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phante dans Milan et y reçut le serment de fidélité de ses nouveaux sujets: afin de se les attacher plus fermement, il les déchargea de presque tous les impôts, sans songer que les conquêtes ne se conservent pas sans troupes, ni les troupes sans tributs. Il divisa le duché en cantonnemens auxquels il préposa des capitaines. Jean-Jacques Trivulce, seigneur Milanais, ennemi personnel de Ludovic, et qui avoit beaucoup contribué à la conquête, reçut le titre de gouverneur. Louis, après avoir pris les mesures qu'il crut nécessaires, tant pour se rendre maître de ce qui restoit à soumettre, que pour s'assurer la possession de ce qu'il tenoit, retourna en France.

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dans le Mi

lanès.

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Peut-être, s'il fut resté, auroit-il Fermentation conduit à une fin prospère une entre prise si bien commencée. Point de doute que la présence du monarque n'eût mieux entretenu la bonne intelligence entre les commandans particuliers, que l'autorité d'un gouverneur, quelque mérite qu'il eût; que les peuples, sous les yeux d'un roi bon et juste, n'eussent supporté avec quelque complaisance la licence de leurs vainqueurs, ou qu'ils n'y eussent été moins exposés ; que les alliés enfin, surveillés

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de près par le souverain lui-même s'ils ne fussent point restés fidèles, de coeur, à leurs engagemens, n'eussent pas du moins osé se permettre ouvertement rien qui lui fût contraire. Le départ du roi changea les obligations et les convenances. Les alliés ne purent voir, sans inquiétude, établi au milieu d'eux un monarque, leur supérieur en forces et en majesté, au lieu d'un duc de Milan, qui étoit leur égal. Ils se communiquèrent des motifs de crainte et des moyens d'insurrection, et se montrèrent les uns décidés à éclater, et les autres à garder une neutralité apparente, malgré les traités qui leur prescrivoient d'agir de concert avec le roi de France. A la tête de ceux-ci étoient les Vénitiens. La discipline d'ailleurs se relâcha entre les soldats. Ils devinrent exigeans et pillards, pendant que leurs officiers indévots et galans, imitant inconsidérément les conquérans de Naples sous Charles VIII, provoquèrent la jalousie et la haine des Italiens. De ces causes réunies se forma une fermentation sourde, qui donna des espérances à Ludovic.

Il erroit de tous côtés, cherchant Efforts de des secours. Maximilien lui fournit ouvertement des troupes et Philippe. son fils, lui permit d'en lever secrète

Ludovic-le-
Maure.

ment dans ses Etats de Flandre. Ces capitaines italiens, qui se vendoient à ceux dont ils étoient mieux payés, accoururent au son de son argent. Les Suisses, comme nous l'avons dit, ne furent pas indifférens à ce genre de sollicitation, et ils se rangèrent sous ses drapeaux, en nombre presqu'égal à celui de leurs compatriotes, qui combattoient pour les Français. Ainsi Ludovic se composa une armée d'environ trente mille hommes, et rentra dans le duché, rappelé par ceux qui l'avoient ou délaissé ou trahi.

Les troupes françaises étoient alors dispersées, et pour comble de malheur, la division régnoit parmi leurs généraux. Trivulce vouloit qu'on choisît un poste avantageuux ou l'on pût opérer une jonction; le comte de Liguy proposoit de marcher à l'ennemi; et ne pouvant amener les autres généraux à son opinion, il entreprit d'y marcher seul. Trivulce, abandonné par lui à la merci des Milanais, se vit assiégé dans l'hôtel-de-ville où il s'étoit rendu peu accompagné. La résolution d'une soixantaine de braves et sa propre valeur, le dégagèrent de la multitude et lui permirent de gagner la citadelle. On y vit arriver peu après le comte de Ligny,

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Il est fait

qui n'avoit pu s'opposer, ni à la marche de Ludovic, ni à la révolution qui s'opéroit en sa faveur dans toutes les villes qui se trouvoient sur son passage. Les deux généraux se retirèrent alors à Mortaro, ville forte, par-delà le Tesin, derrière des retranchemens formidables que Trivulce fit élever, afin d'y pouvoir attendre en sûreté les secours qu'on lui préparoit en France.

La principale attention de Ludovic prisonnier. portoit sur ce secours promis. Pour l'intercepter, il se porte à Novare, par où il devoit arriver assiège la

,

ville et s'en rend maître. La Trémouille chargé d'amener le renfort, se poste de manière à couper la retraite à Ludovic qu'il resserre dans la ville entre la citadelle et son armée. Pendant le siége les Suisses des deux armées se visitent. Dans les conversations, ceux de Novare reconnoissent que le service du roi de France, comme le plus lucratif, est le plus avantageux, et ils commencent à chanceler dans la fidélité jurée au duc de Milan. Celui-ci, pressé d'ailleurs par la famine, n'imagine pas d'autre moyen de se tirer d'embarras que de hasarder une bataille. Quand les deux armées sont en présence, presque tous ses Suisses l'abandonnent, sous pré

texte de ne vouloir point se battre contre leurs frères, et ils rentrent dans la ville. Le reste de l'armée, effrayé de leur dé. sertion, est obligé de les suivre. Ludovic se trouve environné de mercénaires qui murmurent, menacent, traitent ouvertement avec les Français et en viennent enfin à capituler sans lui. Il les conjure du moins de le pas livrer à l'ennemi. Tout ce qu'il peut obtenir, c'est que lui, ses frères, et d'autres personnes considérables de sa cour, auront la liberté de se confondre dans les troupes qui sortiront, de manière à échapper, s'ils peuvent, à la vigilance des assiégeans. L'armée soumise, défile entre deux lignes des Français. Ludovic s'étoit attaché à un bataillon Suisse déguisé en cordelier, il le suivoit comme aumônier, et monté sur un mauvais cheval; soit connivence des Suisses qui l'indiquèrent par quelque geste, soit attention sévère des Français, il fut réconnu et arrêté, ainsi que ses frères, et tous les seigneurs de sa suite, qu'on envoya en France en différentes prisons: Ludovic, conduit d'abord à Pierre-Encise, fut ensuite transféré au château de Chinon, où il resta jusqu'à la fin de sa vie, qui dura Tome VI.

B

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