Images de page
PDF
ePub

SAINT-GERMAIN-LA-CAMPAGNE.

Saint-Germain-la-Campagne, Sanctus Germanus de Campagnia, ou Campania, ou de Campo.

L'église a la forme d'un carré oblong, et se compose du chœur et d'une nef.- Cette petite église abandonnée offre cependant encore quelques restes de sa splendeur passée, quoique le chaume des champs recouvre une partie de son toit dévasté par les pluies et le vent, et que ses murs soient tapissés par des herbes sauvages. La nef est du xie ou xiie siècle, et ses murs sont percés de fenêtres courtes, étroites et cintrées; on remarque dans le mur septentrional une porte cintrée aujourd'hui bouchée.

Le chœur est éclairé par une fenêtre longue et à lancette, et par deux autres fenêtres du XVIe siècle.

L'arc triomphal paraît être du xve ou XVIe siècle.

Le mur absidal est droit et se termine par un pignon triangulaire.

Un petit clocher, arcade à deux baies, s'élève au-dessus du gable occidental; mais il a été ajouté après coup, peut-être dans le xve ou XVIe siècle.

L'église est sous le vocable de saint Germain; elle payait une décime de 28 livres, et dépendait de l'archidiaconé du Bauptois et du doyenné du même nom. Dans le XIe siècle, le roi en avait le patronage, et le curé était seul décimateur, ce qui lui valait 30 livres : patronus rex; rector percipit omnia, et valet xxx lb. Dans le siècle suivant, le curé avait toutes les dimes de la paroisse, un manoir et des terres aumônées; il payait 18 deniers pour la chape de l'évêque, 20 deniers pour le saint chrême, et 3 sous pour droit de visite.

Quelques lecteurs se sont demandé quelle était l'origine de ces droits que payaient les curés, et quel en était le but. Cette origine et ce but, les voici :

L'évèque, quand il officiait, devait avoir des ornements convenables, et notamment une chape; alors chaque curé contribuait à l'achat et à l'entretien de cet ornement. Dans une vieille charte, in veteri charta, on lit: debitum pro capa episcopi (4).

L'évêque prélevait une taxe pour le saint chrême, parce que, consacrant tous les ans, le jeudi saint, les saintes huiles et le saint chrème qu'il distribuait ensuite aux curés, on pensa qu'il était juste que chacun d'eux payât une part

(1) Ducange, Glossar, ad script, med. et inf. latin., vo Cara.

de la dépense que ces objets du culte occasionnaient de là l'origine de la taxe (1).

L'évêque devait, chaque année, visiter son diocèse, et, dans sa visite, s'assurer de l'état des églises et des ornements, apprendre aux marguilliers, qui l'oubliaient trop souvent, les formes et l'emploi d'une comptabilité régulière, et contraindre les fabriques à fournir à l'église les meubles, les vases et les ornements nécessaires. Chaque titulaire d'église devait à son évêque, en cours de visite diocésaine, une sommé déterminée pour sa procuration. On entendait par procuration, procuratio (2), le droit qu'avaient certains personnages d'être logés et nourris, eux et leur suite. C'était souvent un impôt fort onéreux; car il fallait nourrir hommes et chevaux, et quelquefois tout un attirail de chasse. Les évêques en tournée n'avaient pas sans doute un train pareil à celui des hommes du siècle; mais leur suite était cependant considérable, quand ils étaient gentilshommes. On nommait aussi ce droit circata (3), c'est-à-dire droit de tournée.-Les évêques, plus tard, firent faire leurs visites par des archidiacres avec lesquels ils partageaient les bénéfices. Les archidiacres, fiers de cet accroissement d'autorité, augmentèrent leurs dépenses, et, dans leurs tournées, ils se rendirent à charge aux pauvres curés dont ils visitaient la paroisse : ne se bornant pas à mener une vie de prince, ils affectaient de porter des habits de couleur verte ou rouge, et d'avoir des manteaux à manches élégantes. Cette conduite donna lieu à de justes et nombreuses réclamations par suite desquelles il fut enjoint aux archidiacres de n'avoir pas plus de six ou sept chevaux, de ne recevoir de provision que de ceux qui en pourraient fournir sur leurs revenus. Il fut dit aussi que les curés qui ne pourraient fournir le gîte ou donner l'hospitalité sans en être grevés, ne paieraient que trois sous monnaie d'Angers (4). Un concile tenu à Chalons, en 813, et le concile de Trente recommandent aux visiteurs une grande discrétion sur le droit de procuration (5). Un capitulaire de Charles le Chauve, donné à Toulouse, en 844, n'accorde pas un repas. bien somptueux aux évêques, et le concile de Toulouse de

(1) Chrismales denarii, præstatio quæ a præsbyteris pro chrismate quod circa pascha ab episcopo accipere solent, eidem episcopo exsolvebatur. -Ducange, Glossar., vis CHRISMALES DENARII.

