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Prostitué ses talents et son cœur.

Déjà pourtant on approche de Nantes, Où languissaient nos sœurs impatientes: Pour leurs désirs le jour trop tard naissait, Des cieux trop tard le jour disparaissait. Dans ces ennuis, l'espérance flatteuse, A nous tromper toujours ingénieuse, Leur promettait un esprit cultivé, Un perroquet noblement élevé, Une voix tendre, honnête, édifiante, Des sentiments, un mérite achevé:

Mais ô douleur! ô vaine et fausse attente!
La nef arrive, et l'équipage en sort.

Une tourière était assise au port.
Dès le départ de la première lettre,

Là chaque jour elle venait se mettre ;
Ses yeux, errant sur le lointain des flots,
Semblaient hâter le vaisseau du héros.
En débarquant auprès de la béguine,
L'oiseau madré la connut à sa mine,
A son œil prude ouvert en tapinois,
A sa grand'coiffe, à sa fine étamine,
A ses gants blancs, à sa mourante voix,
Et, mieux encore, à sa petite croix :
Il en frémit, et même il est croyable

Qu'en militaire il la donnait au diable;
Trop mieux aimant suivre quelque dragon,
Dont il savait le bachique jargon,

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VER-VERT, CHANT TROISIÈME. Qu'aller apprendre encor les litanies,

La révérence, et les cérémonies.
Mais force fut au grivois dépité
D'être conduit au gîte détesté.

Malgré ses cris, la tourière l'emporte :
Il la mordait, dit-on, de bonne sorte,
Chemin faisant; les uns disent au cou,
D'autres au bras; on ne sait pas bien où :
D'ailleurs, qu'importe? A la fin, non sans peine,
Dans le couvent la béate l'emmène ;
Elle l'annonce. Avec grande rumeur
Le bruit en court. Aux premières nouvelles
La cloche sonne. On était lors au chœur;
On quitte tout, on court, on a des ailes :

<< C'est lui, ma sœur ! il est au grand parloir ! »
On vole en foule, on grille de le voir;
Les vieilles même, au marcher symétrique,
Des ans tardifs ont oublié le poids:
Tout rajeunit; et la mère Angélique
Courut alors pour la première fois.

CHANT QUATRIÈME.

Ox voit enfin, on ne peut se repaître

Assez les yeux

des beautés de l'oiseau :

C'était raison, car le fripon pour être

Moins bon garçon n'en était pas moins beau ; Cet œil guerrier et cet air petit-maître Lui prêtaient même un agrément nouveau Faut-il, grand Dieu ! que sur le front d'un traître Brillent ainsi les plus tendres attraits! Que ne peut-on distinguer et connaître Les cœurs pervers à de difformes traits! Pour admirer les charmes qu'il rassemble, Toutes les sœurs parlent toutes ensemble : En entendant cet essaim bourdonner, On eût à peine entendu Dieu tonner. Lui cependant, parmi tout ce vacarme, Sans daigner dire un mot de piété, Roulait les yeux d'un air de jeune Carme. Premier grief. Cet air trop effronté Fut un scandale à la communauté. En second lieu, quand la mère prieure, D'un air auguste, en fille intérieure, Voulut parler à l'oiseau libertin,

Pour premiers mots et pour toute réponse,
Nonchalamment, et d'un air de dédain,
Sans bien songer aux horreurs qu'il prononce,
Mon gars répond, avec un ton faquin :
«Par la corbleu ! que les nonnes sont folles! »
L'histoire dit qu'il avait, en chemin,
D'un de la troupe entendu ces paroles.
A ce début, la sœur Saint-Augustin,
D'un air sucré, voulant le faire taire,
Et lui disant, Fi donc, mon très cher frère!
Le très cher frère, indocile et mutin,
Vous la rima très richement en tain.

Vive Jésus! il est sorcier, ma mère !
Reprend la soeur. Juste Dieu! quel coquin!
Quoi! c'est donc là ce perroquet divin?
Ici VER-VERT, en vrai gibier de Grève,
L'apostropha d'un la peste te CRÈVE!
Chacune vint pour brider le caquet
Du grenadier, chacune eut son paquet:
Turlupinant les jeunes précieuses,

Il imitait leur courroux babillard;

Plus déchaîné sur les vieilles grondeuses,
Il bafouait leur sermon nasillard.

Ce fut bien pis, quand, d'un ton de corsaire,

Las, excédé de leurs fades propos,
Bouffi de rage, écumant de colère,

Il entonna tous les horribles mots
Qu'il avait su rapporter des bateaux;

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