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MOIS DE FEVRIER.

Séance du 4.

M. LE SECRÉTAIRE perpétuel donne lecture de son rapport sur les travaux des commissions de publication de la Compagnie pendant le 2 semestre de 1858. (Voy. le t. II, p. xvii-xxi.)

L'Académie se forme en comité secret pour entendre une communication de M. Le Président.

La séance étant redevenue publique, M. TEXIER demande et obtient l'autorisation de faire imprimer quelques parties de son Mémoire sur les monuments des premiers temps du christianisme, en réservant son droit pour l'admission dans le Recueil des mémoires de l'Académie.

M. GUIGNIAUT donne communication à l'Académie du document suivant :

Lettre de M. Beule, datée de Philippeville, du 24 décembre 1858.

ANALYSE.

Le jeune archéologue fait part au savant académicien de la surprise qu'il a éprouvée récemment en trouvant au musée d'Alger des statues qui lui paraissaient être en marbre de Paros et qui semblaient être des copies d'originaux grecs. Ayant appris que ces statues avaient été découvertes depuis peu de temps à Cherchell, il se rendit en ce lieu. Là il vit, dans la cour d'une petite maison qui sert de logement au conservateur des antiquités de Julia Cæsarea, un certain nombre de statues semblables à celles qu'on avait transportées à Alger. Elles étaient exposées à la pluie, et couchées sur le sol en attendant qu'on pût les réparer. C'est le conservateur de Cherchell lui-même, M. de L'Hotellerie, qui, avec les ressources les plus modestes et un courage supérieur à ces ressources, a fouillé une des salles des thermes situés à l'occident de la ville et en a déterré huit statues :

4° Un Neptune tenant l'hippocampe et le trident;

2o Une Vénus marine avec le dauphin à sa gauche ;

3o et 4o Deux hermaphrodites (répétition identique) attirant deux petits faunes qui se défendent;

5° et 6° Deux faunes semblables à l'antique tant vanté connu sous le nom du Faune flûteur.

7° Un faune auprès duquel est couché un petit taureau ;

8 Une femme debout, sans tête. Statue romaine.

Ces huit statues sont en marbre blanc, transparent; à larges paillettes. M. Beulé croirait encore que cette matière est du marbre de Paros, s'il n'eût appris qu'il existait, entre Bone et Philippeville, des carrières de marbre blanc qu'on dit ressembler beaucoup à ce dernier. Ce qui a paru à M. Beulé digne de remarque, c'est que: 1° quatre de ces statues se répètent de manière à se faire pendant, et 2o que les artistes ont copié systématiquement les œuvres les plus estimées des maîtres grecs, de même que nos sculpteurs de l'académie de Rome copient pour le gouvernement les plus beaux antiques du Capitole ou du Vatican. Le Neptune, la Vénus marine et les Faunes flûteurs sont bien connus. Les peintures de Pompéi et les deux groupes du musée de Dresde nous autorisent à penser que pour les hermaphrodites, l'antiquité grecque fournissait encore le modèle que nous n'avons pas retrouvé. D'autres découvertes faites à Julia Cæsarea prouvent que c'était un usage dans la capitale de Juba II d'imiter la sculpture grecque. On a trouvé, par exemple, une copie antique du fameux Tireur d'épines de Florence. Dans un autre quartier, on a découvert un torse de femme dont le style atteste un admirable original. L'attitude des bras semble se rapporter à la pose d'une de ces adorantes dont parle Pline, sujet cher au siècle d'Alexandre et des Ptolémées. M. Beulé a vu presque tirer de terre une copie d'une Arrhéphore de l'Erecthéion d'Athènes. Il serait d'une grande importance pour la connaissance de l'antiquité et de l'histoire de l'art de faire pratiquer de nouvelles fouilles à Cherchell, car on sait que Juba II était passionné pour les lettres et pour l'art grec; il a donc dû remplir sa capitale de copies. commandées à des artistes gréco-romains. Il paraît bien démontré, en effet, que 'on trouverait à Julia Cæsarea, non seulement des copies d'œuvres connues, mais de statues dont les originaux ont été perdus et dont l'existence nous serait ainsi révélée. Avec cin

