prime pour le désordre, si la conscience des pécheurs pouvait jamais croire à son efficacité? En entendant donc ces déclamations furibondes des prédicants de l'erreur contre la plus sainte, la plus auguste, la plus utile, la plus précieuse des fonctions des ministres de la vérité, on ne peut s'empêcher de s'écrier: Voyez comme la haine est aveugle, comme les préjugés déraisonnent, comme l'erreur calomnie, comme l'iniquité ment à elle même Mentita est iniquitas sibi! » (Psal. xxvi, 12.) sincère de toutes ses fautes, même les plus honteuses, au courage qui a brisé déjà des liaisons coupables, qui a déjà renoncé à des habitudes invétérées, qui a rétracté la calomnie, qui a rendu le bien d'autrui, qui a réparé tout scandale, qui s'est débarrassé de toute occasion prochaine, volontaire, du péché. Ce sont des préliminaires indispensables, dont ni l'évêque, ni le Pape lui-même ne peuvent affranchir le repentir, et qui en sont les conditions essentielles et la preuve. Or, si la confiance dans l'absolution qui dans l'Eglise catholique n'est accordée qu'à des conditions si dures, si sévères, si répugnantes à l'amour-propre et aux passions, est un appát, un encouragement pour le crime; qu'en sera-t il de la confiance dans l'absolution que, dans les communions protestantes, on est sûr de recevoir, tous les dimanches, en inclinant simplemeut la tête, en grimaçant le repentir de s'être mal conduit par le passé, et en formant une résolution vague d'être plus sage pour l'avenir, sans être obligé, du reste, de rien avouer en particulier, de rien faire de difficile, de rien promettre de sérieux; sans avoir à subir aucune pénitence, sans s'imposer aucun sacrifice, sans prendre aucun engagement? N'est-ce pas, au contraire, la confiance dans une pareille absolution qui serait évidemment nonseulement un encouragement, mais une -- Quant aux incrédules, la réponse est plus facile encore, ajouterons-nous ici. Car si la confiance dans l'absolution catholique, dans cette absolution qui doit être accompagnée, comme nous venons de le dire, de la contrition, de la confession et de la satisfaction, pour avoir de la valeur, est pour un grand nombre une source de désordre, par la facilité avec laquelle elle remet les péchés, que sera-ce donc de la confiance, ou plutôt de l'insouciance qui reposerait, selon vous, sur l'absence de toute croyance, par suite de quoi l'homme pécheur, et même très-grand pécheur, après s'être abandonné aux passions les plus désordonnées et après avoir commis les plus grands crimes, irait, comme la brute, s'étendre de lassitude, et dormir son sommei!? ABSOLUTISME. Objections. C'est aussi clair que le jour, la religion catholique a toujours été et est encore aujourd'hui favorable à l'absolutisme. Rappelez-vous le moyen âge. Voyez l'Italie, l'Espagne, l'Autriche... Ce sont là les objets de son amour, ses œuvres en quelque sorte. Cette sympathie de la religion catholique pour l'absolutisme ne doit point nous surprendre, puisque le gouvernement de son chef, tant sous le rapport temporel que sous le rapport spirituel, est le plus absolu de tous les gouvernements.-Voilà pourquoi sans doute tous les peuples s'en éloignent de plus en plus, chaque jour, ainsi que ceux qui cherchent avant tout les intérêts des peuples. Réponse.-Tout cela est faux. Il n'y a rien, absolument rien ici qui ne soit d'une complète fausseté. La religion catholique ne veut qu'une chose sur la terre: la sanctification des âmes. C'est là sa mission, son grand but, son but unique, celui vers lequel se portent toutes ses sympathies, tous ses efforts. Elle vient du ciel, et elle y retourne, conduisant devant elle toutes les âmes dont elle peut faire la conquête. Quant au monde, elle l'abandonne, comme Dieu, aux disputes des hommes (Eccle. 