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massacrant, brûlant, saccageant, jusqu'à douze lieues de Paris. Les paysans avoient eu ordre de transporter vivres, meubles, bestiaux, et tout ce qu'ils pourroient sauver, dans les villes que l'on avoit munies de bonnes garnisons. Ce commandement fut si bien exécuté, que l'armée anglaise, souffrant de la famine, et tourmentée par les pluies et les frimats de l'automne, fut contrainte de se retirer. Elle se vengea sur les édifices, et détruisit des villages et des bourgs entiers.

1523.

Le roi ne put donner d'autre se- Les Français cours à cette province malheureuse, en Italic. parce que l'élite de ses troupes étoit occupée tant à repousser les Espagnols du côté des Pyrénées, qu'a tâcher, sous l'amiral Bonnivet, l'ennemi personnel du connétable, de reprendre le Milanès. Il y auroit réussi, s'il avoit su profiter de l'avantage qu'il eut de rassembler son armée le premier. La ville de Milan étoit toute démantelée, les fortifications en ayant été détruites dans les alternatives de changemens de maîtres qu'elle avoit éprouvées. Quand Bonnivet en approcha Prosper Colonne, se croyant dans l'impossibilité de résister à une brusque attaque, délibéra de l'abandonner; l'ami

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1523.

Ravitaille

mone.

ne,

ral, trompé par des émissaires de Colonse contenta de l'observer, dans l'espérance de l'affamer. Cependant, hors d'état de garder tous les passages, les vivres entroient, même abondamment, malgré lui, et pour n'être pas coupé lui-même de ses magasins par les alliés, auxquels il avoit par lenteur laissé le temps de se réunir, il se vit contraint de quitter sa position et de repasser le Tésin.

Sans la constance du capitaine Janot ment de Cré-d'Herbouville, les Français auroient perdu le château de Crémone, leur dernière place de défense. Le chevalier Bayardy arriva à travers les postes de l'armée de l'empereur, répandue en Italie et devenue plus forte que celle du roi de France. Janot avoit si bien inspiré sa valeur à ses soldats, et tellement gagné leur confiance, que déterminés à ne se pas rendre, ils souffrirent avec lui les dernières extrémités de la famine, et en furent victimes comme lui. Quand Bayard entra dans la citadelle, il n'y trouva que sept hommes résolus de mourir de faim comme leurs compagnons, si on ne fût pas venu à leurs secours. Ils étoient ex-. ténués, desséchés, et ayant à peine figure humaine. Exemple mémorable

d'une bravoure réfléchie et persévé- 1523. rante, plus rare que l'impétuosité du

courage.

Bon- Retraite

de

1524.

Après avoir passé le Tésin, nivet, avoit pris ses quartiers d'hiver; Romagnano. il avoit licencié une partie de son infanterie, pour en économiser quelques mois de solde, et avoit permis à la plupart de ses gendarmes d'aller se recruter en France ; il étoit enfin dans la plus grande sécurité, lorsque les alliés, que ne commandoit plus Prosper, mais Bourbon, Lannoi et Pescaire, traversèrent le fleuve avec le dessein de lui couper les vivres. Bonnivet, pris au dépourvu, et quoiqu'inférieur en nombre, leur présenta vainement la bataille; ils espéroient l'avoir à discrétion, sans combattre. Leurs mesures furent si bien prises, qu'ils lui coupèrent la communication avec toute espèce de secours, et qu'ils lui enlevèrent même la ressource de la retraite. Bonnivet l'ordonne cependant, et trompa un ennemi qui croyoit l'avoir enfermé; mais il fut vivement poursuivi par Bourbon, que sa haîne rendoit vigilant.

Quelque diligence que fit Bonnivet, les ennemis l'atteignirent à Romagnano, près d'un pont sur la Sésia, par où

Mort de Bayard.

1524.

défiloit l'armée. Il se mit à l'arrièregarde avec un corps de gendarmerie pour couvrir son infanterie, et dès la première charge, il fut grièvement blessé. Forcé de se retirer, il laissa le commandement au comte SaintPôl, frère du duc de Vendôme, au capitaine Vandenesse, frère de la Palice, et au chevalier Bayard, toujours chargé des emplois les plus périlleux. Il remit à ce dernier, comme au plus digne, son bâton de général. Honneur tardif, mérité depuis longtemps, et dont le brave chevalier ne devoit jouir qu'un moment! Vandenes se fut tué sur-le-champ; et Bayard, dans la même charge, reçut un coup d'arquebuse qui lui rompit les reins. Affoibli par le sang qui sortoit de sa blessure, la douleur ne lui permettant pas de souffrir le mouvement du cheval, il se fit descendre et appuyer contre un arbre, le visage tourné vers l'ennemi. Bourbon, passant auprès de lui, et poursuivant les fuyards, le reconnut, lui témoigna toute la part qu'il prenoit à sa situation, et combien il avoit pitié de son état. Ce n'est pas de moi! monsieur, lui répondit le mourant, c'est de vous qu'il faut avoir pitié. Je meurs en homme

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de bien; mais vous qui êtes Français et prince du sang de France, vous avez aujourd'hui, contre votre honneur et votre serment, les livrées d'Espagne sur les épaules, et les armes à la main toutes teintes du sang des Français. Bourbon passa confus, sans rien répliquer. Le marquis de Pescaire, général espagnol, fit dresser une tente sur le blessé. Le vice-roi Lannoi, pour le mettre plus commodément, revenant de la poursuite des Français, le fit porter dans sa propre tente, où il rendit son ame à Dieu. Faute de prêtre, il s'étoit ingénument confessé à son maître d'hôtel, et mourut les yeux fixés sur la croix de son épée. « Chevalier sans reproche, « qui avoit su joindre, ce qui est « très-rare, dit Mézeray, les vertus <<< militaires avec les vertus chétiennes, << et la douceur et la courtoisie avec << la hardiesse et la valeur ». Il vécut dans les camps et sans assiduités à la cour; aussi ne voit-on pas qu'il ait acquis de ces dignités lucratives, qui sont quelquefois la récompense de l'adulation; mais il eut l'estime générale. Ce fut de lui, simple chevalier, que François I, ainsi qu'on l'a vu, voulut recevoir l'ordre de la che

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