quante soldats et quelques milliers de francs le gouvernement français se ferait à Cherchell un magnifique musée. M. de l'Hotellerie dirigerait aisément des fouilles qu'il a si bien préparées : les thermes de l'ouest sont déserts et au bord d'une falaise d'où les terres enlevées seraient précipitées; le sol est facile à attaquer de toutes parts. La dépense serait presque nulle également vers la porte d'Alger où l'emplacement de l'ancien palais de Juba est un terrain vague appartenant au domaine. Il suffit de remuer la terre à deux mètres et demi de profondeur, pour arriver au dallage antique, aux colonnes et entablements de marbre, ainsi qu'aux statues. L'Institut n'obtiendrait-il pas un aussi léger sacrifice d'un prince qui est membre de l'Académie des beaux-arts?

DISCUSSION.

M. DE LONGPÉRIER pense que l'objet de la lettre dont on vient d'entendre la lecture est digne du plus grand intérêt, car l'emplacement de Cherchell, l'ancienne Cæsarea, doit renfermer des trésors d'antiquités. On sait que le roi Juba II ainsi que la reine sa femme, de la famille des Lagides, n'épargnaient rien pour décorer leur capitale des plus beaux ouvrages de l'art, soit en copie, soit en original, qu'ils faisaient venir de la Grèce, de l'Italie et de l'Egypte. Outre les statues décrites par M. Beulé, d'autres sculptures ont été retirées de ces fouilles. Un ingénieur a envoyé pour le musée du Louvre un bas-relief d'une époque plus reculée que le règne d'Auguste. Il est donc à désirer que l'Académie attire sur ce point l'attention du gouvernement et qu'on fasse, s'il le faut, une démarche auprès du PRINCE chargé du ministère de l'Algérie.

M. LEON RENIER appuie la proposition et fait remarquer qu'on était déjà averti de l'importance de cette localité pour l'archéologie. Le maréchal Randon avait envoyé des soldats et fourni les fonds nécessaires pour commencer les fouilles. Cherchell pourrait fournir les éléments d'un des plus beaux et des plus riches musées d'antiquités de toute l'Afrique.

M. TEXIER est dans les mêmes sentiments. Il rappelle qu'il y a dix ans on accorda une somme de 15,000 fr. pour des travaux de ce genre. Et ce n'est pas seulement à Cherchell que l'on trouve des statues et des monunents importants. Il en existe qui ont une haute antiquité africaine. Il se rappelle même avoir vu une figure phénicienne transportée au musée d'Alger. Mais la plupart de ces objets précieux gisent à l'abandon ou servent aux plus vils usages.

M. LEON RENIER pense qu'il ne faut, quant à présent, s'occuper que des antiquités de Cherchell, attendu qu'il a été pourvu aux mesures générales de conservation à prendre pour les monuments antiques de l'Algérie, par une circulaire du 31 décembre dernier qui prescrit d'établir dans chaque ville un musée aux frais des municipalités.

L'Académie arrête qu'il sera écrit au PRINCE chargé du ministère de l'Algéric, conformément aux intentions des préopinants.

M. GUIGNIAUT informe l'Académie des nouvelles reçues de l'Ecole française d'Athènes par la correspondance de M. Gaultier de Claubry, membre de cette Ecole, qui vient de faire un second voyage d'exploration dans l'Epire, voyage aux dépenses duquel son traitement ne suffit pas. L'Ecole, malgré le triste état où elle est réduite, continue son œuvre avec zèle. La commission prendra connaissance du résultat des recherches de M. Gaultier de Claubry et en rendra compte à l'académie.

M. Adolphe REGNIER a la parole pour ajouter un supplément au rapport qu'il a fait dans la séance du 14 janvier dernier sur un instrument en fer portant des inscriptions en caractères runiques. (Voy. p. 8-10.)

