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la délibération émanée de la Cour royale, en admettant même que oet acte ne pût se justifier ni en fait, ni en droit, ce n'était pas au tribunal d'Orléans qu'il appartenait de le critiquer, dans une délibération prise après rapport d'une commission nommée à cet effet, et enfin consignée sur ses registres.

<< Il n'y a que deux pouvoirs en France qui puissent, aux termes des lois et décrets, réformer ou annuler, chacun dans le cercle de ses attributions, les délibérations des Cours et tribunaux ayant pour objet l'action disciplinaire ou l'administration de la justice ces deux pouvoirs sont le ministre de la justice et la Cour de cassation.

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S'agit-il d'une décision disciplinaire prise contre un magistrat qui a compromis la dignité de son caractère, elle ne peut être mise à exécution qu'après avoir été approuvée par le ministre de la justice (L. du 20 avril 1810, art. 56). Tout pourvoi en cassation est interdit aux parties intéressées contre ces décisions, qui ne sont ni des arrêts, ni des jugements (Cass. 6 août 1838.)

« S'agit-il d'une délibération intérieure prise par les Cours et tribunaux pour l'administration de la justice, et particulièrement de la délibération intervenue dans une assemblée à huis clos des chambres réunies d'une Cour royale, en conformité de l'art. 8 de la loi du 20 avril 1810; cette délibération est encore un acte en soi dénué du caractère de jugement proprement dit, et qui n'est pas susceptible de recours devant la Cour de cassation, à laquelle il ne saurait être déféré que de l'ordre exprès du gouvernement par le procureur général du roi, aux termes de l'art. 80 de la loi du 27 vent. an 8, pour en demander l'annulation, si l'on pensait qu'il renferme un excès de pouvoir. (Cass. 25 juin 1838.)

« Le tribunal d'Orléans, en se faisant en quelque sorte justice à luimême, en critiquant dans une délibération consignée sur ses registres celle de la Cour royale, a fait évidemment l'office du ministre de la justice et de la Cour de cassation. Il a entrepris sur leurs attributions en même temps qu'il blessait tous ses devoirs hiérarchiques.

« 2o L'excès de pouvoir existe encore sous un autre rapport. En effet, la délibération dénoncée renferme une véritable protestation contre l'exercice d'un droit que les dispositions combinées des lois organiques confèrent aux Cours royales et que le ministre de la justice leur a toujours reconnu.

<< Avant la loi du 20 avril 18/0, on pensait déjà que la surveillance des Cours ne pouvait être purement passive, et qu'elle impliquait nécessairement le droit d'avertir, d'adresser des observations par lettres missives. Cette loi, bien loin d'affaiblir l'autorité des Cours royales, est venue y ajouter en leur conférant un droit de censure (art. 54), un droit de discipline (art. 51).

« Ce que les Cours pouvaient faire par la seule force du principe posé dans le sénatus-consulte de l'an 10, elles le peuvent encore à plus juste titre sous l'empire de la loi de 1810, qui a si largement développé ce principe. L'art. 8 de cette loi veut que les abus soient signalés, que des réquisitions soient prises, et que des arrêts interviennent. Le droit de réprimande, d'injonction, appartient aujourd'hui aux Cours royales, comme complément de leur pouvoir disciplinaire. Elles ont, en outre, conservé le droit d'avertir, d'inviter, d'adresser des observations, et elles sont spécialement appelées à en faire usage à la suite du rapport

que doit leur présenter, chaque année, le procureur général sur l'administration de la justice dans leur ressort.

« Le tribunal d'Orléans a évidemment fait confusion entre l'action disciplinaire qui découle du principe posé dans l'art. 83 du sénatusconsulte de l'an 10, et le droit de signaler, les abus qui peuvent s'être glissés dans l'administration de la justice, droit qui découle aussi du même principe.