11, 11), cherchant à tirer de ces disputes même tout le bien qu'elle peut pour la sanctification des âmes. Lorsqu'elle vient à s'établir dans une contrée, quelle que soit la forme du gouvernement, qu'il soit absolu, constitutionnel ou démocratique, elle le respecte et ne tarde pas à s'y attacher, comme au principe de l'ordre. Si cette forme de gouvernement change pour une cause quelconque, elle est la première à s'en affliger, parce qu'un tel changement ne se fait jamais sans de grands malheurs et quelquefois sans de grands crimes, et pourtant elle a soin de se tenir en dehors du débat, suivant l'impulsion qui lui est donnée dès le commencement, puis, lorsque la transformation s'est accomplie, elle respecte le nouveau gouvernement comme l'ancien, et elle finit aussi par s'y attacher comme au principe actuel de l'ordre. Car, pour rappeler ici la pensée, aussi juste que belle, tout récemment émise par un homme d'Etat illustre, la religion catholique est la plus grande école de respect qu'il y ait au monde et, j'ajouterai même, d'obéissance. Si quelques faits se trouvent en opposition avec ce que nous venons de dire, c'est la faute des hommes et non de la religion ellemême, qu'il ne faut juger que par ses principes, par la généralité de ses membres, ou par ceux qui l'ont établie ou sont chargés de la régir, au nom de son divin fondateur. Ecoutons Jésus-Christ: Rendez donc a César ce qui est à César (Luc. xx, 25), répond-il à ceux qui viennent lui demander s'il faut payer l'impôt. César ici, c'est la personnification du gouvernement temporel. Quand il est conduit, comme un malfaiteur, au tribunal du lâche gouverneur qui bientôt va le livrer à ses ennemis pour être crucifié, il s'incline encore avec respect devaut cet indigne représentant de l'autorité: Mon royaume n'est pas de ce monde (Joan. XVIII, 36), lui dit-il. Et un peu plus tard : Vous n'auriez aucun pouvoir contre moi s'il ne vous avait été donné d'en haut. (Jean. xix, 11.) Telles ont été les paroles e la conduité du maître, telles furent aussi les paroles et la conduite de ceux qu'il a chargés de continuer sa mission: Que toute personne soit soumise aux puissances supérieures, s'écrie saint Paul, car il n'y a point de puissance qui ne vienne de Dieu, et c'est lui qui a établi celles qui existent. (Rom. XIII,1.) Ce qu'il enseigne avec tant d'énergie dans plusieurs endroits de ses Epitres, il le pratique lui-même dans les circonstances les plus difficiles. Arrivé au centre même de cette grande république, qui, après avoir soumis le monde, était tombée de lassitude sous le joug du despotisme, il incline avec soumission cette tête élevée naguère jusqu'au troisième ciel sous le glaive qui devait l'immoler. Ainsi parlèrent et agirent les apôtres, tous les saints; ainsi parleut et agissent encore tous les Chrétiens véritablement dignes de ce nom. Leur politique, c'est de n'en avoir aucune, ou, si vous l'aimez mieux, c'est de se faire tout à tous, à l'exemple du grand Apôtre, pour les sauver tous (1 Cor. ix, 22), si cela était possible. Vous me direz peut-être que la religion catholique, croyant les gouvernements absolus plus favorables à ses desseins, est naturellement portée à les payer de retour. Cette idée est trop clairement fausse et trop évidemment démentie par les faits pour être admise par qui que ce soit. Pourquoi donc les gouvernements absolus favoriseraientils la religion catholique d'une manière particulière? parce qu'elle prêche avec force la soumission aux gouvernés? Mais elle prêche de la même manière aux gouvernants la justice, la modération, le dévouement, ces grandes vertus aussi rigourensement obligatoires et non moins difficiles à pratiquer que la soumission. Tantôt, il est vrai, elle en reçoit la faveur la plus signalée; mais, d'autres fois aussi elle n'en éprouve que des rigueurs, et même des rigueurs excessives. Tout cela dépend des temps, des lieux, des personnes, d'une infinité de circonstances de ces mille et mille événements divers, inexplicables à tout autre qu'à Dieu, qui les conduit toujours à ses fins d'une manière merveilleuse et digne de lui. Rappelez-vous les trois premiers siècles de l'Eglise. Ce gouvernement romain avec lequel la religion se trouve en rapport au moment de son établissement, c'était un gouvernement absolu, et le plus absolu de tous, puisque les empereurs pouvaient mettre leur volonté nouseulement à la place de la volonté générale, mais encore de la volonté divine. Or, que de persécutions n'a-t-elle pas éprouvées? Rappelez-vous les persécutions sans cesse renaissantes qu'elle