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des peuples, du droit et de l'Église, par Ferdinand Walter, correspondant de l'Académie des sciences morales et politiques. Rome, 4859, 4 vol. in-8°. Méthode pour étudier la langue sanscrite, ouvrage composé sur le plan de la méthode grecque et de la méthode latine de J.-L. BURNOUF, d'après les idées d'Eugène BURNOUF et les meilleurs traités de l'Angleterre et de l'Allemagne, notamment la grammaire de BOPP, par Emile Burnouf, professeur de littérature ancienne à la Faculté des lettres de Nancy, et L. Leupol, homme de lettres. Nancy, Paris, 1859, vol. in-8°.

Pasigraphie mittels arabischer Zahlzeichen, essai de Moses Paic. Semlin, 4859, br. in-8°.

Annales de l'Académie d'archéologie de Belgique, t. XVI, 2o livraison, in-8°.

Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie. Année 1859, no 9, in-8°.

MOIS DE NOVEMBRE.

Séance du 4.

M. le Ministre de l'instruction publique informe l'Académie qu'il a transmis à M. le préfet de la Lozère, pour être communiquées à la commission du monument d'Urbain V, à Mende, les observations qui lui avaient été adressées, le 7 juillet dernier, sur les projets d'inscriptions présentés pour ce monument. A la lettre de M. le Ministre est jointe la copie d'une délibération prise par la commission et dont il est donné lecture. L'Acadé– mie, après avoir entendu les conclusions de cette commission, considérant qu'il n'a pas été tenu compte de ses observations, non plus que des projets d'inscriptions proposés, et que l'inscription nouvelle et unique qu'on y substitue, échappe, par son laconisme systématique, à toute critique vraiment utile, est d'avis, avec M. le Ministre, qu'il n'y a pas lieu de s'occuper ultérieurement de cette question.

M. le SECRÉTAIRE DÉLÉGUÉ donne lecture de quatre lettres adressées à M. le PRÉSIDENT par des candidats qui se mettent sur les rangs pour la place d'académicien libre devenue vacante par le décès de M. A. Le PRÉVOST. MM. Dehèque, de Lasteyrie, Eichhoff, qui se sont déjà présentés, seront inscrits de nouveau sur la liste de candidature. Le nom de M. Jules Desnoyers, qui se présente pour la première fois, sera ajouté à la liste. M. le

PRÉSIDENT rappelle à l'Académie que la discussion des titres des candidats doit avoir lieu le vendredi 44 novembre.

L'Académie, sur la communication qui lui est faite de l'état de santé de M. NAUDET, secrétaire perpétuel, décide que la séance publique annuelle aura lieu le vendredi 2 décembre. M. le PRÉSIDENT rappelle à cette occasion que la Compagnie devra s'occuper, dans sa séance prochaine, du choix de deux lecteurs.

M. EGGER lit un travail intitulé:

Mémoire sur la poésie pastorale des Grecs avant Théocrite.

ANALYSE.

(Le titre de ce Mémoire est ajouté à la liste précitée. Le temps ayant manqué au savant helléniste pour lire ce travail à la séance publique, nous en donnons ici l'analyse.)

Les anciens déjà se sont demandé quel était le véritable inventeur de la poésie pastorale : Daphnis, Stésichore ou Théocrite? Le même sujet a préoccuppé les critiques modernes. Sans vouloir renouveler ces débats, mais avec l'espoir de les simplifier, M. EGGER se propose de découvrir quel fut, non pas le premier poëte bucolique, mais quelles sont l'origine et l'histoire même de la poésie pastorale à travers les plus anciens monuments des poëtes, quel que soit leur genre. L'idylle n'a pas eu d'inventeur à vrai dire: elle a existé de tout temps dans la poésie des Hellènes.

