent mystérieuses à raison de la hardiesse des constructeurs.

Léon MAÎTRE.

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Essai sur le Porhoët: le comté,

Vicomte HERVÉ DU HALGOUET. sa capitale, ses seigneurs, Paris, Honoré Champion, 1906, 1 vol. in-8°, de 285 pages.

L'auteur étudie d'abord les origines assez obscures du comté de Porhoët, l'ancien Pontrecoët, qui, longtemps désert, couvert sans doute par une immense forêt, ne fut que lentement défriché. Il s'efforce d'établir que les comtes de Porhoët sont issus des comtes de Rennes; mais ce n'est qu'une hypothèse. Le seul fait certain, c'est que, vers 1008, Guéthenoc nous apparaît comme vicomte de Porhoët et que ce personnage fonde bientôt, sur les bords de l'Oust, le château, auquel son successeur, Josselin Ier, donnera son nom. M. du Halgouët raconte l'histoire de cette dynastie, montre comment, en 1120, le comté fut démembré par l'apanage donné à Alain, et qui devint la vicomté de Rohan. Avec Eudon III, qui meurt en 1231, le comté tombe en quenouille. En 1370, par voie d'échange, Olivier de Clisson en fait l'acquisition et sa fille Béatrix l'apporte aux Rohan, qui en sont restés les seigneurs jusqu'à la fin de l'Ancien Régime.

Suit une description assez précise de l'organisation ecclésiastique, judiciaire et administrative du comté pendant le Moyen-Age. Mais l'auteur ne s'est guère préoccupé d'étudier la vie économique et sociale de cette région. Il se contente d'analyser l'usement de

Porhoët; mais il semble croire que cet usement n'était pas plus étendu au XVe siècle qu'au XVIII°; or nous savons qu'il s'exerçait, à cette époque, sur 50 paroisses (1).

M. du Halgouët raconte ensuite l'histoire de la maison de Rohan, mais sans ajouter rien de bien nouveau à ce que l'on savait déjà. Il montre que les Rohan, convertis au calvinisme, essaient d'introduire la nouvelle religion dans leur seigneurie; il croit pouvoir affirmer que leur propagande a en grande partie échoué; mais l'on eût désiré une étude plus précise, plus approfondie de cette intéressante question.

Avec Marguerite de Rohan, qui, en 1645, épouse Henry Chabot, la maison de Rohan redevient catholique. Et alors, nous dit M. du Halgouët, commence pour le comté de Porhoët une « ère de paix et de prospérité ». Mais cette prospérité a-t-elle été si grande qu'il le pense? Ici, il se contente trop souvent d'affirmations sans preuves. Il nous déclare que « grâce aux encouragements des gentilshommes campagnards, un grand progrès se réalisa dans la culture », mais il ne cite aucun fait à l'appui de son dire. Il affirme que « la suzeraineté protectrice des ducs de Rohan n'avait jamais pesé aux habitants des campagnes et de la ville ». Il semble croire que les paysans étaient pleinement satisfaits de leur sort; son opinion se serait sans doute modifiée, s'il avait consulté aux Archives du Morbihan, les cahiers de paroisses de la sénéchaussée de Ploërmel. - Il est d'ailleurs regrettable que, pour toute cette période du XVII et du XVIIIe siècle, l'auteur n'ait pas utilisé davantage les documents d'archives; il eût pu alors nous décrire, avec beaucoup plus de précision qu'il ne l'a fait, l'organisation administrative. du Porhoët (2).

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L'ouvrage se termine par l'histoire du Porhoët pendant l'époque révolutionnaire. Il montre que la Constitution civile du clergé a été la cause directe de la chouannerie; puis il décrit les principaux épisodes de la guerre civile dans la région de Josselin. Il a consulté pour cette étude des documents d'archives (notamment les archives municipales de Josselin), mais il se sert surtout du récent ouvrage

(1) D'après un aveu de 1471. M. du Halgouët ne cite pas et ne semble pas avoir consulté une étude intéressante de G. d'Espinay (Note sur l'usement de Porhoët, dans la Nouvelle Revue historique du droit français et étranger, an. 1902); il ne cite pas non plus Elie de la Primaudaye, Observations sur le comté de la Primaudaye, 1765.