a éprouvées en Chine? Et aujourd'hui encore, que n'a-t-elle pas à craindre, que n'endure-t-elle pas dans ce malheureux royaume, ainsi que dans beaucoup d'autres semblables ou elle a tant de peine à s'établir? Que n'a-t-elle pas souffert, que ne souffre-t-elle pas encore en Turquie, en Russie? Que dis-je ! mais les gouvernements absolus qui se disaient ses amis el semblaient être en effet, n'étaient quelquefois que ses plus dangereux ennemis. Ils l'embrassaient, mais c'était pour mieux l'étouffer; ils la chargeaient de présents, mais ces présents étaient des chaînes qui, pour être d'or quelquefois, n'en étaient ni moins lourdes ni moins difficiles à briser. Vous voyez donc bien que le catholicisme n'a pas toujours trouvé les gouvernements absolus favorables à ses dessins, qu'elle ne les trouve point encore aujourd'hui, et qu'elle ne doit point être naturellement portée, comme se l'imaginent quelques-uns à les payer de retour. Rappelez-vous le moyen âge, avez-vous dit. Voyez l'Italie, l'Espagne, l'Autriche... Voilà les objets de son amour, ses œuvres en quelque sorte. C'est une erreur. Le moyen âge n'est point l'œuvre de la religion catholique, c'est un composé d'une infinité d'éléments divers, hétérogènes même quelquefois, que la religion catholique a eus en main à certains moments, qu'elle s'est efforcée de purifier, de coordonner, de pétrir, et dont elle est parvenue alors à faire quelque chose d'admirable. Voyez le règne de saint Louis, ce modèle des rois, sur qui la pensée de l'historien se reporte comme sur le personnage peut-être le plus accompli des temps modernes, tandis que le culte du Chrétien honore en lui la réunion de toutes les vertus qui peuvent mériter le ciel, a dit l'homme de nos jours le plus capable assurément, par ses talents, par sa foi, par ses sentiments chevaleresques, de peindre cette noble figure qu'on ne peut se lasser d'admirer encore, après que tant de malheurs et de ruines ont passé sur son héritage. << En lisant l'histoire de cette vie si sublime et si touchante à la fois, on se demande si jamais le Roi du ciel a eu sur la terre un serviteur plus fidèle que cet ange, couronné pour un temps d'une couronne mortelle, afin de montrer au monde comment l'homme peut se transfigurer par la foi et par l'amour. Quel cœur chrétien pourrait ne pas tressaillir d'admiration en songeant à tout ce qu'il y a eu dans cette âme de saint Louis; à ce sentiment si violent et si pur du devoir, à ce culte exalté et scrupuleux de la justice, à cette exquise délicatesse de conscience qui l'engageait à répudier les acquisitions illégitimes de ses prédécesseurs, aux dépens même de la sûreté publique et de l'affection de ses sujets ; à cet amour immense du prochain qui débordait de son cœur, qui, après avoir inondé son épouse chérie, sa mère et ses frères, dont il pleurait si amèrement la mort, allait chercher le dernier de ses sujets, lui inspirait une si tendre sollicitude pour les âmes d'autrui et le dirigeait pendant ses heures de délassement vers la chaumière des pauvres qu'il soulageait luimême ! Et cependant, à toutes ces vertus de saint, il savait unir la plus téméraire bravoure; c'était à la fois le meilleur chevalier et le meilleur chrétien de France: on le vit à Taillebourg et à la Massoure. C'est qu'il pouvait combattre et mourir sans crainte, celui qui avait fait avec la justice de Dieu et des hommes un pacte inviolable; qui savait, pour lui rester fidèle, être sévère contre son propre frère; qui n'avait pas rougi, avant de s'embarquer pour la croisade, d'envoyer partout son royaume des moines mendiants, chargés de s'informer auprès des plus pauvres gens s'il leur avait été fait quelque tort au nom du roi, et de le réparer aussitôt à ses dépens. Aussi, comme s'il eût été une sorte d'incarnation de l'équité suprême, il est choisi pour arbitre dans tous les grands procès de son temps, entre le Pape et l'empereur, entre les barons d'Angleterre et leur roi; captif et enchaîné par les infidèles, c'est encore lui qu'ils prennent pour juge. Poussé deux fois par l'amour du Christ sur la plage barbare, après la captivité il y trouve la mort; c'était une sorte de martyre, le