« Les art. 50 et suivants de la loi de 1810 ont pour objet spécial l'action disciplinaire; l'art. 8 a particulièrement en vue l'ensemble des faits qui constituent la bonne ou la mauvaise adininistration de la justice et les abus qui auraient pu se glisser en cette partie; de là peut surgir quelquefois une action disciplinaire, si les juges, par ces abus, ont compromis la dignité de leur caractère, et alors on procédera comme le veulent les art. 50 et suiv. Mais il arrivera le plus souvent que des renseignements transmis à la Cour, résultera la preuve de négligences ou d'abus plus ou moins graves, et parfois de simples retards imputés aux magistrats dans l'administration de la justice, sans que pour cela ces magistrats aient compromis la dignité de leur caractère. Dans ces cas, l'art. 8 fait un devoir aux procureurs généraux de requérir ce qu'ils croiront convenable, et aux Cours de statuer aussi comme elles l'entendront sur ces réquisitions.

<< Loin que l'art. 8 ait restreint le droit de surveillance attribué aux Cours royales par le sénatus-consulte de l'an 10, il se combine parfaitement avec l'art. 69 du décret du 30 mars 1808, qui veut que lorsque le procureur général, dans les Cours royales, ou le procureur du roi dans les tribunaux de première instance, ont des observations à faire sur la manière dont les lois et les règlements sont exécutés dans les Cours et tribunaux, le premier président de la Cour royale et le président du tribunal soient tenus, sur leur demande, de convoquer une assemblée générale.

Tel est le véritable sens des dispositions légales en conformité des~ quelles la Cour royale d'Orléans a pris la délibération que le tribunal s'est permis de critiquer, au mépris de tous ses devoirs hiérarchi

ques.

« Nous requérons, pour le roi, qu'il plaise à la Cour annuler pour excès de pouvoir la délibération dénoncée; ordonner qu'à la diligence du procureur général l'arrêt à intervenir sera imprimé et transcrit sur les registres du tribunal de première instance d'Orléans. »

ARRÊT.

LA COUR;-Adoptant les motifs du réquisitoire ci-dessus et y faisant droit;-ANNUlle.

Du 7 mai 1844.-Ch. req.

TRIBUNAL CIVIL DE VILLENEUVE D'AGEN.

1° Taxe. Licitation.-Cahier des charges.-Vacation.

2o Taxe. Licitation.-Examen de titres.-Avoué poursuivant. 30 Taxe.-Adjudication.-Vacation.

1° En matière de licitation, l'avoue poursuivant a-t-il droit

XVII

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comme les avoués colicitants au droit de vacation alloué pour prendre communication du cahier des charges? (Tarif, du 10 oct. 1841, art. 10.)

2o Le droit de 25 fr., pour soins et démarches, est-il dú à chacun des avoués? (Ibid.) (1).

3o Le droit de vacation à l'adjudication est-il également dû à chacun d'eux? (Ibid., art. 11) (2).

(Delsac de Cortas.)

Une licitation était poursuivie devant le tribunal civil de Villeneuve d'Agen, par les enfants Delsac de Costas entre eux. Lorsque les avoués soumirent leurs états de frais à l'approbation du juge taxateur, celui-ci crut en devoir diminuer le chiffre. -1° A l'avoué poursuivant, il refusa d'allouer 4 fr. 50 c. pour droit de vacation, afin de prendre connaissance du cahier des charges; 2° au lieu d'accorder 25 fr. à chacun des avoués pour avoir évité une expertise en prenant eux-mêmes connaissance des titres et documents, il partagea cette somme entre tous; 3° enfin, il crut ne devoir allouer la vacation qu'à l'avoué qui avait requis l'adjudication.

L'avoué poursuivant et les avoués colicitants ont formé opposition, et fait valoir, entre autres moyens, ceux dont voici le résumé :

1. La vacation de 4 fr. 50 c. pour prendre connaissance du cahier des charges est due à l'avoué poursuivant par plusieurs motifs.

