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du roi de France un ambassadeur pour détourner le coup s'ils le pouvoient. Il se nommoit Condolmier , homme aimable, mais souvent embarrassé au milieu d'une cour où les préventions contre la république débordoient pour ainsi dire de toutes parts. Condolmier étoit valétudinaire. On lui demandoit un jour des nouvelles de sa santé. Je me porte assez bien, dit-il, si ce n'est que j'ai grand mal aux oreilles, en entendant journellement ce qui se dit contre la république. Dans une explication avec le roi, qui l'admettoit souvent à sa conversation, le Vénitien, après avoir remontré au monarque le danger qu'il couroit en quittant d'anciens allies, et en s'attachant à des ennemis à peine réconciliés, ajouta : La république a de grandes ressources, et c'est une entreprise bien périlleuse que de s'attaquer à une puissance gouvernée par tant de têtes sages. Monsieur l'Ambassadeur, répondit Louis, tout ce que vous venez de me dire est fort bon; mais j'opposerai tant de fous à vos sages, qu'ils auront bien de la peine à les gouverner. Nos fous sont gens qui frappent à droite et à gau

che, et qui n'entendent pas raison, quand ils ont une fois commencé.

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tiens se deter

En effet, si les conditions stipulées Les Vénile nombre et la marche des trou- minent à répes, et pour les points d'attaque, eussent sister. été exactement observées, il ne seroit resté aux Vénitiens que leur ville et quelques îles. Quand ils apprirent la conclusion de cette confédération, les avis furent partagés entre eux. Le plus grand nombre opinoit à attaquer la ligue par la négociation auprès de chacun des confédérés en particulier et à commencer par le pape. Dominique Trevisani, un des procurateurs de St.-Marc, dit : « Montrer de la foi« blesse, faire des offres à l'un des « conjurés, c'est autoriser tous les <<< autres à se mettre en droit de nous « dicter des lois, et il n'en faut at« tendre que de très-dures. Le meil<< leur moyen d'éviter notre ruine est « de nous roidir contre le danger, de << ne point désespérer de la patrie; et <«< quand nous ferons tout ce qui est << en notre pouvoir, Dieu ne nous « abandonnera pas ». Le doge reçut avec dignité le héraut français, qui vint lui déclarer la guerre. Il rappela les anciennes alliances, s'excusa sans bassesse des infractions qu'on alléguoit,

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Louis XII

en Italie. Bataille d'A

gnadel.

et finit par ces mots : Nous avons encore confiance en sa sacrée majesté, sinon nous espérons de nous défendre. Héraut! rapportez au roi de France ce que vous venez d'entendre. Partez.

Le pape Jules Il entama la guerre par des monitions, qui attribuoient leur pays au premier occupant, et qui 1509. furent suivies d'hostilités dans lesquelles il commença, à plus de soixante-dix ans, à montrer son goût pour les opérations militaires. Le roi entra luimême en Italie avec douze mille hommes de cavalerie d'élite, six mille Suisses et le double environ d'infanterie nationale. L'inconstance des Suisses avoit fait reconnoître la nécessité de s'occu

per de cette arme, si peu considérée alors, qu'il ne fallut pas moins que le généreux dévouement du chevalier Bayard, de Vandenesse, frère de la Palice, de Molard, gentilhomme dauphinois, qu'on peut regarder com/ne le créateur de l'infanterie française, et de quelques autres officiers distingués de gendarmerie, pour former et conduire, sans croire déroger, les nouvelles légions de cette milice. Les Vénitiens, qui faisoient alors tout le commerce du monde, opposèrent une armée plus

nombreuse, mais moins forte, en ce qu'elle étoit composée de mercénaires ramassés de tous les pays; à la vérité ils avoient à leur tête le comte Pétiliane et Barthélemi l'Al

viane deux excellens généraux. Malgré les talens des chefs, les soldats ne pouvoient tenir contre l'impétuosité française. Aussi le prudent Pétiliane, ne disputa t il pas le passage de l'Adda. Il ne s'occupoit qu'à se retrancher. Mais la crainte de se voir coupé de Crémone, d'où il tiroit ses subsistances, l'obligea à un mouvement, pendant lequelles deuxarmées se rencontrèrent.Ce fut près d'un village nommé Agnadel, sur les confins des états de Venise, avoisinant au Milanès. L'avant-garde française étoit maltraitée par l'Alviane, lorsque Charles, comte de BourbonMontpensier, et, après lui, le roi luimême qui commandoit le corps de bataille, se présentèrent pour la soutenir. Les lances mercénaires ne purent résister long-temps au choc de la gendarmerie encouragée par l'exemple de Louis, qui chargeoit en personne, et s'enfonçoit sans précaution dans les bataillons ennemis. Les boulets tomboient et tuoient autour de lui; on le pressoit de se retirer et de donner ses ordres de plus loin: Que ceux qui ont peur,

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Venise ca

nonnée.

répondit-il gaiement, se mettent à couvert derrière moi.

La déroute fut complète. Pétiliane sauva cependant une partie de l'armée, en donnant rendez-vous aux fuyards sous les murs de Bresse, qui étoit à quarante milles du champ de bataille. Plus près, la terreur auroit pu la dissiper de nouveau. L'Alviane blessé fut fait prisonnier par Vandenesse et amené couvert de sang dans la tente du roi ; il passoit pour homme d'esprit et intrépide; Louis XII, voulant l'éprouver, donne ses ordres en secret, et pendant qu'il s'entretenoit tranquillement avec le prisonnier qui avoit été pansé, l'alarme sonne. Tout le monde est troublé. Le roi apostrophe l'Alviane. Qu'est-ce donc, seigneur Barthélemi? Vos gens sont bien difficiles à contenter, veulent-ils en táter une seconde fois? Sire, répondit fort paisiblement le prisonnier, s'il y a combat aujourd'hui, ce ne peut étre qu'entre les Français; car les nôtres, vous les avez gouvernés de manière que vous ne les verrez de quinze jours en face.

Louis poursuivit les fuyards jusque sur les bords de la mer. De-là contemplant la ville, dont un large fossé le

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