seul qui fût à sa portée, et le seul trépas digne de lui. Sur son lit de mort, il dicte à son fils ses mémorables instructions, les plus belles paroles qui soient jamais sorties de la bouche d'un roi. Avant de rendre le dernier soupir, on l'entend murmurer à voix basse : «O Jérusalem! Jérusalem !» Etait-ce à celle du ciel ou à celle de la terre qu'il adressait ce regret ou cet espoir sublime? Il n'avait point voulu entrer dans celle-ci par traité et sans son armée, de peur que son exemple n'autorisât les autres rois chrétiens à faire de même. Ils firent mieux pas un n'y alla après lui. Il fut le dernier des rois croisés, des rois vraiment chrétiens: il en avait été le plus grand. Il nous a laissé deux monuments, son oratoire et son tombeau, la Sainte-Chapelle et Saint-Denis, tous deux purs, simples, élancés vers le ciel comme lui-même. Il en a laissé un plus beau et plus immortel encore dans la mémoire du peuple, le chêne de Vincennes » (De MONTALAMBERT, Introduct. à l'Histoire de sainte Elisabeth.) Il y eut dans le cours du moyen âge une infinité d'autres figures qui, sans avoir avec celle-ci une ressemblance parfaite, eurent du moins beaucoup de ses traits. Ce sont là véritablement les oeuvres de la religion catholique, les objets de son amour. Quant à l'absolutisme, et surtout quant à cet absoJutisme injuste, débauché, cruel, qu'on vit régner trop longtemps, ah ! non-seulement la religion catholique ne l'a produit, ni aimé, mais elle l'a condamné, anathématisé, combattu avec une ardeur qu'il serait difficile d'excuser aujourd'hui si les pontifes qui la représentaient en pareille circonstance n'eussent dû être considérés comme les défenseurs des peuples, les arbitres des rois, les conservateurs inflexibles de la justice et de l'ordre en Europe, plutôt que comme les successeurs du doux Jésus, chargés de répéter à toute la terre ses paroles de bénédiction et d'amour. Ce que je viens de dire du moyen âge, je puis fe dire également de l'Italie, de l'Espagne, de l'Autriche... Ce que la religion catholique a produit dans ces lieux, ce qu'elle y aime, c'est la foi, ce sont toutes les vertus qui découlent de cette source divine. Quant à l'absolutisme qu'on peut y voir régner, ce n'est point son œuvre. Là comme ailleurs, il doit être le produit du temps, des lieux, des personnes, de mille événements qui ne tiennent point du tout ou ne tiennent qu'indirectement du moins à la religion. Il nous a semblé encore que des peuples vieillis, même au sein de la gloire, ou composés de fractions disparates, ont besoin d'une main plus ferme pour les conduire. Quoi qu'il en soit, je le répète, l'absolutisme ne saurait être considéré, là pas plus qu'ailleurs, comme l'œuvre propre de la religion catholique ou l'objet de ses particulières affections. Elle ne peut, bien entendu, lui refuser ses sympathies, tant qu'elle le voit s'y montrer favorable à la gloire de Dieu ou au bien de l'humanité; mais quand elle le voit devenir, là aussi, injuste, débauché, cruel, elle s'en sépare aussitôt et s'en tient nécessairement éloignée, comme le bien est éloigné du mal, le vice de la vertu, le ciel de l'enfer. Cette sympathie de la religion catholique pour l'absolutisme ne doit point nous surprendre, avez-vous dit, puisque le gouvernement de son chef, tant sous le rapport spirituel que sous le rapport temporel, est le plus absolu de tous les gouvernements. Dites plutôt que, sous le rapport spirituel principalement, c'est le moins absolu de tous les gouvernements, dans le sens ordinaire du mot; je veux dire qu'il n'y a point de gouvernement où la volonté de celui qui gouverne soit moins abandonnée à elle-même; j'ajouterai même, sans craindre d'être démenti par aucun de ceux qui se font une juste idée du catholicisme, qu'il n'y en a point et qu'il n'y en aura jamais. En effet, le gouvernement spirituel de l'Eglise, à quelque époque que vous puissiez le considérer, ce n'est point précisément le gouvernement de tel ou tel Pontife en particu lier, ou ce n'est du moins son gouvernement que quant à la forme; quant au fond, c'est le gouvernement de Pierre, toujours enseignant par la bouche de ses successeurs, et le gouvernement