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seroit désormais son premier ministre : c'étoit une tâche qui déja pénible par ellemême, étoit devenue plus fatigante par les circonstances. Il falloit conduire une guerre qui se faisoit au loin et pourvoir à ses besoins; retenir dans les liens d'une alliance équivoque, Maximilien toujours prêt à échapper; démêler les ruses de Ferdinand, et éviter ses embûches; sur-tout se tenir en garde également contre l'adresse et la violence de Jules, qui manioit avec une égale activité les armes spirituelles et temporelles. On le vit dans la guerre de Ferrare, à l'âge de près de quatre-vingts ans, l'épée à la main et la cuirasse sur le dos, commander lui-même ses troupes, et dresser des bulles de censures et d'excommunications. Au milieu de ces occupations il tomba dangereusement malade. Se voyant sur le bord du tombeau, il parut se repentir des excès où son ambition et sa vengeance l'avoient emporté. C'est dans cette circonstance que Maximilien travailla à se faire du moins coadjuteur, et se flatta même de l'espérance prochaine de la papauté. Car, écrivit-il à sa fille, dans cette même lettre citée plus haut, le pape a les fièvres doubs, et ne peut longuement fyre.

1510.

1510.

Les Suisses

de l'alliance

de France.

Mais Jules convalescent ne pensa plus comme Jules moribond. Ne pouvant pas séparer l'empereur du roi de France, il tâcha de soulever le corps germanique contre Maximilien. Une diète se tenoit à Ausbourg; le pape y envoya des ambassadeurs, qui se plaiguirent de la conduite du chef de l'empire contre le chef de l'église, et disposèrent les membres de la diète à exhorter leurs commettans, sous peine d'anathême, de ne donner ni aide ni secours à l'empereur dans une guerre sacrilège manifestement entreprise contre l'église. Les bruits qu'il sema en Italie et les imputations de schisme et d'hérésie qu'il accumula sur Louis XII, enlevèrent au monarque beaucoup de partisans chez ce peuple timoré.

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Mais le plus grand mal que le pape se dét chent fit à la France, ce fut de détacher les Suisses de leur ancienne alliance avec elle. Il est vrai que le roi donna lieu à leur défection par une vivacité injuriense qui lui coûta cher. Ils lui demandoient une augmentation de solde journalière pour les capitaines, et de pensions pour les cantons; et ils accompagnoient leur demande, de la menace de le quitter, en cas de refus. Que prétendent donc ces misérables

montagnards? dit le roi piqué, qui croyoit déjà les payer trop cher; est-ce qu'ils me regardent comme leur tributaire ou leur caissier? Ce mot imprudent, malignement recueilli, et méchamment paraphrasé, choqua ces hommes agrestes, mais fiers, et aida merveilleusement les manoeuvres du cardinal de Sion, auquel sa dignité et son éloquence donnoient une grande prépondérance dans les délibérations comrunes. Il fit briller aux yeux de ces paysans soldats, plus religieux qu'instruits, la gloire de se déclarer protecteurs du St.-Siège et d'être les soutiens de la sainte église. Par ces motifs la nation abandonna l'alliance de la France, non pas cependant assez généralement pour qu'il ne restât encore quelques Suisses dans ses armées.

1510.

Concile

national de

Le roi, instruit des mouvemens que se donnoient le pape et ses émissaires Tours. dans toute l'Europe, en France sur-tout, et même dans sa cour; qu'on y agitoit avec chaleur la question, si religieusement il étoit permis de faire la guerre au pape, se détermina à fixer l'opinion par l'autorité d'un concile national. Il le convoqua dans la ville de Tours. L'assemblée, composée d'une grande partie des évêques de France,

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1510.

d'abbés, de chanoines et de docteurs, décida qu'on pouvoit en sûreté de conscience s'emparer pour un temps des places fortes que le pape remplissoit de troupes, et qu'il employoit à troubler la tranquillité de ses voisins; qu'il étoit licite de se soustraire à son obéissance, non point absolument, ni en toutes manières, mais autant qu'il étoit nécessaire pour une juste défense, en sc conformant, pendant la soustraction, pour les cas de recours au St.-Siége, aux lois de l'ancienne discipline; que ce que le roi pouvoit pour soi-même, il le pouvoit pour ses alliés, et que les excommunications lancées pour des intérêts temporels étoient nulles et de nul effet. Louis XII n'avoit pas besoin de cette décision pour tranquilliser sa conscience, mais il n'en étoit pas de même de la reine Anne. Peu éclairée, et selon l'ordinaire d'autant plus décisive, il lui arrivoit de faire sur cet objet des remontrances assez vives à son époux. Il les écoutoit avec une patience qui étonnoit ses courtisans. Quelques-uns s'étant permis un jour de lui en témoigner leur surprise, il leur répondit tranquillement : Il faut bien souffrir quelque chose d'une femme, quand elle aime son hon

neur et son mari.

le.

1510. Ordonnan

Le concile exhorta le roi à faire connoître au pape sa décision. Cinq cardinaux, mécontens de Jules, et ne ces du concipouvant plus supporter sa hauteur et son opiniâtreté tyrannique, l'avoient déjà quitté, et s'étoient réfugiés à Florence, ville dévouée aux Francais. Pour plus grande sûreté, ils passèrent ensuite à Milan. De-là ils répandoient des manifestes contre la conduite du pape, qu'ils traitoient d'imprudente et de vexatoire, et faisoit entendre que les excès en étoient au point de ne ponvoir être réprimés que par un concile général, comme il étoit arrivé du temps des conciles de Constance et de Bale, dont ils citoient l'exemple. Les pères de Tours prièrent le roi d'accorder à ces cardinaux la protection dont ils avoient besoin pour assembler ce concile à Pise. Quant à ils s'engagèrent à se réunir à Lyon, pour délibérer sur la conduite du pape, quand il auroit donné réponse. En attendant, ils défendirent de s'adresser à la cour de Rome pour aucune affaire, et d'y envoyer de l'argent; et de leur autorité privée, et sans consulter le pape, ainsi qu'ils avoient

eux,

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coutume ils accordèrent au roi cent mille écus à prendre sur les biens.

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