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1510.

guerres,

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pontife à l'abdiquer, et que le trop
complaisant monarque ne fût disposé
à appuyer de toutes ses forces la chi-
mère de son ministre. Mézeray trouve
mauvais qu'on reproche au cardinal
comme un défaut d'avoir aspiré
ardemment à la papauté; car, dit-
il, ce n'est pas un blâme à une su-
préme vertu de souhaiter une souve-
raine dignité, pour en bien faire à
toute la terre. Mais avec ce prétexte de
bien public, dont tout ambitieux ne
manque pas de se parer, on cause des
des ravages,
et le malheur
des peuples. C'est ce qui arriva de
l'ambition d'Amboise,et sans aucun pro-
fit pour lui. Vingt fois il compromit les
intérêts de l'Etat pour cette chimère,
et cependant la postérité lui a assigné
un rang honorable entre les bons mi-
nistres qu'elle propose en exemple.
C'est qu'au fond, l'amour du bien étoit
dans son cœur; que son ambition d'ail-
leurs fût modérée; que pour la servir,
il profita plutôt des circonstances qu'il ne
les fit naître; et qu'enfin, au milieu
des erreurs politiques où son illusion
le fit tomber, il ne cessa de conser-
ver pour le prince et pour les peu-
ples, un zèle et un attachement in-
violables,

à retourner

Les procédés hostiles du pape et ses 1510. hauteurs, qui tenoient de la bravade, Le roi pense déterminèrent le roi à retourner en en Italie et à Italie. Il se concerta avec l'empereur, faire déposer qui avoit aussi des motifs pour desirer que le pape éprouvât des revers. Ils devoient y entrer chacun avec une armée formidable, achever de dépouiller les Vénitiens; puis Louis conduiroit ou accompagneroit Maximilien à Rome, où il recevroit la couronne impériale. Alors tenant le pape entre leurs mains, ils convoqueroient un concile. L'empereur appelleroit les prélats allemands; et le roi, les prélats français : tous réunis devoient faire le procès à Jules, pour cause de simonie, vexations et autres griefs qu'il n'étoit pas difficile de trouver dans la vie d'un pontife ambitieux et perturbateur, puis le déposer et lui donner un successeur.

Mais c'étoit sur ce point que les deux princes ne se seroient peut-être plus entendus. Louis croyoit travailler pour son ministre, et Maximilien, devenu veuf l'année suivante, auroit voulu travailler pour lui-même. Ce travers lui avoit passé par l'esprit. Il s'en explique clairement dans une lettre à Marguerite, sa fille, gouvernante des Pays-Bas.

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Projet de

elire.

On y voit qu'il ne comptoit pas tellement sur la force, qu'il n'emMaximilien ployat aussi la négociation. Sa fille pour se faire l'exhortoit à se remarier. Il lui repond: Nous ne trouvons point pour nulle resun bon, que nous nous devons franchement marier; mais avons plus avant mys notre délibération et volunté de jamès plus hanter faem. Et envoyons demain mons de Gurce, évêque, à Rome devers le pape, pour trouver fachon que nous puyssuns accorder avec ly, de nous prendre pour ung coadjuteur, afin qu'après sa mort pouruns estre assuré de avoir le papal et devenir prestre, et après estre saint, et que il vous sera nécessité que après ma mort vous serez contraint de me adorer, dont je me trouverez bien glorioes. On croiroit, par cette fin, que ce seroit une plaisanterie, et une gaîté d'un père à sa fille mais on a la vraisemblance qu'il parloit très-sérieusement. 1° Parce qu'il recommande le secret, comme pour l'affaire la plus importante, et qu'il signe: Votre bon père Maximilien futur pape. 2° Parce qu'il mande qu'il avoit dans Rome une faction puissante pour lui, et, ajoute-t-il, je commence à pratiker les cardinaux,

;

dont deux ou trois cent mille ducats me feront un grand service, avec la partialité qui est déjà entre nous. Or, on sait que Maximilien n'étoit pas homme à hasarder ses ducats sans espoir de réussite. D'ailleurs ce n'étoit pas un projet si mal imaginé, que de vouloir joindre le sacerdoce à l'empire.

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dinal d'Am

Le cardinal d'Amboise auroit été Mort du car fort étonné de se voir un pareil con- boise. current, si la mort ne l'avoit surpris avant qu'il en eût connoissance. Dans sa maladie il disoit à un religieux qui le servoit: Ah! frère Jean! frère Jean, mon ami! que n'ai-je été toute ma vie frère Jean! I recommanda à sa famille assemblée autour de son lit, de ne jamais se mettre jusque là où il s'étoit mis. Si le cri de sa conscience fut excité par le repentir d'avoir sacrifié l'argent et le sang des Français au desir de la papauté, on doit compâtir à ses remords, sur-tout quand les meilleurs historiens conviennent que le peuple n'a jamais été plus ménagé, la police plus exacte, les fortunes particulières plus assurées, que sous son son ministère. Il étoit doux humain et obligeant. Entre les traits qui l'honorent, ou raconte qu'un gentil

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Mes res du

pope contre le roi.

homme voisin de la belle terre de

Gaillon, que le prélat cherchoit à agrandir, en possédoit une petite qui, entrant dans cette seigneurie, en défiguroit l'arrondissement. Le gentilhomme vint de bonne grâce en proposer au cardinal l'acquisition. D'Amboise s'informe du motif qui l'engage à se dessaisir du patrimoine de ses pères, auquel il paroissoit auparavant fort attaché. Le gentilhomme dit qu'il trouve pour sa fille unique un mariage avantageux qu'il ne peut accomplir sans vendre sa terre; qu'avec une partie du prix il marieroit sa fille ; et que de l'autre il s'en fera des rentes pour passer doucement sa vieillesse. Le cardinal achète, paie, et quand la demoiselle est établie, il rend au père son domaine. Ses courtisans s'étonnent comment il a pu se priver d'une possession tellement à sa bienséance. Le cardinal répond: Je suis encore trop heureux, puisqu'au lieu d'une terre j'ai acquis un ami. Ainsi entouré de l'orgueil de la puissance, qui ordinairement endurcit le cœur, d'Amboise sentoit le prix de l'amitié, et en convoitoit le charme.

Le roi fut vivement touché de cette perte, et déclara solennellement qu'il

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