Images de page
PDF
ePub

séparoit, il fit braquer contre elle six coulevrines, et tirer cinq volées à coups perdus, afin qu'il fût dit dans l'avenir, rapporte Brantôme, que le roi Louis XII avoit canonné la ville imprenable de Venise, Petit et vain triomphe, qui étoit même plutôt une preuve d'impuissance qu'un titre de gloire. Il obtint plus de profit de sa victoire par la prise de toutes les villes que lui donnoit le traité de Cambrai, et même par la plus grande partie de celles qui étoient dans le lot de l'empereur, et que les Vénitiens se hàtèrent de lui rendre, mais qu'il remit fidèlement à Maximilien. Il repartit ensuite pour la France, comme si l'expédition étoit finie, et qu'il n'eût plus rien à craindre, moyennant les troupes qu'il laissa dans le pays.

1509.

Maximilien, malgré l'engagement Honteuse repris dans le traité d'attaquer les Vé- traite de l'em

nitiens concurremment avec le roi de France, lui en laissa tout le danger ; il se fit long-temps attendre, parut enfin, presque dans l'arrière-saison, à la tête d'une nombreuse armée d'Allemands, et mit le siège devant Padoue, que les Vénitiens avoient reprise par un coup main. Ils y avoient jeté toutes les troupes échapées à Agnadel.

pereur.

1509.

La ville étoit bien munie, et Pétiliane, qui y commandoit, se défendoit trèsvaillamment. Les Français vinrent secourir les Allemands, avec un corps puissant de cavalerie, composé presque tout entier de chevaliers, du nombre desquels étoit Bayard. L'empereur, dont l'infanterie se rebutoit de la longueur du siège, voulut engager cette chevalerie, qui n'avoit coutume que de combattre à cheval, armée de toutes pièces, à mettre pied à terre, et à se mêler à ses fantassins. Les chevaliers français ne savoient quel parti prendre sur cette proposition, craignant ou de déroger, s'ils quittoient l'armure caractéristique de la chevalerie, ou d'être notés de couardise, s'ils refusoient. Bayard leur fournit la réponse; ce fut de consentir à se mêler aux fantassins dans un assaut qui se préparoit, si les chevaliers allemands en vouloient faire autant; mais ceux-ci refusèrent de s'assimiler à de vils piétons, et l'assaut n'eut pas lieu. Le siège tira en longueur. Les mercenaires impériaux mal payés, désertèrent par bandes, et Maximilien, lui-même, témoin de cet abandon, se déroba à son armée pendant la nuit avec ses seuls domestiques, laissant aux généraux

le soin de lever le siège, et de faire la retraite comme ils pourroient.

1509.

Vénitiens.

Les Venitiens, en montrant tou- Adresse des jours beaucoup de fermeté, mettoient néanmoins dans leurs procédés toutes les condescendances propres à adoucir leurs ennemis. Pendant ce siège ils tentèrent beaucoup de sorties, et firent des prisonniers, surtout parmi les Français, qui couvrant ordinairement la retraite, se trouvoient plus exposés à tomber entre leurs mains. Le gouverneur Petiliane les traitoit avec toute sorte d'égards, et leur rendoit souvent la liberté. Mes amis, leur disoitil en les renvoyant, jespère qu'avec. l'aide de Dieu, le roi votre maître, et la seigneurie, retourneront quelque jour en amitié, et n'étoit les Français qui soutiennent, croyez que devant qu'il fût vingt-quatre heures, je sortirois de cette ville, et en ferois lever le siège honteusement.

Les soldats de Jules et ceux du roi de Naples, qui faisoient partie de l'armée assiégeante, ne se conduisoient pas mieux que l'infanterie allemande. La Palice, qui commandoit les Français, découvrit des trahisons, et des connivences avec les assiégés. La nuit ils tiroient sur les quartiers de Maxi

Les Français sont trahis.

1509.

Le pape se

eux.

1510.

milien et des français; la Palice s'en plaignit et fit même punir quelques malheureux soldats, qui ne suivoient en cela que l'ordre de leurs chefs. Ceuxci agissoient en vertu des ordres de leurs princes que les Vénitiens avoient satisfaits. Le pape reconcilié secrètement avec eux, moyennant l'abandou des places qu'il désiroit, non-seulement cessa d'être leur ennemi, mais il devint leur protecteur, se brouilla avec le roi de France sur de légers prétextes, et attaqua tout aussi injustement Alphonse duc de Ferrare, allié fidèle des Français, et ennemi des Vénitiens.

Bientôt Jules ne tergiversa plus dans déclare contre les démonstrations de sa haine contre Louis XII · lui-même. Il accorda l'investiture de Naples à Ferdinand sans faire mention de Germaine de Foix, et de la réversion stipulée en faveur de la France. Dans un traité que le roi fit avec Henri VIII, qui montoit alors sur le trône d'Angleterre, et qui doit jouer un rôle si important à cette époque, Jules obtint qu'il y seroit inséré, que si Louis attaquoit l'église,la paix qu'ils juroient ensemble seroit nulle. C'étoit un ennemi que Jules, par cette clause, préparoit à la France. Il pratiqua aussi les Suisses

et parvint à les indisposer contre les Français, leurs anciens alliés. L'instrument de la séduction chez eux étoit Mathieu Scheiner, homme de basse extraction, d'abord régent de collége puis curé, ensuite chanoine, évêque enfin et même décoré du chapeau, sous le nom de cardinal de Sion, afin de lui donner plus d'autorité dans les cantons, dont il gagna l'entière confiance. Il avoit offert ses services à Louis XII, qui les dédaigna. Scheiner jura de le faire repentir de son mépris, et tint parole.

Jules commença enfin les hostilités par l'arrestation des ambassadeurs de France à Rome; par une tentative sur Gênes, qui ne réussit pas; et par une irruption dans les Etats du duc de Ferrare, qu'il accompagna de censures dirigées tant contre ce prince, que contre ceux qui lui donneroient aide ou conseil. Ce n'étoit pas vraisemblablement seule ambition, et le desir d'agrandir ses Etats, qui inspiroit à Jules une haine si envenimée contre Louis. On ne peut guère douter que le pontife n'eût découvert que le cardinal d'Amboise ne se défaisoit pas de l'espérance de mettre la tiare sur sa tête, en forçant le Tom. VI.

G

1510.

« PrécédentContinuer »