Le savant philologue signale les légers points de dissemblance qui existent entre la traduction qu'il a donnée de l'inscription runique et celle qui figure dans l'ouvrage de Sjoeborg, intitulé: Samlingar for nordens For malskare, t. II, p. 22, Stockhlom, 1824.

que

Quant à la barre de fer sur laquelle se trouve l'inscription, M. Ad. REGNIER ajoute qu'elle était posée verticalement à l'un des coins de la cheminée et l'on trouve encore assez souvent dans les cuisines des paysans de la Suède supérieure le coin saillant de la cheminée appuyé sur une barre de fer semblable, munie d'un crochet pour suspendre la marmite et d'un tuyau pour la chandelle.

M. LENORMANT commence la première lecture d'un Mémoire à propos de l'ouvrage intitulé : Antiquités du Bosphore cimmérien, par M. de Gilles.

Ont été déposés au secrétariat pour être offerts en dons :

Osservazioni sopra alcune antiche monete Bizantine, par M. Cavedoni, correspondant à Modène.

Notices archéologiques, par M. Victor Simon, br. in-80.

M. RAVAISSON fait hommage du second volume de la traduction des Ennéades de Plotin, par M. Bouillet. Il ne répétera pas l'éloge qu'il a fait de cet ouvrage en présentant le premier volume, éloge que le second confirme pleinement. Il est vrai que Marcile Ficin avait traduit les Ennéades en latin; mais pour rendre en français avec précision et clarté les subtilités de cette métaphysique, il fallait joindre beaucoup de savoir à beaucoup de conscience, et c'est le double mérite que M. Bouillet possède à un degré si éminent. Il a éclairé non-seulement le texte de son auteur, mais l'histoire même de la philosophie par de nombreux rapprochements. Entre autres résultats curieux, il démontre que le platonisme de saint Augustin ne découle pas directement de la source originale, mais qu'il est emprunté à Plotin, et que les idées platoniciennes reçues par le moyen âge de saint Augustin, sont des idées néoplatoniciennes qui ne remontent pas plus haut que l'Ecole d'Alexandrie.

Séance du 11.

M. LENORMANT continue sa première lecture de son Mémoire touchant l'ouvrage intitulé : Antiquités du Bosphore cimmérien, par M. de Gilles.

M. BRUNET DE PRESLE commence la communication d'une Notice sur une inscription de Messénie relative aux mystères.

M. Mesnard, secrétaire de la Société des antiquaires de l'Ouest, écrit pour présenter au concours des antiquités de la France, un Essai sur la topographie du pays des Pictons.

Renvoi à la commission de 1860.

M. Ant.-Gasp. Bellin, doyen des juges suppléants du tribunal civil de Lyon, fait hommage d'une Notice historique sur la Société littéraire de Lyon.

M. LE SECRÉTAIRE PERPETUEL présente, au nom de M. Léon RENIER, un imprimé intitulé: Instructions générales pour la direction à donner aux recherches archéologiques en Algérie; la méthode à suivre pour le relèvement des inscriptions et la conservation locale des antiquités. Ces instructions accompagnent la circulaire du PRINCE chargé du ministère de l'Algérie et des colonies.

Il a été déposé au secrétariat deux nouveaux cahiers appartenant au no 3 du concours sur le texte du Coran. Renvoyés à la commission à titre de renseignement.

Ont été remis au secrétariat pour être offerts en dons :

Revue historique du droit français et étranger, publiée sous la direction de MM. Ed. LABOULAYE, E. de Rozière, R. Dareste et G. Ginoulhiac; 4 année, 6e livraison, novembre et décembre 1858.

Bibliothèque de l'École des Chartes, 4a série, t. V, 2e livr., novembre et décembre 1858.

Bulletin monumental ou collection de Mémoires sur les monuments historiques de France, 3° série, t. V, 25e vol. de la collection, no 2, in-8°.

M. HASE présente, de la part de M. Boudard, de Béziers, la 7 livraison de la Numismatique ibérienne. Elle se compose de cinq planches avec les textes correspondants. Cette nouvelle livraison ne fait que confirmer l'estime que les précédentes ont méritée. C'est le traité le plus complet qui ait paru sur cette partie de la numismatique. L'auteur y discute et y combat victorieusement diverses opinions de plusieurs écrivains espagnols Il y a

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