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sans leur répondre et alla droit à la cathédrale. Les femmes les plus distinguées, échevelées et fondant en larmes, faisoient retentir l'église de cris douloureux, et supplioient en même temps et le roi de faire grâce, et la bonté divine d'attendrir le cœur du monarque. Après sa prière, il se retira dans le palais, cachant avec peine son

émotion.

Alors des hérauts précédés de trompettes parcoururent la ville, et ordonnèrent aux habitans d'apporter leurs armes sur la place du palais. On en fit des faisceaux qu'on jeta par-dessus les murailles aux Suisses et aux bataillons d'aventuriers, qu'on n'avoit pas voulu laisser entrer dans la crainte du

pillage. Précaution qui marque que le
roi, tout irrité qu'il étoit, conservoit
encore quelqu'affection pour la ville.
Des tribunaux furent établis, des po-
tences plantées, des échafauds dressés.
On y traîna successivement les chefs
et les particuliers les plus mutins. Ces
exécutions dont on ignoroit le terme,
glaçoient tous les cœurs;
enfin parut
le jour où le roi devoit prononcer sur
le sort de la république. Il parut sur un
trône érigé dans la place du palais

où le peuple fut appelé et se rendit dans un morne silence, entouré de soldats menaçans.

Un maître des requêtes lut à haute voix un écrit qui rappeloit les bienfaits de la France, l'ingratitude des Génois et leurs horribles excès; les déclaroit en conséquence convaincus de crime de révolte et de lèse-majesté, et en punition déchus de tous leurs droits et franchises, et condamnés en expiation de leurs forfaits, à la perte de leurs biens et de leur vie. On apporta ensuite au milieu de l'assemblée, les chartes et les diplômes contenant les priviléges accordés en différens temps par les rois de France à l'ingrate république. Des bourreaux en brisèrent les sceaux en signe d'ignominie, les déchirèrent et les jetèrent au feu; pendant que les citoyens, les yeux fixés contre terre, tâchoient d'étouffer leurs sanglots, et de retenir leurs larmes, attendant pour euxmêmes une punition plus sévère. Mais le roi leur fit grâce de la vie et de la confiscation de leurs biens, à condition qu'ils payeroient une amende de trois cent mille ducats. Une partie fut destinée à bâtir une forteresse qui

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pour les impôts.

commanderoit le port, et où le roi mettroit garnison, ainsi que dans les îles de Corse et de Chio appartenant alors aux Génois. Les acclamatious dont ce pardon fut suivi touchèrent le sensible Louis, et presque sur-le- champ il rendit à la ville ses magistrats et ses priviléges, et lui donna un gouverneur vertueux et plein de sagesse, qui rappela pour quelque temps la paix dans cette cité de trouble et de discorde.

Modération Le roi, en commençant cette entrede Louis XI prise, s'étoit trouvé forcé d'imposer de nouvelles taxes; mais il avoit expressément ordonné qu'on ne les levât que quand ses revenus ordinaires seroient épuisés. Débarrassé de son expédition plutôt et à meilleur marché qu'il n'avoit cru, il envoya d'Italie où il étoit, une déclaration, par laquelle il sursoyoit à la levée de ces taxes, remercioit ses sujets de leur bonne volonté , renonçant à en faire usage, parce que leur argent, disoitil, fructifieroit mieux dans leurs mains que dans les siennes : exemple peutêtre unique de désintéressement et de justice.

Les comé

Les courtisans n'étoient pas contens diens s'en mo- de cet esprit d'épargne, qui empê

quent.

,

choit le monarque d'être à leur égard aussi généreux qu'ils le desiroient ; ne le trouvant pas prodigue, ils le taxoient d'avarice. Comme les opinions de la cour sont facilement adoptées par la ville, sur-tout quand elles ont une teinte de satire, les Parisiens s'amusèrent malignement au théâtre d'une parcimonie, à laquelle, étant d'ordinaire les premiers payans ils auroient dû sérieusement applaudir. Sous un costume, auquel on ne pouvoit s'empêcher de reconnoître le roi, des comédiens le représentèrent malade, entouré de médecins en consultation. Après plusieurs remèdes proposés, tous s'arrêtoient à de l'or potable qu'on lui faisoit avaler. Aussitôt il paroissoit guéri, tourmenté seulement d'une soif pressante pour la même boisson. On instruisit le roi de cette farce, et du succès qu'elle avoit eu. Il répondit: J'aime beaucoup, mieux faire rire les courtisans de mon avarice, que faire pleurer le peuple de mes profusions. Et comme on le pressoit de punir l'insolence de ces histrions: Non, dit-il, ils реиvent nous apprendre des vérités utiles. Laissons les se divertir,

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Tut secret

tion.

pourvu qu'ils respectent l'honneur des dames. Je ne suis pas fáché que l'on sache que dans mon règne on a pris cette liberté impunément.

Louis XII licentia la partie la plus de l'expédi onéreuse de sa armée. C'étoient les Suisses qui se faisoient toujours chèrement acheter. Ils ne pardonnoient pas au roi de les avoir privés du pillage de Gênes, et pour s'en dédommager, ils dévastèrent, en retournant chez eux, les pays par où ils passérent. Le roi ne fit aucun usage de cette troupe de cardinaux et d'évêques qu'il avoit menés avec lui. On disoit tout haut qu'il s'en étoit fait un cortège pour traiter plus honorablement le Pape, qui devoit venir recevoir de ses mains la ville de Bologne, restituée au Saint-Siége; mais tout bas on se confioit à l'oreille que le dessein étoit de s'assurer de la personne du souverain pontife, d'assembler un concile, d'y examiner son élection, de le faire déclarer simoniaqué, et de le déposer. Ce projet paroît avoir été disposé par le cardinal d'Amboise, qui avoit son injure à venger, et ne pouvoit se défaire du desir de se mettre la diare sur la tête; mais Jules I, ou averti, ou soupçonnant le piège, s'éloigna

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