(2) M. du Halgouët a bien consulté le Terrier de Bretagne, aux Archives Nationales, mais l'étude qu'il en a faite nous semble assez superficielle.

de P. Bliard, Prieur de la Marne en mission de l'Ouest. Son récit eut gagné certainement à être écrit avec plus d'impartialité et de modération. On trouvera cependant dans ce chapitre des détails intéressants sur la ville de Josselin, qui resta constamment aux mains des républicains, et dont l'approvisionnement fut particulièrement difficile en l'an II. C'est aussi dans le château de Josselin que furent enlassés les prisonniers, suspects de complicité avec les chouans. M. du Halgouët mentionne, dans les Archives de Josselin, de nombreuses liasses relatives aux ventes de biens nationaux; on regrettera qu'il n'en ait pas tenté l'étude (1).

Henri SÉE.

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Mémoires du colonel Dufour, de Saint-Coulomb (Ille-et-Vilaine), publiés par P. DELARUE, avec une Notice biographique sur Dufour et le récit des aventures du baron de Cormatin, Saint-Servan, 56 pages.

Ces mémoires, édités et annotés avec beaucoup de soin par M. Delarue, offrent un réel intérêt (2). En effet, Dufour, après avoir servi sous les ordres du marquis de la Rouerie, a été, pendant la Chouannerie, chargé de la correspondance des princes français avec les troupes royalistes de Bretagne. C'est en septembre 1793 qu'il a commencé ce service « infiniment pénible, actif et dangereux ». Dufour explique dans quelles conditions très difficiles se faisait cette correspondance (3); il accomplit 32 voyages en Angleterre, risquant à tout moment sa vie; dans une de ces traversées, il ramena en France 93 jeunes gens et se chargea pour le quartier général des royalistes d'importantes munitions, de 50 millions d'assignats, de 192,000 francs en or.

(1) Parmi les Pièces justificatives que publie M. du Halgouët, citons une Liste des prêtres réfractaires du district de Josselin, datée du 23 juin 1792, le Procès-Verbal de la visite faite par le chirurgien Chandor à la maison d'arrêt de Josselin, du 20 juin 1794, dans lequel ce médecin constate les conditions déplorables d'hygiène auxquelles sont soumis les prisonniers, et enfin une liste des détenus, non datée, mais qui a été écrite sans doule en 1794. L'ouvrage est accompagné d'une carte du Porhoët.

(2) Notons cependant que Dufour, semble-t-il, les rédigea longtemps après les événements, en 1852. Il mourut seulement en 1856.

(3) Les principaux points de correspondance furent le Clos-Poulet, SaintBriac, Saint-Quay, Le Légué,

Lorsque des négociations s'engagèrent entre Hoche et les royalistes, ce fut Dufour qui prépara la conférence de la Prévalaye. A la Pentecôte de 1795, il fut arrêté à Rennes avec Cormatin; les prisonniers, après 58 jours de cachot à l'île Pelée, furent transférés à Paris et passèrent en jugement. Dufour ne nous dit rien du procès; mais M. Delarue a eu l'heureuse idée de rechercher aux Archives nationales le dossier du procès (1). Cormatin était accusé de n'avoir rien fait pour pacifier la Bretagne et d'avoir continué à intriguer pour le compte du parti royaliste. Cormatin fut condammé à la déportation, mais, en réalité, fut détenu à Cherbourg, puis libéré en l'an XI. Quant à Dufour, il ne subit que six mois de détention. Immédiatement après, nous raconte-t-il, il reprit le service de la correspondance, avec le grade de chef des divisions de Dol et du Clos-Poulet. La chouannerie terminée, il demanda à prendre du service dans l'armée de Napoléon; nommé garde-magasin de l'intendance en Espagne, il ne revint en France qu'en 1814. comment, à la Restauration, malgré ses services, il fut d'abord éconduit par la Commission chargée de fixer le sort des anciens officiers de l'armée royaliste; à grand peine put-il obtenir 600 francs de pension.

