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le jour de la mort du saint, une voix d'en haut appelle par trois fois «Machu », un aveugle qui touche le brancard funéraire recouvre la vue. Viennent ensuite ces mots : « ad cujus >> sepulcrum innumerabilia tam visibiliter quam invisibiliter, » populis illic fideliter orantibus, beneficia, Domino coope>> rante, praestantur: multorum ibidem linguae solvantur, >> caecorum tenebrae illuminantur, surdorum auditus inte» gratur, debilium et infirmorum aegritudines curantur et » ceterae curationis gratiae innumerabiliter praestantur, quae >> per omnia enumerare longum est. >>

Il semble donc que l'auteur, découragé par leur nombre même, renonce à rapporter les miracles accomplis à Saintes au tombeau de Machutus. Pourquoi donc y revient-il au début du livre II? Pourquoi de cet amas de prodiges ne retient-il que quatre miracles qui ne sortent pas de l'ordinaire (1) ?

Le passage que je viens de reproduire doit être rapproché de la fin du chap. XXXI de F dont il n'est que la paraphrase: «... inibi utique ubi eum insepeliverat extra muros Sancto» nicae urbis. Ubi extunc et de caetero tot et tanta Divinitatis >> omnipotentia ostendit declaratque miracula quanta nec >> hominum memoria nec scriptorum valet compraehendere » industria vel sollertia. »

Or F ajoute «Non solum autem illic verum ubicumque >> alias vel sacrarum reliquiarum ejus presentia sive eccle>> siarum altariumve fuerint monumenta, ibi profecto affec>> tuose orantibus presto adest divina clementia, ut in omnibus passim cordibus fidelium sanctitatis ejus praesentiam » experientium, praecordiali intentione vel jugi devotione, >> maneat semper laus, memoria et glorificatio tanti confes>> soris omnibus se invocantibus potentissime et piissime » suffragantis. »>

absolument pas ce qu'il vient faire là. Je suppose que, en terminant, l'au⚫teur s'est aperçu qu'il avait oublié au chap. 92 de parler des accusations infamantes qui avaient obligé Machutus à fuir la Bretagne armoricaine. Il en dit alors un mot suivi aussitôt du récit du châtiment du coupable. (1) Bili, au début du 1. II, semble avoir prévu l'objection: « Igitur quia » de orlu atque infantia vitaque S. Machutis pauca brevi relatu congregare studuimus, iterum minima de maximis facta constringere conabimur ».

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Il n'est nullement nécessaire que l'auteur de ces lignes ait eu en vue d'autres églises dédiées à saint Macoux ou en possession d'une partie de ses reliques que celles de l'Aquitaine (1) où le culte du saint fut, on l'a vu (2), très répandu. Mais Bili a pu se l'imaginer. Je crois qu'il s'est inspiré de cette fin et s'en est autorisé pour semer de nouveaux miracles non seulement en Saintonge mais en Bretagne, et qu'elle a provoqué indirectement l'invention de la soi-disant translation de Roiantworet (3). Pour corser un peu ce livre II, dont l'étendue est très inférieure à celle du livre Ier, Bili a repris et développé les miracles simplement indiqués à la fin de F. Ainsi s'explique, à mon avis, la singularité que présentent les chap. 1 à 4 du livre II. Il ne me semble donc pas que, mème pour la partie saintongeaise, Bili ait eu recours à une autre source écrite que F ou un parent de F.

Notre conclusion c'est que, en dehors des endroits où il concorde pour le fonds avec F, il n'y a rien de sûr à tirer de Bili.

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(1) C'est à quoi n'a pas pensé M. de la Borderie (loc. cit., p. 294: tir. à part, p. 158) quand il a argué de ce passage pour prétendre que F faisait ici allusion au transport des reliques de Machutus de Saintonge en Bretagne, et avait été composé au XIe siècle alors que les reliques du saint n'étaient plus à Saintes ». Mais la phrase non solum illic n'implique pas que, dans la pensée de F, le corps de Machutus a cessé de reposer à Saintes, mais que des portions plus ou moins importantes, se trouvent également ailleurs. F qui, nous allons le voir, est un Alétien, s'il avait eu connaissance d'une translation de Saintes à Alet, n'eut pas manqué de signaler un fait aussi capital.

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M. de la Borderie tire également de cette phrase la conclusion que A est antérieure à F car il se termine simplement ainsi : « postmodum vero >> tanta meritis sancti Machlovi gessit ibidem Dominus mirabilia quanta »> nec lingua valet narrare nec membrana continere. Multiplicibus ac frequentibus ipsius sancti intercessionibus subveniat nobis in omnibus omnipotens Dominus cunctisque sancti preconia celebrantibus, qui vivit et regnat in trinitate et unitate Deus per inmarcessibilia seculorum secula. » Amen. » M. de la Borderie ne s'était pas rendu compte que 4 est un abréviateur et aussi un remanieur qui s'efforce de démarquer constamment son modèle. Sur son procédé, cf. plus haut, p. 708.

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(2) Voy. plus haut, p. 751-752.

(3) Bili qui soutient que les plus précieuses parties du corps saint ont été reportées en Bretagne par Roiantworet ne pouvait, cela va de soi, reproduire F: son imitation s'arrête brusquement ici.