(2) Procurationes episcoporum et archidiaconorum, quæ debentur a sacerdotibus, cum ecclesias sibi subditas illi visitant. - Ducange, Glossar., Y° PROCURATIO.

[ocr errors]

(3) Circata, census qui solvitur episcopo seu archidiacono ab ecclesiis pro visitatione. Ita dictus a circumeundo, quod episcopi aut archidiaconi dioceses suas circumeundo visitant.- Ducange, Glossar., vo CIRCATA,

(4) Mss. de MM. Toustain de Billy et Lefranc.

(5) Du Rousseaud de Lacombe, Recueil de jurisprudence canonique, v° VISITE, sect. V.

1590 le réduisit à deux plats (1).—Souvent plusieurs curés se réunissaient pour subvenir aux exigences de la procuration.

La paroisse de Saint-Germain-la-Campagne est aujourd'hui réunie à celle de Gorges pour le temporel et le spirituel. En l'année 1789, elle était encore desservie par un curé, l'abbé Gardin.

[ocr errors]

On lit qu'en l'année 1307, Nicole, veuve de Guillaume du Coesel de St Germain-la-Campagne, donne aux religieux de Blanchelande un quartier de froment de rente, à la grande mesure de Gorges, à convertir en amandes à l'usage des » pilanches desdits religieux pendant le careme: Ad faciendum eidem conventui amigdalatium tempore quadragesime, à prendre sur Pierre Leley dit le potier, à cause d'une piece de terre, située dans la paroisse de St Quirin, près le » Plessis, bute au chemin du paleiz au manoir marmiou. » On trouve, en 1494, noble homme Nicolas Davy, écuyer, seigneur du Coueisel et de Coudeville; et en 1650, Guillaume Freret, écuyer, sieur du Couesel, conseiller du roi, vicomte de Lithaire.

[ocr errors]

LASTELLE.

Lastelle, Lastels, Astella.

L'église a la forme d'un carré oblong. Elle appartient en grande partie au XIIIe siècle, mais plutôt à la fin du siècle qu'aux premières années La porte occidentale est bien du XIe siècle; elle est à ogive, et son archivolte, composée de tores, repose sur des colonnes dont les chapiteaux sont ornés de volutes et de petites figures grimaçantes. Le mur, au-dessus de cette porte, est percé d'une fenêtre ogivale, à deux baies séparées par un meneau.

Les fenêtres qui éclairent l'église sont presque toutes du XIIIe siècle; elles sont de forme ogivale, longues et étroites; quelques-unes datent du XVIe siècle.

La nef est couverte en chaume et voùtée en bois; sur une des poutres on lit le millésime 1684.

La voûte du chœur, qui aujourd'hui est en bois, devait être primitivement en pierre; car les murs et les angles sont tapissés de colonnes qui, à n'en pas douter, recevaient la retombée de ses arceaux.

Le contre-rétable qui orne l'autel du chœur, fut donné, en 4722, par François Langevin, escuyer, advocat du roy à Periers et sa famille.

(1) Denisart, Dictionnaire de jurisprudence, va PROVISION,

La tour quadrilatère, placée entre chœur et nef, se termine par un petit toit à double égout. Une partie de cette tour parait appartenir à la même époque que l'église, si on la juge par la fenêtre à ogive, longue et étroite, ouverte dans le mur septentrional; elle est, à une certaine hauteur, voùtée en pierre, et les arceaux croisés viennent s'appuyer sur de petites figures grimaçantes. Quatre piliers intérieurs la soutiennent sur des arcades ogivales.

Le font baptismal me parait dater aussi du XIe siècle; sa fontaine est carrée, et porte sur un fut cylindrique trèscourt et sur quatre colonnettes auxiliaires qui supportent les angles de la fontaine : c'est ce que l'on nomme un font baptismal pédiculé composé.

La sacristie date de l'année 1731.

La cloche que renferme la tour porte l'inscription suivante :

L'AN 1765 J'AY ÉTÉ NOMMÉE JEANNE

PAR MESSIRE JEAN BAPTISTE FRANÇOIS Le cordier de bigards,
CHEVALIER MARQUIS DE LA LONDE ET DE LAULNE,

BARON DU BOUGTHOUROUDE SEIGNEUR

PATRON PRÉSENTATEUR DE LASTELLE ET AUTRES LIEUX,
CONSEILLER DU ROY EN SES CONSEILS ET
PRÉSIDENT A MORTIER HONORAIRE

AU PARLEMENT DE NORMANDIE.

