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père; que ces principes, consacrés par la loi romaine au titre du Digeste et du Code Liberali causa et de agnoscendis et alendis liberis, pour des espèces qui présentent des analogies remarquables avec la cause, ont toujours été admis en France, ainsi que l'enseigne Merlin, au mot Questions d'État; que sans entrer à cet égard dans une discussion utile, dans l'une comme dans l'autre des deux hypothèses, il est sensible, en effet, que l'époux seul peut faire connaître aux juges la pensée qui lui est propre, les graves et impérieux motifs (motifs qui ne peuvent être qu'exclusivement personnels du juste ressentiment qui a déterminé son action; de même aussi que c'est à lui seul que peuvent s'adresser utilement et fructueusement, de la part de l'épouse et de l'enfant, des appels à ses souvenirs, à sa mémoire, à sa conscience, aussi bien qu'à des affections ou des sentiments qui n'abandonnent jamais entièrement le mari qui se croit outragé, alors encore qu'il sollicite les sévérités de la justice; appels qui, s'ils étaient entendus, mettraient à l'instant un terme à une lutte toujours douloureuse, tandis que, adressés à un tiers étranger à la vie intime des époux, à l'intérieur de la famille, guidé souvent par des influences qui peuvent ne pas être désintéressées, ils ne sauraient produire aucun résultat, et que celui-ci ne pourrait pas même y prétendre;

Attendu que ces considérations, qui sont de haute moralité, et tiennent essentiellement à l'ordre public, recevraient, s'il en était besoin, une force nouvelle en considérant quelle est l'espèce et la nature du litige dont le sieur Taillandier, en la qualité qu'il procède, a saisi les tribunaux ; qu'il s'agit, en effet, d'un désaveu de paternité, action toute exceptionnelle et spéciale, facultative de la part du mari, auquel la loi ne semble l'avoir accordée qu'à regret, comme le démontrent suffisamment les précautions et les exigences dont elle l'a entourée ; qu'une telle action, qui tend évidemment à ébranler l'une des plus puissantes bases de l'édifice social, puisqu'elle attaque la présomption sur laquelle l'état des hommes et l'existence civile de la famille est assise, ne peut aussi longtemps qu'il vit, appartenir qu'à l'époux qui se croit offensé car lui seul est lui-même juge du fait sur lequel cette action repose; que, de plus, son exercice, pour offrir aux magistrats toutes les garanties que réclament son importance et les graves conséquences qui peuvent en résulter, doit nécessairement être l'expression, exclusivement personnelle, de la volonté de cet époux, volonté à laquelle aucune manifestation étrangère ne saurait suppléer d'une manière efficace; qu'ainsi donc, loin de rencontrer dans la position exceptionnelle du sieur Hermann, au nom duquel l'appelant principal procède, des motifs fondés de déroger aux principes énumérés plus haut, il y a lieu au contraire d'en faire la stricte application;

Attendu que c'est vainement que le sieur Taillandier, pour

éluder cette application, argumente des dispositions de l'art. 317, Cod. civ., qui investissent les héritiers du mari décédé, du droit d'exercer l'action en désaveu, alors même que celui-ci est mort avant l'expiration du terme que la loi lui avait fixé pour agir lui-même, et en induit la conséquence que cette action n'étant pas uniquement attribuée au mari, il a pu valablement, en sa qualité, en saisir la justice;

Attendu que la discussion de cette partie de notre Code, qui a eu lieu dans le sein de notre conseil d'Etat, prouve que les dispositions de cet art. 317, qui sont exceptionnelles au principe de la personnalité tout exclusive de l'action dont s'agit, n'ont été admises qu'après de vives et longues contradictions, et pour remplacer un autre article du projet qui portait: qu'après la mort du mari, arrivée avant l'expiration du délai à lui accordé pour réclamer, la légitimité de l'enfant pourrait être contestée par tous ceux qui y auraient intérêt; substitution qui indique suffisamment la pensée du législateur et démontre, jusqu'à la dernière évidence, que sa volonté a été de restreindre aux seuls cas qu'il a spécifiés, la faculté dont est question et non de l'étendre au dela;

Attendu que c'est avec aussi peu de solidité que l'appelant principal, se fondant sur la brièveté du terme que la loi détermine pour l'exercice de l'action en désaveu, prétend que l'inaction du père, pendant ce délai, quelle que puisse d'ailleurs en être la cause, emporte déchéance du droit; que dès lors, il y avait nécessité pour lui, représentant légal du sieur Hermann, de porter devant les tribunaux sa réclamation; que cette dernière objection ne saurait être accueillie; d'abord, parce que les déchéances, étant de droit strict, ne se supposent jamais et ne peuvent être appliquées qu'aux cas spéciaux et exceptionnels que le législateur lui-même a prévus et indiqués; ensuite, parce qu'une telle restriction au droit ou à la faculté de désavouer la paternité, n'étant pas établie formellement par le Code, il n'est pas permis de la suppléer; qu'il faut donc appliquer le principe général de l'art. 2252, qui suspend le cours de la prescription au regard des mineurs et des interdits pour tous les cas non expressément exceptés par les lois; avec d'autant plus de raison que s'agissant d'un droit aussi important, tenant essentiellement à l'état des personnes, lequel ne peut jamais entrer dans le commerce des choses prescriptibles, aucune exception, à moins qu'elle ne soit textuellement édictée, ne saurait être admise ;... Par ces motifs, etc. »

Pourvoi en cassation.