L'ouvrage dont il s'est inspiré, le premier auteur (prior) auquel il renvoie dans sa dédicace, c'est F. Dans le prologue qui fait suite (§ 13), il déclare que l'autre sage » (alius sapiens), lequel n'a pas mis son nom (nomen ejus in fronte tituli non invenimus), a vécu longtemps avant lui (longo tempore antequam nos orti fuissemus). Nous allons voir bientôt si cette assertion est justifiée ou si elle n'a d'autre but que de vieillir l'autorité de la source dont il usait si librement, « pour la préserver, dit-il plaisamment (§ 7 et 14), des altérations d'un grand nombre d'ignorants. >>

(A suivre).

COMPTES RENDUS

Camille VALLAUX, Penmarch aux XVIe et XVIIe siècles, Paris, publications de la Société nouvelle de librairie et d'édition, in-8o, 42 pages, 1 carte.

Cette thèse complémentaire de doctorat comprend deux parties très distinctes; dans la première, M. Vallaux prétend qu'une légende croit à l'existence ancienne, dans la presqu'île de Penmarch, d'une grosse agglomération urbaine, née de la pêche et du commerce, et il s'efforce de démontrer que cette grosse agglomération n'a jamais existé; dans la seconde, il se propose de donner le « tableau complet des pêcheries et du mouvement du centre commercial de Penmarch ». A-t-il atteint son but? Sa première partie me paraît contestable et par suite inutile; sa seconde quelque peu insuffisante.

Pour justifier sans doute l'intérêt de cette première partie, M. Vallaux a donné à la légende une importance et une ancienneté qu'elle n'a pas. Il en a imaginé la genèse (p. 1-11) et les auteurs responsables, selon lui, en seraient le chanoine Moreau, dans son Histoire des guerres de la Ligue en Bretagne, Bertrand d'Argentré, dom Lobineau, dom Taillandier dans leurs Histoires de Bretagne, Ogée dans son Dictionnaire de Bretagne, Cambry dans son Voyay' dans le Finistère en 1794, Fréminville dans ses Antiquités du Finistère et Souvestre dans son édition du Voyage de Cambry. Je ne suis nullement convaincu que cette légende se soit formée comme il l'affirme; je crois plutôt qu'il a mal interprété les historiens qu'il cite et dont les témoignages prouvent précisément le contraire de ce qu'il veut leur faire dire. Le chanoine Moreau, le premier incriminé, loin de croire à l'existence d'une ancienne ville de Penmarch, écrit que « les habitans de Penmarch... pour se... defendre contre la Fontenelle... font deux forts audit Penmarch, l'un en l'église de Tréoultré, l'autre à Kérity... »; dom Lobineau parle du « pays de Penmarch »; pour dom Taillandier et M. Vallaux ne peut s'empêcher de le remarquer Penmarch est un « bourg... composé en quantité de hameaux de soirante ou quatre-vingts maisons, qui ne sont distants

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les uns des autres que de la portée de l'arquebuse »; Ogée parle du a territoire de Penmarch »; Cambry n'assimile pas Penmarch à la ville d'Is, il rappelle simplement qu'une tradition locale voit dans les ruines de Penmarch » celles de la ville d'Is, et cette tradition l'auteur d'un Tableau... géographique... des costes de Bretagne (1) l'avait signalée dès 1753; Cambry ne considère pas ces ruines comme des « vestiges de la grande ville » (p. 20), il observe seulement et avec raison qu'elles « annoncent une très grande population ». Les témoignages de ces auteurs ne s'appliquent donc nullement à une « grosse agglomération urbaine »; ils disent le pays, le territoire de Penmarch et non la ville de Penmarch; quand ils disent Penmarch tout court, ce mot chez eux désigne M. Vallaux lui-même note (p. 11) ce sens fréquent au XVIIe siècle - « d'une manière un peu indéterminée soit toute la presqu'île, soit la lisière maritime et surtout ses ports »; et si M. Vallaux avait complété sa citation de dom Taillandier, il eût remarqué que pour celui-ci les 5,000 victimes de la Fontenelle étaient 5,000 paysans. Seuls de tous les auteurs qu'invoque M. Vallaux, Fréminville et Souvestre, les plus récents - leurs livres datent de 1835 et de 1836 et les moins sûrs, ont réellement parlé d'une ancienne ville de Penmarch « très populeuse, autrefois aussi considérable que Nantes ».

Il n'était pas besoin de s'appuyer sur « les destinées politiques » et sur « l'instabilité des chefs-lieux de Penmarch » pour démontrer qu'une ville populeuse n'a pu s'y établir et d'avancer qu'aucun mouvement positif, capable de provoquer la ruine de cette ville hypothétique, n'a eu lieu sur la côte. Il suffisait de montrer que Fréminville avait, en l'exagérant et en transformant un «petit terrain » en grande ville, presque littéralement copié l'article du Dictionnaire d'Expilly (2). S'il y a une légende, cette légende ne repose que sur une erreur de Fréminville et Souvestre ne l'a guère répandue que dans la littérature; elle ne méritait pas la peine que M. Vallaux s'est donnée pour la détruire.

En revanche la deuxième partie méritait mieux qu'une dizaine de pages (14 sur 34). C'est sur le « tableau complet des pêcheries et du mouvement du centre commercial de Penmarch », que M. Vallaux aurait dù faire porter tout son effort. Si la prospérité passée d'une prétendue grande ville de Penmarch est improbable, celle du pays

(1) Arch. de la Marine, G 154, p. 63.

(2) Expilly, Dictionnaire géographique... des Gaules..., t. V, article Penmarch.

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