ET BENIE PAR M. FRANÇOIS COUSIN CURÉ de lastelle.
MAITRE JEAN ANTOINE BERTIN TRÉSORIER SYNDIC EN CHARGE.

HI. QIUENTIN (sic) ET GILLOT Nous ont faite.

Dans le cimetière, une croix s'élève sur une base où un trou vide atteste l'absence d'une autre croix. Cette double croix sur une même base offre une disposition qui se remarque assez souvent.-Je demandai à une femme âgée qui sortit de l'église, si, dans la paroisse, on expliquait pourquoi autrefois il y avait eu deux croix. Oui, me dit-elle; l'une était celle de Jésus-Christ, l'autre celle du bon larron; le mauvais n'en avait pas.

Une pierre tumulaire, placée dans le choeur, près du sanctuaire, présente une croix, autour de laquelle on lit l'inscription qui suit:

CY GIST VENERABLE DISCRETE PersonNE
MESS' ROGIеr MOREL pbre

EN SON VIVANT CURÉ DE CEANS QUI TRESPASSA
LE CINQ JOUR DE JUING LAN MIL IIIICC

XX DIX SEPT

DIEU LUY FASSE ParDON A LAME. AMEN.

L'église est sous l'invocation de la sainte Vierge; elle payait une décime de 46 livres, et dépendait de l'archidiaconé du Bauptois et du doyenné de la Haye-du-Puits. Le patronage était laïque, et le seigneur du lieu présentait à la cure.

Roger d'Aubigni avait donné une portion de l'église de Lastelle à l'abbaye de Lessay, et Guillaume, comte de Sussex, avait confirmé cette donation (1).

-

Dans les XIIIe et XIVe siècles, la paroisse avait deux curés, et deux portions, la grande et la petite. Le patronage de la grande portion appartenait, dans le cours du XIIIe siècle, à Robert de Bricqueville, et, à l'époque de la rédaction du Livre blanc, à Guillaume de Bricqueville. Le curé de cette portion avait toutes les dimes, les aumônes, plusieurs vergées de terre et un manoir presbytéral; il payait 4 sous et 6 deniers pour la débite, 2 sous pour la chape de l'évêque, 2 sous pour droit de visite et 10 deniers pour le saint chrême. Cette portion, d'après le Livre noir, valait au curé Symon 44 livres et valet pro Symone xj lb.

Robert de Tollevast avait le patronage de la petite portion dans le XIe siècle, et Robert de Bretteville dans le xive. Le curé avait toutes les dimes, et en outre plusieurs vergées de terre aumônée; il payait 2 sous pour la chape de l'évêque, 10 deniers pour le saint chrême et 2 sous pour droit de visite. A l'époque de la rédaction du Livre noir, cette portion valait au curé Roger 24 livres Item pro Rogero xxiiij lb (2).

Les deux cures ont été plus tard réunies en une seule : peut-être l'existence de deux croix, dans le cimetière, tenaitelle à ce que la cure était, dans un temps, divisée en deux portions.

Il y avait, en l'année 4126, une charrière qui conduisait de Lastelle à l'Epine de Montcastre: on la trouve mentionnée dans un acte de confirmation du roi Henri II, à l'occasion de donations faites à l'abbaye de Lessay (3).

Le nom de Lastelle est cité comme appartenant à l'ancienne noblesse normande.

Le seigneur et patron présentateur de Lastelle était, en 1730, Louis Le Cordier de Bigards, comte de la Londe, marquis de Laulne, brigadier des armées du roi; et, en 1750, Jean-Baptiste-François Le Cordier de Bigards, chevalier, marquis de la Londe et de Laulne, baron du Bougthouroude.

Il y avait à Lastelle plusieurs sieuries, dont d'anciennes maisons aux portes cintrées annoncent l'importance. Ainsi, on trouve, en 4550, noble homme Michel Langevin, escuyer, sieur du Parc; - dans les xvIe et XVIIIe siècles, noble homme Pierre Langevin, sieur de la Corvée; - Jacques Langevin, sieur de la Corvée; - François Langevin, sieur de la

(1) Neustria pia, pag. 620.

(2) Voir le Livre noir et le Livre blanc de l'évêché.

(3) Etudes historiques sur le département de la Manche, par M. de Gerville, pag. 141.

« PrécédentContinuer »