Les Grecs sont d'origine indo-européenne, ou mieux arienne. Les hymnes des Védas, les plus anciens poëmes du monde, sont aussi la première source des sentiments et des idées qui se dégagent dans les chants homériques pour se circonscrire ici dans le genre de l'idylle proprement dite, avec Théocrite. La vie pastorale fut donc celle des premiers Hellènes. Les plus anciennes fables grecques sont en effet relatives à la vie des champs. Les silènes et les satyres, compagnons du dieu des vendanges, nous rappellent encore l'homme enfant et grossier qui jouit naïvement des dons de la nature et des premières découvertes de l'industrie. Les cyclopes vivant du produit des troupeaux représentent, sous une autre forme, la rudesse des plus anciennes mœurs pastorales. Les rois et les per

sonnages de l'âge héroïque se font volontiers pasteurs : Anchise, Paris, Apollon, Géryon, Hercule, Hermès, Cacus. L'Odyssée offre un grand nombre de scènes pastorales. Dans l'Iliade même, des paysans figurent sur le bouclier d'Achille, occupés aux travaux et aux plaisirs de la campagne, entonnant le Linus, vieille chanson bucolique dont le nom rappelle celui d'un héros ami des laboureurs. Lityersès personnifiait dans les plus vieilles fables, originaires, dit-on, de la Phrygie, cette maligne influence du sol qui engendre les fièvres dans les terrains défrichés par de vaillantes mains : c'était comme la vengeance du dieu irrité de la victoire de l'industrie humaine. Daphnis lui-même appartient à cette famille gracieuse de personnages fabuleux, et c'est apparemment le premier éveil de la muse sicilienne parmi les bergers doriens, pasteurs des troupeaux d'Enna et des rives de l'Acis.

Les travaux et les jours d'Hésiode nous offrent à chaque page un trait de mœurs, une épithète expressive qui rappellent, à côté du moraliste, l'observateur curieux et l'amant de la nature. Cette poésie s'est glissée jusque sous la sécheresse des préceptes techniques et les a pénétrés d'un parfum champêtre : La main de l'homme, c'est << la tige à cinq branches » TévTogos; être heureux, c'est « pousser et fleurir»ova d'àyaloïse dezurepés; l'escargot, c'est le « portemaison » pɛpéoɩzos. S'il décrit le bonheur d'une de ces petites sociétés d'Hellènes, tous les traits de sa description rappelleront la vie agricole: « Quand le chardon fleurit, quand la sonore cigale, perchée sur un arbre et battant dru de ses ailes, nous verse un chant harmonieux dans la saison laborieuse de l'été, c'est alors que les chèvres sont grasses, que le vin est bon, que les femmes sont vives au plaisir et les hommes lâches au travail, etc.» (v. 580 et suiv.).

Après l'épopée héroïque et le poëme didactique, le drame et l'ode se sont emparés des vieilles traditions helléniques relatives à la vie des champs. Les fables les plus gaies fournissaient naturellement des scènes de comédie; les plus sérieuses offraient matière au dithyrambe et au drame satyrique dont la décoration même était, le plus souvent, un paysage riant, des bois et des prairiries. « C'était là, dit M. EGGER, le séjour naturel de ces satyres qui personnifient d'une manière si originale le sensualisme de l'humanité primitive s'éveil

lant et comme s'essayant aux plaisirs de la civilisation. » Les titres seuls des pièces montrent combien le théâtre a exploité les tableaux de la vie champêtre: Le Glaucus d'Eschyle, le Linus d'Achæus, l'Alphésibée et l'OEnée de Chérémon, les Moissonneurs et le Sylée d'Euripide, les Bouviers de Cratinus, l'Endymion d'Alcæus, les Laboureurs d'Aristophane; dans la moyenne comédie, les Chevriers d'Alexis, le Paysan d'Anaxandride, etc.; dans la comédie nouvelle, le Paysan de Ménandre et celui de Philémon; le Laboureur de Ménandre, etc. Dans l'Electre d'Euripide, le choeur se compose de paysannes. La Paix, les Iles et les Laboureurs d'Aristophane nous présentent non-seulement des scènes rustiques, mais des sentiments champêtres. Athénée nous permet d'ajouter aux titres des pièces citées plus haut, le Thésée d'Euripide, une tragédie d'Agathon, une autre de Théodecte, plusieurs fragments bucoliques d'Aristophane. Aristote nous renvoie pour définir le paysan, aux portraits qu'en avaient tracés les poëtes comiques.