ARRÊT.

LA COUR:- Vu les art. 420, 440 et 599, C. C.: - Attendu que le

subrogé tuteur, dans le cas prévu par l'art. 420, et le tuteur dans tous les autres cas, exercent les actions de l'interdit, qui est censé les exercer lui-même, lorsqu'elles sont intentées par son réprésentant légal;

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Attendu qu'aucune disposition législative n'a introduit d'exception à cette règle générale, quant à l'action en désaveu de paternité; Que cette action n'est pas exclusivement personnelle au mari, puisque, suivant l'art. 317, C. civ., après le décès du mari, elle passe à ses héritiers;

Attendu qu'il n'en est pas de la capacité légale du tuteur comme du droit des créanciers, restreint dans de justes limites par l'art. 1166, C. C.; que les créanciers ne représentent point la personne de leur débiteur; qu'au contraire, le tuteur a non-seulement le droit, mais encore le devoir de représenter l'interdit dans tous les actes civils i Qu'il a donc qualité toutes les fois qu'il y a lieu de prévenir ou repousser une atteinte à la personne, à l'état ou aux biens de celui qui est placé sous sa tutelle; Que, de même qu'en cas de réclamation d'état par l'enfant, le tuteur du mari interdit aurait qualité et serait seul partie capable pour établir, conformément à l'art. 325, C. C., la maternité prouvée, que le réclamant n'est pas l'enfant du mari de la mère; de même, en cas de filiation légitime constatée par l'acte de naissance, le tuteur du mari interdit doit être admis à repousser, par une action en désaveu, la paternité attribuée au mari par l'acte de naissance de l'enfant ;

Attendu qu'en supposant que la prescription ou la déchéance de l'action en désaveu restât suspendue pendant l'interdiction, et que cette action pût être ultérieurement exercée par le mari, après la mainlevée de l'interdiction, ou par ses héritiers après sa mort, tous les éléments de preuve pourraient disparaître dans l'intervalle, si l'on refusait au tuteur l'exercice immédiat de ladite action; - Que, d'ailleurs, l'enfant pourrait être pendant de longues années en possession de l'état et des droits d'enfant légitime, droit dont les biens du mari seraient grevés pendant tout ce temps, et que celui-ci doit nécessairement être admis à contester, non par lui-même, puisque la loi le frappe d'incapacité, mais par celui qu'elle charge de le représenter; Attendu que de ce qui précède, il résulte qu'en déclarant le demandeur, és noms qu'il agissait, sans qualité ni droit et non recevable dans sa demande en désaveu de paternité, l'arrêt attaqué a expressément violé les articles précités du Code civil - Casse.

Du 24 juillet 1844.—Ch. civ.

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COUR ROYALE DE BORDEAUX.

Péremption d'instance.-Acte frustratoire.

Acte frustratoire.-Constitution d'avoué.-Assignation.
Assignation.-Maire.-Visa.-Péremption d'instance.

Un acte frustratoire n'interrompt pas la péremption d'instance. (Art. 399, C.C.) (1)

(1) Contrà, Toulouse, 5 mars 1835.-V. sur les actes auxquels est attaché le caractère interruptif de péremption, Chauveau sur Carré, Lois de la procé dure, quest. 1436 et 1437.

L'assignation signifiée par l'appelant dans le cours de l'instance d'appel, à l'intime qui n'a point constitué d'avoué, pour le fare contraindre à en constituer un, est frustratoire.

Un tel acte signifié au maire d'une commune, en sa qualité, serait d'ailleurs nul à défaut de visa de ce fonctionnaire, et incapable par cela seul d interrompre la péremption. (Art.69,C.P.C.)

(Donzac C. commune de Saint-Astier.)

Le sieur Douzac, appelant d'un jugement du tribunal civil de Périgueux, avait, par exploit du 3 mai 1838, intimé la commune de Saint-Astier, en la personne de son maire, devant la Cour de Bordeaux.-Le maire ne constitue pas d'avoué, et le sieur Donzac ne fait aucunes poursuites jusqu'au 27 avril 1844.-A cette époque seulement, il fait signifier au maire de Saint-Astier un exploit portant «assignation à ce fonctionnaire à comparaître devant la Cour, pour y constituer, si bon lui semble, avoué sur l'exploit introductif de l'instance d'appel, du 3 mai 1838; y voir dire que, faute par lui de ce faire, il sera pris contre lui, par le requérant, tels avantages que de droit, et s'entendre en outre condamner aux dépens. » L'exploit se termine par ces mots : « fait à mondit sieur le maire de la commune de Saint-Astier, étant et parlant comme a été dit, et pour lequel j'ai laissé copie du présent. »>-On voit qu'il n'y est point question de visa. A la date du 6 janv. 1842, le maire de la commune de Saint-Astier demande la péremption de l'instance, par la raison que depuis le 3 mai 1838, jour de l'appel, jusqu'à celui de la demande en péremption, il s'était écoulé trois ans et huit mois sans poursuites; que l'acte du 27 avril 1841 était par lui-même incapable d'interrompre la péremption; que de plus il était frappé d'une nullité radicale, résultant du défaut de visa :

ARRET.

