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NOTICE

SUR LES LIMITES DE LA NORMANDIE ET DE LA PICARDIE, DU CÔTÉ DE LA BRESLE,

PAR M. FERNEL PERE, MEMbre titulaire nON RÉSIDANT,

Lue dans l'assemblée générale du 8 juillet 1838.

Le pays des Calètes, avant la domination romaine, faisait partie de la Gaule-Belgique, et s'étendait depuis l'embouchure de la Seine, à l'endroit où se trouve maintenant la ville du Havre, jusqu'à la Somme, en allant en pointe vers l'embouchure de ce fleuve (Augustin Thierry, Histoire des Gaulois).

Les rois francs de la première race démembrèrent cette cité, et formèrent, de la partie nord-ouest, à peu près à partir du Dun, le pagus Tellau, Tellao, comté de Talou, Talogiensis comitatus, pagus (1).

Ce pays ou comté prit son nom de la rivière alors nommée Tala Tole (2), ensuite la Dieppe, sous les premiers ducs de Normandie; enfin la Béthune, qui prend sa source un peu au-delà de Gaillefontaine, passe à Neufchâtel (l'ancienne Driancuria, Driencuria ) (3), et se jette dans la mer à Dieppe. Le Talou s'étendait donc sur le territoire qui, depuis, porta le nom de Picardie.

On lit, en effet, dans les plus anciens titres, les noms des villages suivants, désignés comme fais ant partie du pays ou comté de Talou :

Agusta (Aouste) situé du côté de la Bresle, appartenant maintenant à la Picardie. Taunacum (Etotone), Offiniacus

(1) Capitulaires des rois de France. Diplômes de Charles-leChauve. — Baluze. — Auguste Le Prévôt, anciennes divisions territoriales de la Normandie.

(2) La chronique de St.-Vandrille s'exprime ainsi : Ulmirum et Varinnam Fiscos duos qui sunt in pago Tellau, juxta fluvios Tellas et Varinnam.

Varenne ancien fief, est situé sur le côté droit de la rivière de Varenne. Omoi ou Ormoi, le premier par contraction du deuxième, en latin Ulmirus, se trouve sur la rive droite de la Tale, depuis la Béthune, en sorte que ces deux paroisses ou communes sont placées entre ces deux rivières et à peu de distance l'une de l'autre. (Arrondissement de Neufchâtel).

(3) Cartulaire de l'abbaye de Ste.-Catherine-du-Mont (an 1030), sentence rendue à Drincourt ( an 1136). (Ces deux titres aux archives de Rouen ).

(Offignies), ces deux villages dépendant aussi de la Picar

die (1).

Lors de l'établissement de Rollon en Neustrie, sur la partie qui prit des hommes du Nord le nom de Normandie, il semble, d'après le traité de Saint-Clair-sur-Epte, entre lui et Charles-le-Simple (912), que la limite du territoire concédé, du côté de la Picardie, fût la rivière Auga (la Bresle, nom qui paraît plus ancien), mais ce traité n'est pas reconnu par tous les savants, tel qu'on l'a donné.

D'un autre côté, les premiers ducs de Normandie supprimèrent le comté de Talou, et établirent ceux d'Eu, d'Aumale et de Gournay en faveur de leurs principaux compagnons d'armes ou généraux.

Il est certain que la Normandie s'étendait, sous ses premiers ducs, au-delà de la Bresle, ce qui dura jusqu'à la révolution de 1789 : Beaucamp-le-Vieux, la Boissière entraient dans le gouvernement de Normandie. La Frénoye, Orival, Montmarquet, Gauville, Morvilliers-Saint-Saturnin (communes faisant aujourd'hui partie du département de la Somme), dépendaient de l'archidiaconé d'Eu, du Doyenné d'Aumale, du gouvernement de Normandie, du parlement, de la chambre des comptes et de la cour des aides de Rouen, du bailliage de Caux et de la vicomté de Neufchâtel (2).

Des titres du milieu du XII° siècle et du commencement

(1) Archives de Rouen. - Chambre des comptes. - Dom Duplessis, Description géographique et historique de la Haute-Normandie.

(2) Dom Duplessis, Description géographique et historique de la Haute-Normandie, aux noms ci-dessus désignés. - Bailliage de Neufchâtel, aux archives de Rouen.

du XIII, constatent que ces paroisses dépendaient antérieurement de la Normandie (1).

Il en était de même pour les paroisses suivantes, situées au-delà de la Bresle et sur le territoire de la Picardie: Fourcigny, Val-de-Lahaie ou Quincampoix, Ecle, Fouilloy, Gourcelle, Lannoi et Frétencourt, qui, depuis la révolution de 1789, font partie du département de l'Oise (2).

Sur la route de Rouen à Amiens, les limites de la Normandie étaient indiquées par un poteau placé dans le dernier petit vallon venant de Fourcigny, passant à trois ou quatre portées de fusil de Lignières-Châtelain et allant vers Orival.

Toutes ces paroisses dépendaient du diocèse de Rouen, moins Beaucamp-le-Vieux et la Boissière qui, seulement, dépendaient du gouvernement de Normandie. Ce diocèse fut formé vers le milieu du III° siècle, ainsi que celui de Juliobona (Lillebonne); ils furent comme les autres, pour ainsi dire, moulés sur les cités gauloises. Ils n'ont guères varié d'étendue depuis leur établissement.

on

Celui de Juliobona eut un évêque comme celui de Rotomagus (Rouen), quoiqu'on n'en connaisse que très-peu, sait cependant que Betto, évêque de Juliobona, souscrivit au concile de Châlons-sur-Saône, en 644, sous le règne de Clovis II (3); on sait encore que Saint-Ouen, qui ne monta sur le siége épiscopal de Rouen, qu'en 646, remplit les fonc

(1) Archives de la chambre des comptes, aux archives de Rouen. — Dom Duplessis, ci-devant cité, aux noms ci-dessus déclinés.

(2) Dictionnaire ou plutôt Description géographique et historique de la Haute-Normandie, aux noms ci-dessus déclinés.

(3) Histoire des conciles et Dom Duplessis.

tions épiscopales à Lillebonne; ce fut le dernier évêque de ce pays dont les documents et l'histoire parlent, en sorte qu'il gouvernait les deux évêchés: on a lieu de croire que sous Saint-Ouen, le pays de Caux fut annexé au diocèse de Rouen.

Il faut conclure de tous ces faits, que le pays des Calètes, Pagus Caleticus, Caletausis, s'étendait, avant la domination romaine, jusqu'à la Somme, se terminant en pointe de ce côté vers l'embouchure; que le comté de Talou, formé par les Francs, s'étendit jusqu'à ce point, ou au moins, jusques et y compris le territoire d'Offignies ; enfin, que la Normandie, loin d'être délimitée, du côté de la Picardie, par la Bresle, l'était par une ligne renfermant les communes ciaprès, et leurs dépendances: Beaucamp-le-Vieux, Beaucamp-le-Jeune, La Boissière, Orival, Montmarquet, Gauville, Morvilliers-Saint-Saturnin, Fourcigny, Ecle, Fouilloy, Gourcelle, Rotois, Lannoi et Frétencourt, et renfermant encore les autres communes situées entre la Bresle et la ligne que l'on vient de décrire.

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