M. EGGER ajoute cependant que, dans la comédie, il se peut bien que l'aypozos ait plutôt le sens de manant que celui de campagnard. Sans sortir de la Sicile, Théocrite ne trouvait-t-il pas dans les plus anciennes fables de ce pays maint sujet bucolique, et dans ses poëtes nationaux, l'ébauche, sinon le modèle du poëme pastoral? Stésichore d'Himère a laissé quelques compositions en ce genre. Epicharme avait certainement mêlé des scènes champêtres à ses comédies (1). Les Mimes de Sophron, petit drame du genre le plus familier, écrits en dialecte syracusain, se prêtaient mieux encore aux peintures de la vie des champs. Un de ces Mimes était intitulé les Bergers. On sait d'ailleurs que Théocrite a imité de Sophron deux pièces, les Fêtes d'Adonis et l'Enchanteresse. On suppose avec vraisemblance que l'idylle intitulée l'Amour de Cynisça était imitée du même poëte. Chez les deux poëtes se rencontre une pièce intitulée les Pêcheurs.

Le savant académicien rappelle la légende qui attribuait l'invention du poëme bucolique à des paysans laconiens réfugiés, au temps

(4) M. Artaud l'a démontré dans son Étude sur Épicharme, t. I et II des Comptes rendus de l'Académie, t. I, p. 59-62; t. II, p. 213-228.

des guerres médiques, dans les montagnes de l'Arcadie. Les vases grecs nous représentent enfin dans leurs peintures de véritables commentaires des drames doriens (1). Ainsi, à tous les degrés, partout et de tous les temps, les mœurs pastorales des Grecs ont fourni aux poëtes et aux artistes de nombreux sujets de composition. Que restait-il donc à faire en ce genre lorsque parut Téocrite? Bien peu de chose en vérité....

II. Au temps d'Homère tout est poésie en Grèce et tout a une forme épique. L'épopée comprend toutes les expressions du sentiment, tous les aspects de la vie humaine. Avec le temps, l'ordre et la division régulière des genres succède à cette unité un peu confuse. Les poëtes se partagent, d'après leur vocation, le domaine poétique. Avant les préceptes et les poétiques, la règle domine partout sans gêner le libre jeu de l'imagination. Mais, dès le temps d'Alexandre, au lieu de cinq professions poétiques, il y en a dix, il y en a vingt, exploitant chacune un mince filon de poésie. Cultiver avec soin l'hymne ou le poëme didactique, ou seulement l'épigramme, peut suffire à l'honneur d'un poëte ou à l'emploi de sa vie. Si quelquesuns se sont exercés dans deux ou trois genres à la fois, c'est pur effet d'ambition, pure recherche de difficultés à vaincre.

Dans cette active école des écrivains d'Alexandrie arrive le syracusain Théocrite, tout ému des spectacles de la nature et des harmonies d'une poésie populaire en Sicile. Il avise un ordre d'idées et de sentiments jusque-là subordonnés à l'unité des grandes compositions épiques et dramatiques. La poésie bucolique n'est donc pas née avec Théocrite, si elle s'est perpétuée après lui par tradition. Bion, Moschus et Méléagre lui forment cortége; Dion Chrysostome, en prose, par sa charmante « nouvelle » de l'Eubéenne; Longus, par son joli roman de Daphnis et Chloé; le sophiste Élien, par ses Lettres des paysans et des pêcheurs, continuent, chacun à sa manière, l'œuvre du poëte syracusain. Cette tradition se poursuit même dans un autre pays. Rome n'a proprement pas eu de genre original. La muse champêtre de Virgile fut inspirée par le « désir

(4) MM. LENORMANT et de LONGPÉRIER ont reconnu en effet, avec M. Artaud, que la céramique offrait un grand nombre de scènes tirées d'Épi charme; Voy. t. 11, p. 288 de nos Comptes rendus.

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