Premier motif.-L'avoué poursuivant est colicitant lui-même puisqu'il licite avec les autres. Tous les dictionnaires, notamment celui de l'Académie et celui de Napoléon Landais, disent, en définissant l'expression colicitant, qu'elle s'emploie pour désigner deux ou plusieurs copropriétaires, au nom de qui se fait une vente par licitation.

Deuxième motif.-Cette vacation est nécessaire. Les difficultés et incidents qui peuvent être soulevés par les défendeurs se forment par un dire au cahier des charges, et non par requête ou conclusions signifiées; l'avoué poursuivant a donc besoin de prendre. Dans la huitaine de la sommation qu'il a donnée, connaissance des dires pour les examiner, et faire donner un simple avenir conformément au deuxième § de l'art. 973, C. P. C.—Si cette vacation est nécessaire ou même simplement utile, elle doit être rétribuée tout travail mérite salaire; on ne pourrait refuser l'émolument à cette vacation que tout autant que l'ordonnance serait très explicite pour le prohiber, ce qui n'est pas, puisque

(1) V. suprà, p. 209 et 210, le jugement et la note 1".

(2) V. ibid., le jugement et la note 2o.

les termes qu'elle emploie peuvent, doivent même s'entendre de l'avoué poursuivant.

2o Le droit de 25 fr. pour le cas où il n'y a pas d'expertise, est dû à chaque avoué colicitant comme à l'avoué poursuivant. -Indépendamment des raisons qu'en donnent les autorités qui vont être citées, le texte de l'ordonnance est formel, et ne peut donner lieu à aucune équivoque. Il y est dit : «Il sera alloué aux avoués.... 25 fr., sans préjudice du supplément de remise.» Le droit de 25 fr. est alloué aux avoués, ce n'est donc pas à l'avoué poursuivant. Il leur est alloué sans préjudice de la remise; il est donc alloué aux avoués qui ont la remise; or, l'art. 11 accorde la remise à tous les avoués poursuivants et colicitants; donc tous les avoués poursuivants et colicitants ont droit aux 25 fr.

On invoque d'autres considérations en disant: Les magistrats ne doivent pas mettre les officiers ministériels dans le cas d'être obligés de transiger, non-seulement avec leur devoir, mais même avec la confiance que la loi leur accorde. C'est une grande marque de confiance de la loi d'avoir chargé les avoués de rechercher et dépouiller tous les documents propres à éviter les frais d'une expertise: elle a compté pour cela sur leur conscience, mais elle a pensé aussi qu'il ne fallait pas leur demander un entier désintéressement.-Tout en évitant les frais d'une expertise aux parties, les avoués se priveraient eux-mêmes d'un précieux émolument s'ils ne devaient pas en être indemnisés : on les conduirait ainsi à rendre les expertises nécessaires dans toutes les affaires : ce n'est là ni le but, ni l'esprit de la loi.

On invoque enfin les autorités qui sont indiquées dans le Journal des Avoués, t. 63, p. 524; t. 64, p. 24, 72, 149 et 401.

3o La vacation de 12 fr. pour l'adjudication est due à chaque avoué poursuivant et colicitant.

Plusieurs raisons données dans le S précédent s'appliquent ici. On ajoute :

Les avoués colicitants assistent à l'adjudication, pour y suivre et surveiller les intérêts de leurs parties. Des incidents peuvent s'élever non-seulement jusqu'à la vente, mais même pendant et après les enchères. Or, si la présence des avoués colicitants est nécessaire, elle doit être rétribuée. La loi alloue 12 fr. pour cette présence sans distinction. Si les avoués n'étaient pas rétribués, ils ne seraient pas tenus d'assister à l'adjudication.