LA COUR;-Attendu qu'il s'est écoulé plus de trois années depuis la signification de l'exploit d'appel jusques à la demande en péremption d'instance; que par conséquent la péremption est acquise, si elle n'a pas été interrompue;

Attendu que, pour que l'acte du 27 avril 1841 eût couvert la péremption, il faut qu'il soit reconnu valable, ainsi que cela est exigé par l'art. 399, C.P.C.;

Attendu que cet acte ne peut être considéré que sous deux rapports, soit comme une notification faite à l'intimé personnellement, sans égard à l'ajournement, soit comme une assignation à lui donnée;

Attendu, sous le premier rapport, que lorsqu'une instance est introduite et pendante devant un tribunal, c'est par des actes faits dans cette instance et conformes à la procédure prescrite par la loi, que la péremption peut être couverte; que cela résulte implicitement, et par un motif analogue, de l'art. 400, Č.P.C., qui, hors certains cas exceptionnels, exige que la péremption soit demandée par requête d'avoué à avoué; que considéré comme sommation et acte de mise en demeure, l'exploit du 27 avril 1841 est un acte extra-judiciaire étranger à la pro

cédure à suivre sur l'appel interjeté par Donzac; que dès lors cet acte extra judiciaire est nul et ne peut produire d'effet;

Attendu qu'il est encore nul s'il est considéré comme assignation, puisque, adressé au maire d'une commune, celui-ci devait y mettre son visa, formalité exigée à peine de nullité;

Attendu que cette formalité n'a pas été remplie :

DECLARE périmée instance d'appel du jugement rendu par le tribunal de première instance de Périgueux.

Du 11 juin 1844.—1re ch.

COUR DE CASSATION.

Poste au lettres.-Messager.-Paquets avec lettres missives.

Le droit qu'ont les messagers et voituriers de transporter des papiers d'un poids supérieur à 1 kilogramme, n'autorise pas à introduire dans ces paquets des lettres missives (1).

(Min. publ. C. Azéma).-ARRÊT.

LA COUR; Attendu que, par les art. 1 et 2 de l'arrêté du 27 prair. an 9, il est défendu à toutes personnes, et spécialement aux voituriers, de s'immiscer dans le transport des lettres et papiers, en n'exceptant de cette prohibition générale et absolue, indépendamment des papiers uniquement relatifs au service personnel des entrepreneurs des voitures publiques, que les paquets renfermant des papiers d'un poids supérieur à 1 kilog.;-Attendu qu'une semblable exception, qui ne s'applique qu'aux paquets qui renferment des papiers, ne pourrait être étendue aux lettres missives, même lorsqu'elles seraient placées dans un paquet excédant le poids d'un kilogramme, et, à plus forte raison, aux lettres qui seraient introduites dans des paquets qui ne renfermeraient pas des papiers, quel que fut leur poids; qu'ainsi il ne peut suffire, pour excuser la contravention prévue par les dispositions, cidessus visées, dudit arrêté du 27 prairíal an 9, de cacher des lettres ou des papiers dans des paquets, dont la forme extérieure n'aurait aucune analogie avec la configuration des lettres ou des papiers ainsi transportés en fraude; Attendu qu'il a été constaté par un rapport rẻgulier du 15 déc. 1843, et qu'il est, d'ailleurs, reconnu par l'arrêt attaqué, que lors de la perquisition à laquelle François Azéma, faisant le transport de la volaille, était assujetti, il a été trouvé dans un sac, faisant partie de son chargement, et parmi d'autres objets, une lettre cachetée à l'adresse de M. Séraphin Rouvier; - Que ce fait constituant une contravention aux dispositions des art. 1 et 2 de l'arrêté du 27 prair. an 9, il y avait lieu, dès lors, de la réprimer par l'application de l'art. 5 du même arrêté; Attendu, néanmoins, que François Azéma a été renvoyé de la poursuite par le motif que la lettre saisie avait été trouvée dans un paquet dont elle était inséparable, et que l'objet du transport étant d'ailleurs le paquet, dont le poids excédait un kilogramme, le prévenu n'avait pu contrevenir aux dispositions de l'arrêté précité;-Que l'arrêt attaqué, en créant ainsi une exception contraire aux dispositions des art. 1 et 2 de l'arrêté du 27 prairial an 9, contient

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