Il raconte

Henri SÉE.

E. HERPIN. Mahé de La Bourdonnais et la Compagnie des Indes, Saint-Brieuc, imprimerie Prudhomme, 1 vol. in-8° de 265 pages.

L'auteur, tout en racontant la vie de La Bourdonnais, n'a pu résister à la tentation de suivre l'histoire de la Compagnie des Indes depuis ses origines jusqu'à sa disparition. Bien qu'il ait recueilli çà et là, dans les Archives de Saint-Malo, des renseignements intéressants sur la Compagnie (2), il eut mieux fait, pensons-nous, de se borner à étudier la biographie de son héros. On reprochera aussi à son livre d'être moins une étude scientifique qu'une apologie de La Bourdonnais. La documentation laisse tout à fait à désirer; M. Herpin n'a consulté que d'une façon très superficielle les Archives des Colonies; s'il a étudié le procès de La Bourdonnais, il ne l'a pas fait avec une précision suffisante; enfin il ne semble pas connaître

(1) Voy. aux Arch. Nat. F 6237, dossier 6885.

(2) Voy. notamment le chapitre intitulé La Compagnie des Indes aux mains des Malouins.

l'excellente thèse de M. Cultru sur Dupleix, qui a paru en 1901 (1). et qui contient un chapitre très remarquable sur la querelle entre Dupleix et La Bourdonnais.

Les meilleures pages du livre sont celles qui ont trait aux débuts de la carrière de La Bourdonnais; dès l'enfance, il commence à naviguer; très jeune encore, il voyage aux Indes et il y fait rapidement fortune. C'est avant tout un aventurier, un homme d'affaires. En 1734, il est nommé gouverneur de l'Ile de France et de Bourbon. M. Herpin nous donne des détails intéressants sur son activité colonisatrice, et il semble que son administration ait grandement contribué à mettre en valeur les deux îles (2). En 1741, La Bourdonnais fut envoyé par Orry aux Indes avec une escadre il commandait 5 vaisseaux de la Compagnie, montés par 1,200 marins et 500 soldats. La même année, il délivra Mahé, attaqué par les Naïres. Mais il était surtout impatient de profiter de la guerre qui allait éclater avec l'Angleterre pour ruiner le commerce des Anglais. La Compagnie, au contraire, désirait la neutralité; elle lui intima l'ordre de renvoyer son escadre.

Cependant la guerre éclate; une flotte est envoyée de nouveau dans les Indes, et La Bourdonnais en reçoit le commandement suprême. Mais, sur terre, il doit se conformer aux ordres du gouverneur et du conseil de Pondichéry. C'est alors que commence sa querelle avec Dupleix. M. Herpin donne tous les torts à Dupleix. Mais une étude plus attentive des documents aurait sans doute modifié son opinion (3). Si, en 1746, l'expédition de Madras fut si longtemps différée, la faute n'en est-elle pas à La Bourdonnais ? Enfin l'attaque a lieu. Dupleix, comme La Bourdonnais, n'avait d'abord songé qu'à rançonner la place; mais, les Français ayant reçu des renforts, il change d'avis, il pense qu'il faut garder la ville, la mettre à sac méthodiquement et démanteler la place. Mais La Bourdonnais s'est hâté de signer la capitulation, portant que la ville sera rendue moyennant une rançon de 1 million de pagodes (9 mil lions et demi de francs). Désavoué par le Conseil de Pondichéry,

(1) Dupleix, ses plans politiques, sa disgrâce. En ce qui concerne les rapports de La Bourdonnais et de Dupleix, il eût trouvé aussi d'utiles renseignements dans le Journal d'Anandarangappoulé, traduit par J. Vinson, Paris, 1893.

(2) M. Herpin a consulté les Archives de Bourbon et de l'Ile de France. La question mériterait, semble-t-il, une étude approfondie.

(3) Cf. Cultru, op. cit., pp. 197 et sqq.

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