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1513.

née des éperons, parce que les Fran-
çais s'y servirent plus d'éperons que
de la lance. Leur
perte fui peu consi-
dérable, et l'action plus déshonorante
pour la France qu'avantageuse à l'en-
nemi. Il prit Thérouenne, et accorda
à la garnison les honneurs de la guerre.
Il y eut débat entre l'empereur et le
monarque anglais à qui appartiendroit
la conquête. Pour s'accorder, ils con-
vinrent d'y mettre le feu. Elle fut
ruinée de fond en comble. On n'en
conserva que les églises, exception
dont on a plusieurs exemples dans ce
siècle. Henri VIII se laissa encore
engager à assiéger Tournai, qui ne
devoit pas lui être plus utile que Thé-
rouenne: mais il ne céda pas aux ins-
tances de Marguerite d'Autriche, qui
la demandoit pour servir de rempart,
contre les Français, aux états de son
dont elle étoit gouvernante.
Il y mit garnison anglaise, afin qu'il
ne fût pas dit qu'il retournoit dans son
fle, sans avoir rien acquis sur le con-
tinent. Ses conquêtes s'y bornèrent à
cette ville, par la sage circonspection
de Louis, et au moyen d'une di-
version qui eut lieu en Angleterre,
et qui força Henri d'y faire repasser
des troupes.

neven "

faveur de

Louis.

en

Jacques IV, roi d'Ecosse, beau- 1513. frère de Henri, dont il avoit épou- Diversion de sé la sœur, et néanmoins fidèle allié l'Ecosse de la France, avoit fait une irruption dans le nord de l'Angleterre. Ses soldats y firent un butin immense; desirant le mettre en sûreté, la plupart abandonnèrent l'armée ; en sorte qu'elle étoit considérablement réduite lorsque les Anglais parurent. Jacques pouvoit reculer; il en eut honté, et engagea à Flodden un combat aussi terrible qu'imprudent, où il perit avec dix mille des siens. Son corps fut trans féré à Londres, où il y demeura sans sépulture, jusqu'à la levée de l'excommunication qu'il avoit encourue, comme partisan de Louis XII.

Dijon.

Les Suisses investirent Dijon, mau- Siège et vaise place, mal pourvue, que le accord de maréchal de la Trémouille ne désespéra pas de sauver; il y soutint des attaques qui étoient plutôt des menaces que de véritables assauts; les assaillans ignoroient absolument la tactique des sièges. Celui-ci tira en longueur. Les Suisses s'ennuyèrent et commencèrent à desirer de revoir leurs montagnes ; la Trémouille leur offrit l'appât d'un traité. Ils étoient si mal iuformés que, quoique les choses fussent bien changées par la mort du pape Tules, ils de

1513.

mandèrent tout ce que de son vivant il leur avoit suggéré : dissolution du concile de Pise, envoi des prélats français an concile de Latran, satisfaction au Saint-Siége par l'abolition des priviléges que l'Eglise de France prétendoit; reconnoissance des droitsde Maximilien Sforce sur le duché de Milan; plus une somme de quatre cent mille ducats en trois paiemens, tant pour les frais de la guerre, que pour d'anciens arrérages. La Trémouille accorde tout, saufà être désavoué quand le péril seroit passé, et tire avec assez de peine, pour le premier paiement, vingt mille écus de la bourse de ses officiers, en leur donnant l'exemple. L'argent est étalé aux yeux des Suisses ; ils se jettent dessus, l'emportent et décampent, se contentant de quelques otages, sans s'embarrasser si le maréchal avoit eu des pouvoirs suffisans pour accorder la teneur du traité, et sans attendre la ratification du roi. Louis XII désavoua en effet le maréchal, et les otages coururent des risques; mais des arrangemens pécuniaires les tirèrent des mains des Suisses, et la Trémouille, après un moment de disgrâce peu mé-. ritée, fut loué d'avoir éloigné, à si bon marché, un danger aussi pressant.

Le roi étoit dans un état vraiment pénible, près de voir au centre de son royaume des ennemis que jusqu'alors il avoit repoussés au loin, et que ses malheurs enhardissoient; infirme et sujet à des attaques de goutte violentes il fut encore privé par la mort d'Anne de Bretagne, son épouse, de soins affectueux, utiles adoucissemens aux maladies de l'esprit et du corps. Elle mourut à trente-six ans, généralement estimée et révérée. Son caractère étoit ferme, et quelquefois opiniâtre. Louis en plaisantant, l'appeloit sa Bretonne. Elle lui causa plusieurs fois des impatiences pendant ses démêlés avec le pape Jules, dont ses scrupules lui faisoient prendre le parti et plaider la cause trop chaudement. Pensez-vous, lui disoit le roi, au sujet du concile de Pise, auquel, comme souveraine de Bretagne, elle avoit empêché les évêques de cette province de prendre part: Pensez-vous être plus savante que tant de célèbres universités qui l'ont approuvé? Et vos confesseurs ne vous ont-ils point dit que les femmes n'ont point de voix dans l'Eglise? Le continuateur de Velly remarque: « qu'é<<< pouse tendre, complaisante et sou<«mise avec Charles VIII, qui ne

1514.

Mort d'Anne de Bietagne.

1514.

<« paroît pas s'être donné beaucoup << de peine pour s'en faire aimer, et « qui Ini fut peu fidèle, elle devint « contrariante, capricieuse, hautaine « avec Louis XII, qui le premier l'a<«voit rendue sensible, et qu'elle pos« sédoit tout entier ».

Anne étoit fort dévote, grave et sévère dans ses entretiens. Elle appela auprès d'elle des filles de familles nobles et distinguées, qu'elle se plaisoit à former aux occupations et aux vertus de leur sexe. Elles ont été, sous les règnes suivans, appelées filies d'honneur. Ce cortège aimable attiroit à la cour les jeunes seigneurs, et a beaucoup contribué à perfectionner la galanterie française. La reine étoit fort jalouse de son autorité sur la Bretagne. Elle nommoit aux offices et aux bénéfices, et en tonchoit les revenus, dont elle faisoit un noble usage. Cette princesse aimoit la chasse, et avoit un équipage bien composé, qu'elle employoit souvent. Elle étoit généreuse et aumonière. Elle institua l'ordre de la Cordelière, en l'honneur des liens dont le sauveur du monde ful garotté la nuit de sa passion. Le mariage de Claude, sa fille aînée, avec François, duc d'Angoulême, qui avoit été

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