de Pierre est le gouvernement de Jésus-Christ, dont il est le vicaire perpétuel dans cette série ininterrompue de Pontifes qui ont occupé depuis l'établissement de l'Eglise et occuperont jusqu'à la fin des siècles le siége de Rome. En vérité, en vérité, je vous le dis, répétait Jésus à son apôtre Pierre, après l'avoir chargé de paître ses agneaux et ses brebis, ou, ce qui est la même chose, de diriger l'Eglise entière, lorsque vous étiez jeune, vous vous ceigniez vous-même, et vous alliez où vous vouliez; mais, quand vous serez devenu vieux, vous étendrez la main, et un autre vous ceindra et vous conduira où vous ne voulez pas aller. (Joan. xx1, 18.) Prises à la lettre, ces paroles étaient sans doute pour expliquer de quel genre de mort Pierre devait glorifier Dieu; mais, entendues dans le sens spirituel, ce n'était plus sa mort, ou du moins sa mort seule qu'elles annonçaient; c'était sa vie de Pontife, de vicaire de Jésus-Christ, c'était surtout cette vie impérissable, cette vie de dévouement, de sacrifice, de continuel martyre par laquelle il devait toujours glorifier Dieu dans ses successeurs. Cela est incontestable à la manière dont s'exprime Jésus-Christ, et d'après les circonstances dans lesquelles il fait entendre ces remarquables paroles. Voulez-vous cependant quelque chose de plus clair encore, s'il est possible? Ecoutez: Allez donc instruire les nations (Matth. xxvi, 19), a dit Jésus-Christ à ses apôtres, et nécessairement aussi à leurs successeurs dans l'apostolat, autrement l'Eglise qu'il était venu établir pour le salut de tous n'eût été que de courte durée: Allez instruire les nations, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé, et voilà que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles. (Ibid., 20.) Or savez-vous quel est le chef, l'âme immortelle de cette imperissable mission? C'est celui pour lequel Jésus a prié, afin que sa foi ne défaille pas, et à qui il a recommandé de confirmer ses frères après sa conversion. (Luc. xxII, 32.) C'est celui qu'il a établi pour être la base de son Eglise, une base contre laquelle les puissances de l'enfer ne prévaudront jamais, à qui il donné les clefs du royaume des cieux, afin que tout ce qu'il liera sur la terre soit lié dans le ciel et que tout ce qu'il déliera sur la terre soit également délié dans le ciel. (Matth. xvi, 18.) C'est Pierre, en un mot, Pierre par lui-même ou par ses successeurs. Le gouvernement spirituel de l'Eglise est donc toujours le gouvernement de Pierre, et par conséquent le gouvernement de Jésus-Christ. Il s'en faut donc bien que la volonté de chaque Pontife placé à la tête de l'Eglise soit abandonnée à elle-même et que son gouvernement soit absolu ou sympathique aux gouvernements absolus. Et qu'importe, me direz-vous, que le gouvernement de l'Eglise soit toujours le gouvernement de Pierre, et par conséquent, de Jésus-Christ? Il n'en est pas moins vrai que la volonté de chaque Pape a force de loi dans Toute la catholicité, et que, par suite de cela, son gouvernement doit être regardé comme absolu. Et qu'importe, vous répondrai-je à mon tour, que la volonté seule du Souverain Pontife ait force de loi dans l'Eglise, si cette volonté, pour les raisons que je viens d'expliquer, ne peut donner dans les écarts auxquels sont exposés les gouvernements absolus, écarts qui les font redouter et quelquefois profondément détester? Je pourrais me contenter ici de cette réponse, mais je puis sans peine aller beaucoup plus loin. Non, il n'est pas vrai que, même humainement parlant, la volonté du Souverain Pontife soit dépourvue, dans le gouvernement de l'Eglise, de toute assistance et de tout contrôle; elle en a de tels au contraire qu'il est impossible d'en rencontrer ailleurs ni d'en concevoir de plus considérables et de plus rassurants. Le Souverain Pontife ne gouverne point l'Eglise au gré de ses caprices, comme quelques-uns pourraient se l'imaginer. Il suit toujours en cela la marche qui lui est tracée par les saints canons. Or savez-vous ce que sont ces canons? Ce sont des règles mûries dans l'Eglise, élaborées par elle, éprouvées par elle, et quelquefois pendant une longue suite de siècles. Quand