Quand il s'agit de vente de biens de mineurs proprement dite, ou de licitation, où les mineurs sont intéressés, la loi dit : soit au Code civil, soit au Code de procédure, que le subrogé tuteur sera présent ou dûment appelé. Ce subrogé tuteur qui, la plupart du temps, n'est pas dans la cause in principio, comment fera-t-il pour assister à la vente? C'est sans doute en se rendant au tribunal le jour de l'enchère; mais cette présence n'est pas sans doute une chose inutile, une vaine formalité; elle est pour sur

veiller les intérêts du mineur; s'il y a quelque chose à faire ou à dire, le subrogé tuteur ne le peut que par un avoué : cet avoué remplira-t-il le ministère gratis? Non, sans doute. Les tarifs cependant sont muets sur ce point; comment se décider? Par analogie. En fait, l'avoué du subrogé tuteur assiste à l'adjudication; cette assistance est tarifée; il faudra allouer le droit. De même il faudrait l'allouer à l'avoué colicitant, si le tarif était muet à son égard; mais il ne l'est pas. Car, encore une fois, il n'y a pas de distinction entre l'avoué poursuivant et les colicitants.

On invoque, du reste, les autorités indiquées au Journal des Avoués, t. 66. p. 209 et 210.

JUGEMENT.

Attendu, sur le premier chef d'opposition, que l'art. 10 de l'ordonnance du 10 octobre 1841 n'accorde de droit qu'aux avoués colicitants; que l'on ne saurait comprendre le poursuivant au rang des avoués colicitants, puisque, immédiatement après, le même article de l'ordonnance distingue l'avoué poursuivant des avoués colicitants, et lui alloue un droit pour prendre communication en l'étude du notaire; Que la raison de la différence des dispositions entre l'avoué poursuivant et les avoués colicitants est facile à saisir; Qu'en effet, lorsque le cahier des charges est déposé au greffe, c'est l'avoué poursuivant qui en est l'auteur, tandis que c'est le notaire qui l'a régi lorsqu'il est déposé dans son étude; Qu'il n'est pas rationnel de penser que le législateur ait voulu accorder à l'avoué poursuivant un droit de prendre connaissance d'un ouvrage qu'il doit connaître, puisqu'il en est l'auteur ; - Que c'est en vain que l'on oppose que les colicitants ont pu faire des observations à la suite du cahier des charges, puisque l'ordonnance n'alloue aucun droit pour prendre connaissance de ces observations.

S

Attendu, sur le second chef, que le § 4 de l'art. 10 du tarif, du 10 oct. 1841, ne dit pas que la somme de 25 fr. sera accordée à chaque avoué;-Que si l'intention de son auteur avait été de la donner à chacun; il n'aurait pas manqué de l'exprimer comme il le fait dans d'autres dispositions, et notamment dans le dernier paragraphe de l'art. 7; -Que l'intention de n'accorder qu'un seul. droit résulte, au contraire, des termes de l'art. 10, qui n'accorde aux avoués qu'une somme fixe de 25 fr., sans avoir égard au nombre des avoués en cause; Que ce ne serait plus 25 fr. seulement que recevraient les avoués, si l'on accordait ce droit à chacun d'eux, mais souvent des sommes très considérables, ce qui serait contraire au texte du tarif, et plus encore, à l'esprit de la loi, fait dans un but d'économie des frais ;

Attendu, sur le troisième chef, que l'art. 11 n'accorde que la somme de 12 fr. pour vacation à l'adjudication; Qu'en allouant cette somme, cet article se fonde sur l'art. 702, C. P. C., qui dispose qu'il doit être procédé à l'adjudication sur la demande des poursuivants, ou à son défaut, sur celle des créanciers inscrits; d'où l'on doit induire que le droit de vacation n'est dû qu'à l'avoué qui a requis l'adjudication; Que si les avoués colicitants croient, dans l'intérêt de leurs parties, devoir assister à la vente, leur présence est suffisamment indemnisée par la remise proportionnelle que la loi leur accorde; Qu'il résulte encore de l'économie de l'art. 11, dans ses premières dispositions, qu'il ne s'occupe que des droits relatifs à l'avoué poursuivant;

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