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les épouvantoit pas ; ils forcèrent les barricades, pénétrèrent jusqu'au roi dans le centre de l'armée et essayoient déjà de diriger contre les Français l'artillerie dont il s'étoient emparés. Un mal-entendu contribua à leur succès. Le duc de Gueldres persuadé de la paix, et menacé dans ses états par l'archiduc Charles, étoit parti en poste, laissant à son neveu, le jeune Claude de Lorraine, comte de Guise, qui paroissoit pour la première fois dans les armées, le commandement de ses lansquenets. Ceux-ci conclurent de la retraite subite de leur chef, que dans le traité négocié avec les Suisses, on les avoit sacrifiés à leurs rivaux ; et que pour se dispenser de les payer on avoit résolu leur perte. Ce soupçon réfroidit leur courage, et au lieu de tenter de repousser les Suisses, ils battirent en retraite, et il fallut du temps pour dissiper leur erreur. On combattit tant que le jour dura: la nuit suspendit les coups. Suisses et Français restèrent pêle-mêle chacun dans l'endroit où l'obscurité les avoit surpris, couchés les uns près des autres dans un profond silence. Le roi prit un court sommeil sur un affût de canon, et si près d'un bataillon suisse, que, de peur qu'il

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1515. ne fût reconnu et assailli, il fallut éteindre une lumière dont il étoit foiblement éclairé. Les premiers rayons de l'aurore réveillèrent les combattans et leur fureur. La mêlée recommença; et la victoire resta incertaine jusquà ce que l'Alviane, général des troupes Vénitiennes, averti de la bataille vers minuit, par un courier que lui dépêcha le chancelier Duprat, accourut, prit les Suisses à dos, les força d'abandonner le champ de bataille, et décida la victoire: mais il en fut la victime. Violemment incommodé dans ce moment d'une hernie, il crut devoir à l'urgence des circonstances le sacrifice d'un repos que réclamoit la nature, demeura vingt-quatre heures à cheval, et succomba à cette généreuse imprudence. Les Suisses laissèrent quatorze mille morts ou blessés, ne prirent point la fuite, mais se retirèrent en bataillons serrés. Le roi, soit considération de leur valeur, soit prudence, et se ressouvenant peut-être du malheur du jeune comte de Foix à Ravennes, défendit qu'on les poursuivit. Les Français perdirent à-peu-près quatre mille hommes. Le connétable de Bourbon qui dirigea toute l'action eut à regretter le duc de Chatelleraut son frère; et la Tré

mouille, le prince de Talmont, son fils. Le comte de Guise atteint de vingt blessures, auroit été écrasé si son écuyer ne l'eût couvert de son bouclier. Mais ce fidèle serviteur privé de ce moyen de défense, fut frappé lui-même d'un coup mortel et expira sur le corps de son maître. Un Ecossais, témoin de ce dévouement, vint, après le combat dégager le corps du jeune prince, enseveli sous un tas de morts; il étoit sans connoissance et respiroit à peine. Ses soins, et l'art des chirurgiens le rendirent à la santé au bout de trois mois. Le maréchal de Trivulce, qui s'étoit trouvé à dix-sept batailles, dit qu'auprès de celle-ci, qui étoit un combat de géans, les autres n'étoient que des jeux d'enfans. On l'appelle la bataille de Marignan, du nom d'une ville située sur le Lambro, à quatre lieues de Milan, voisine de l'emplacement où elle fut livrée.

Ce fut immédiatement après cette bataille que le roi voulut se faire armer chevalier par Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche. Celui-ci se défendoit de cet honneur, se voyant en présence du connétable, des princes du sang et de plusieurs généraux qui

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lui paroissoient y avoir plus de droit que lui, mais qui tous applaudissoient au choix du monarque. Cédant enfin à leurs instances et à celles du prince, Bayard tire son épée, et du plat frappant le roi sur le cou : Sire, lui dit-il, autant vaille que si c'étoit Roland ou Olivier, Godefroi, ou Baudoin, son frère. Certes, êtes le premier prince que oncques fit chevalier : Dieu veuille qu'en guerre ne preniez la fuite. Regardant ensuite son épée avec une joie ingénue: Tu es bien heureuse, mon épée, dit-il, d'avoir aujoud'hui, à si vertueux et si puissant roi, donné l'ordre de la chevalerie. Certes, ma bonne épée, vous serez moult bien comme relique gardée, et sur toutes autres honorée; et ne vous porterai jamais si non contre Turcs, Sarrasins ou Maures. Puis, ajoute son historien, il feit deux sauts, et remit son épée dans le fourreau.

Le cardinal de Sion s'étoit sauvé is par pendant la nuit à Milan, sous prétexte çais d'aller y chercher des secours. Quand

les Suisses y arrivèrent harrasés, et bien diminués de nombre, ils demandèrent leur solde. Sforce n'avoit point d'argent. Leurs oreilles restèrent fermées à ses promesses et aux adulations du

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prélat. Honteux d'être trompés, il regagnèrent tristement leurs montagnes. Quinze cents seulement restèrent à la garde du château où Sforce s'enferma avec eux; mais bientôt, craignant le sort de son père à Novare, et d'être livré comme lui par ses protecteurs, il préféra un traité, sinon glorieux, du moins tranquillisant, à une résistance d'un succès douteux. Il céda au roi les châteaux de Milan et de Crémone, les seules places fortes qui lui restoient, et renonça à tous les droits et prétentions qu'il pouvoit avoir sur le duché. On lui assura une pension de soixante mille ducats, à condition de fixer sa résidence en France, et de n'en point sortir sans la permission du roi. A ces conditions Sforce partit pour la France; bien heureux, disoit-il, d'être délivré de la servitude des Suisses, des caprices de l'empereur, et des fourbes des Espagnols.

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Suppression de la pragmatique.

Sitôt que François I fut vainqueur, Concordat les princes d'Italie s'empressèrent de le visiter par eux-mêmes ou par leurs ambassadeurs. Le pape ne fut pas des derniers. Il eut avec le monarque une entrevue à Bologne. C'étoit un travail digne de la politique italienne, de trouver le moyen de faire renoncer

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