i promulgue comme de foi quelque vérité dogmatique ou morale, ce qui est le but fondamental de son gouvernement, ou bien c'est dans un concile œcuménique, ou bien c'est en parlant à toute l'Eglise du haut de sa chaire apostolique, comme on dit dans l'école. Or, à ne considérer la chose qu'au point de vue humain, je le répète, est-il possible de demander plus de garanties que nous en trouvons dans l'un et l'autre cas? Considérons d'abord le concile œcuménique. Voyons-le, soit à Nicée, où s'est tenu le premier, soit à Trente, où s'est tenu le dernier. Quelle assemblée! Tous les évêques du monde catholique ont été convoqués solennellement. Ils ont été convoqués de bonne heure pour préparer les matières, au reste, depuis longtemps débattues. Ils viennent au temps marqué, avec le résultat de leurs travaux, et dans la société de quelques savants les plus recommandables sous tous les rapports, qu'ils aient pu rencontrer. Réunis au même lieu, ils prient et font prier pour eux, ils étudient et font également étudier pour eux, ils confèrent souvent et longtemps ensemble afin de s'éclairer réciproquement; et ce n'est qu'après avoir tout pesé ainsi, non-seulement au poids du sanctuaire, mais au poids de la plus grande prudence humaine, si je puis m'exprimer de la sorte, qu'ils font connaître le résultat de leurs délibérations, que le chef suprême de l'Eglise oropose à la foi de tous les Chrétiens. Voyons actuellement ce qui se passe quand le Souverain Pontife promulgue une vérité de foi du haut de sa chaire apostolique, comme il a proclamé tout récemment le dogme de l'Immaculée-Conception. Il s'agit toujours d'une proposition souverainement importante et depuis longtemps débattue. Cependant, au moment de la décision suprême, le Souverain Pontife la fait étudier avec plus d'assiduité et de soin que jamais. Non content de recueillir toutes les lumières dont il est entouré au centre de la catholicité, dans cette ville éternelle où saint Pierre est venu établir le Siége apostolique, il écrit à tous les évêques du monde catholique, à cet immense concile œcuménique toujours assemblé, en un sens auquel Jésus a donné son Esprit, avec lequel il a promis de se trouver jusqu'à la consommation des temps, et qui peut à la rigueur se passer d'une réunion plus intime, corporellement parlant. Il recueille les voix, écoute toutes les observations; puis, quand tout a été bien pesé, nonseulement au poids du sanctuaire, comme je l'ai déjà dit, mais encore au poids de la plus grande prudence humaine, il prononce le décret dogmatique, auquel toute foi et toute raison doivent se soumettre avec la plus grande confiance. Sous le rapport temporel, le gouvernement du Souverain Pontife ne présente plus, et ne peut plus présenter, en effet, les mêmes garanties. Cette royauté matérielle paraît aujourd'hui nécessaire, il est vrai, pour l'exercice de la royauté spirituelle, si je puis m'exprimer de la sorte; mais ce n'est, après tout, qu'une royauté humaine, et, par conséquent, une royauté sujette à l'erreur et à l'entraînement de toutes les passions. Et cependant que de garanties encore dans cette seconde royauté! Celui qui gouverne est Toujours le chef de l'Eglise, le vicaire de Jésus-Christ, celui à qui il a fait la promesse d'une continuelle assistance pour les intérêts spirituels des hommes, auxquels se trouvent toujours plus ou moins liés leurs intérêts matériels. Le siége de sa royauté est à la ville sainte; et il a pour conseils, pour assistants et pour coopérateurs, les hommes les plus éclairés, généralement parlant, les plus prudents, les plus saints de la terre. Quand j'ai vu le sénat, disait un ancien, en parlant de l'ancien sénat romain, je me suis cru devant une assemblée de rois. Si cela fut dit non sans vérité d'un sénat païen qui n'avait d'autre mobile que l'ambition,quedirons-nous de ce sénat chrétien que le Souverain Pontife a revêtu de la pourpre en signe de sa royauté, el comme marque de la disposition où il doit toujours être de répandre son sang pour les intérêts spirituels et même temporels de l'Eglise? Qu'on ne me dise donc point que, vu les sympathies naturelles de la religion catholique pour