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1512.

pas, se retiroient fièrement à Ravenne. On vient en avertir Gaston qui entouré de jeunes seigneurs de son âge, contemploit avec la joie d'un premier triomphe les ennemis fuyans dans la plaine. Il craint qu'une si belle retraite ne dérobe quelques rayons à sa gloire, et sans considérer la foible escorte qui l'accompagnoit, il part, et vole affronter cette colonne formidable: mais du premier choc il est enlevé de son cheval, et jeté dans un fossé bourbeux, où il expire. Presque tous les jeunes imprudens qui l'avoient suivi furent tués; un d'entre eux, Odet de Foix, sieur de Lautrec, et depuis maréchal de France, fut percé de vingt-deux coups de lance, dont aucun ne se trouva mortel.

Cet événement répandit dans l'armée victorieuse une sombre tristesse qui éclata bientôt en gémissemens et en sanglots. On regrettoit Gaston, ce vainqueur de vingt-deux ans, tant pour lui-même, que pour les grandes choses qu'on en espéroit. Il n'y a point de doute qu'il ne fût allé droit à Rome et n'eût rempli les desirs de son oncle. Jules, qui apprit la nouvelle de la défaite de son armée avant celle de la mort du général ennemi,

en trembla. Mais la Palice, qui prit le commandement des Français, n'étant pas instruit des intentions du roi, se contenta d'investir Ravenne qui ne tarda pas à se rendre, et y attendit les ordres du roi. Louis, singulièrement attaché à son neveu, qui, à la vérité, méritoit toute sa tendresse, fut accablé de tristesse à la nouvelle de sa mort. Il répondit à ceux qui le félicitoient de sa victoire : Souhaitezen de pareilles à mes ennemis.

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grâces du roi.

Cette victoire, en effet, fut comme Triomphe du le signal des malheurs qui fondirent pape et dissur lui depuis ce temps, presque jusqu'à sa mort. Le pape, informé de la consternation de l'armée et de l'irrésolution du chef, reprit courage. Il ranima la ligue de la sainte union prête à se dissoudre, et y rattacha plus fortement les barons romains et d'autres princes Italiens, qui s'en étoient éloignés à la vue des grandes forces envoyées de France pour la détruire. Contre son ordinaire, l'impétueux et violent Jules s'appliqua à se concilier les confédérés par des égards et de bonnes manières; mais il lança les foudres de sa colère sur les cardinaux et les autres prélats revenus de Milan à Pise, qui l'avoient déclaré suspendu de ses

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La Navarre conquise par

fonctions, et dont Louis XII avoit fait recevoir le decret en France. 11 les somma de comparoître au concile de Latran, pour y subir la honte d'une condamnation, et d'avance il les frappa d'excommunication. Enfin cet habile politique qui avoit si bien aiguisé la jalousie de Maximilien touchant les exploits des Français, et à la sollicitation duquel, ce prince après avoir manqué aux principaux engagemens de la ligue de Cambrai, en 'envoyant d'abord que de foibles secours et dans des délais qui les rendoient inutiles, les avoir retirés aux Français dans les momens périlleux remua aussi l'Angleterre; et ce fut encore à son instigation que, sans avoir été offensé et sous les plus frivoles prétextes, Henri VIII se détermina à attaquer la France

La crainte d'une descente sur les les Espagnols côtes de Picardie et de Normandie, força Louis de rappeler, pour la sûreté de ces provinces, les troupes stationnées sur les frontières du Dauphiné et de la Provence, que Ferdinand, roi d'Arragon, menaçoit d'une invasion, dans l'intention d'opérer une diversion favorable à son royaume de Naples. La Navarre couvroit la France

de ce côté. Le trône en étoit occupé 1512. par dom Juan d'Albret. Le roi catholique requiert brusquement le passage. Le Navarrois avoit encore assez de troupes pour opposer de la résistance et attendre les renforts que Louis, son parent et son allié, intéressé à sa conservation, n'auroit pas manqué de lui envoyer. Mais dom Juan, prince indolent, amateur du repos et des plaisirs, accorde la demande malgré les remontrances de Catherine de Foix son épouse. Ferdinand, afin d'assurer, dit-il, son retour, met garnison dans la capitale, s'empare des places fortes, et exerce par-tout les actes les plus absolus de la souveraineté. Les Français commandés par le jeune duc de Valois, le duc de Longueville et Charles de Bourbon-Montpensier, depuis connétable, accoururent en vain au secours de leur allié. Ils reconquirent, à la vérité, presque tout le royaume; mais Pampelune, la capitale, les arrête. L'hiver survint, et faute de vivres dans un pays ruiné, ils furent forcés de repasser les Pyrénées. La désolée Catherine, ne pouvant s'empêcher de se regarder comme privée de sa couronne, disoit douloureusement à son Tom. VI.

H

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Les Français

se fortifient

mari: Dom Juan, mon ami, si nous fussions nés vous Catherine, et moi dom Juan, nous serions encore rois de Navarre.

La nécessité où le roi se trouvoit dans de se defendre contre les Anglais et le Milanès. les Espagnols, l'avoit empêché de re

cruter et de renforcer l'armée d'Italie affoiblie par ses propres succès. Presque toute l'infanterie et le brave de Molard, son instituteur, avoient péri à Ravennes. Comme l'armée étoit mal payée, les soldats se dédommageoient par le pillage, s'empressoient ensuite de mettre leur butin en sûreté et désertoient par bandes. La Palice, hors d'état de rémédier à ce désordre, se retire prudemment dans le Milanès, en garnit les places et se prépare à résister à un débordement de Suisses, que le cardinal de Sion amenoit contre ce dernier asyle des Français en Italie, et auxquels les Grisons et Maximilien, alliés ostensibles de Louis XII avoient donné passage, et fourni des renforts de cavalerie et d'artillerie qui leur manquoient. On appeloit Scheiner le général tondu. A l'exemple de Jules, son patron, il portoit la cuirasse, dirigeoit les ope

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