l'absolutisme, tous les peuples s'en éloignent de plus en plus chaque jour, ainsi que ceux qui cherchent avant tout les intérès des peuples. Car ici encore ma réponse est facile. Non, ce ne sont point tous les peuples, comme vous l'affirmez faussement, qui s'éloignent, de plus en plus, chaque jour, de la religion catholique; ce sont les peuples dégénérés, ingrats, rebelles. Les autres, au contraire, s'y rattachent plus fortement que jamais. Et si j'admets que certains peuples s'en éloignent réellement, je n'entends pas que la population entière manifeste celle déplorable tendance, mais seulement la population gangrenée d'impiété ou d'immoralité, la population soulevée par les passions, et qui malheureusement entraîne presque toujours, en pareil cas, la masse après elle. Quant à la population demeurée saine, bien loin de s'en éloigner volontairement, elle s'y rattache au contraire plus sincèrement que jamais. Non, ce ne sont point ceux qui cherchent avant tout les intérêts des peuples qui s'éloignent de la religion catholique, et s'efforcent d'en éloigner les autres. Ce sont les charlatans de popularité, ceux qui, pour satisfaire leur ambition, trompent leurs concitoyens, au lieu de les éclairer, flattent leurs préjugés irréligieux, leurs passions les plus mauvaises, et les entraînent avec eux dans un abime de désordres, où ils périraient tous infailliblement, si la religion qu'ils abandonnent ne courait après eux, comme une mère dévouée après des enfants qui se perdent, et ne les ramenait corrigés dans son sein. Voyez la France. Puisse son exemple avertir les peuples si imprudemment engagés aujourd'hui dans cette voie funeste qui l'avait conduite au plus profond de l'abime! Puisse-telle ne jamais oublier elle-même cette leçon si chèrement payée! Elle est revenue aujour d'hui à des idées plus saines sur la religion catholique. Puisse-t-elle comprendre de plus en plus que, même au point de vue temporel, sa qualité justement méritée de fille aînée de l'Eglise est aujourd'hui comme toujours son titre le plus assuré au bonheur et à la gloire! Pour ce qui concerne le peuple français lui-même, je veux dire du moins pour ce qui concerne cet e partie toujours saine de la population, nous pouvous rester sans inquiétude. Il est toujours, considéré de cette manière, le peuple non-seulement le plus spirituel et le plus chevaleresque, mais le plus charitable, le plus dévoué, le plus sincèrement et le plus véritablement religieux de tous les peuples de la terre. Sous l'influence du catholicisme, son or, ses sueurs, son sang, tout en lui est à la disposition de toutes les bonnes œuvres. Calculez, s'il est possible, ce qu'il donne chaque année, soit individuellemen', soit collectivement, pour les pauvres, pour les établissements de charité, pour la propagation de la foi, pour subvenir, en un mot, aux besoins de toutes les infirmités physiques et morales. Vous diriez que la terre n'est pas assez grande, malgré son étendue, pour satisfaire le zèle de ses missionnaires, et que l'humanité, toute remplie de misères, n'en a pas assez cependant pour répondre au dévouement de ses sœurs de Charité. Sous ce rapport done, non-seulement nous pouvons rester sans inquiétude, comme je viens de le dire, mais nous devrions concevoir les plus belles espérances. Ce qui nous inspire des craintes sérieuses, c'est la conduite d'un grand nombre de ses enfants qui se disent préoccupés avant tout des intérêts du peuple, et qui le conduisent infailliblement à sa ruine, s'ils persévèrent. Ah! je le répète, que le passé les rende plus sages pour l'avenir. Puissent-ils reconnaître qu'une, noble soumission est infiniment préférable à une indépendance désordonnée, que ce qu'il y a de mieux pour le peuple, pour eux-mêmes, pour cette belle et noble patrie qui nous est si chère, c'est de nous rattacher tous, de plus en plus, au lieu de nous en éloigner, du centre de l'unité chrétienne, de celte divine institution que Jésus-Christ a promis d'assister jusqu'à la fin des siècles, de ce Siége apostolique, d'où nous est venue la umière de la foi, à laquelle le Sauveur des hommes a fait les solennelles promesses d'une sainte et éternelle durée. |