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côté de la Champagne, le duc de Savoie, 1557. par un mouvement aussi rapide qu'imprévu, alla investir St.-Quentin dont la garnison avoit été affoiblie. La place qui n'étoit fortifiée que par ses marais, n'avoit que trois cents hommes de garnison, point de munitions, et très-peu de vivres. L'amiral de Coligni, neveu du Connétable, et alors neveu chéri, s'y jeta avec cinq cents hommes, qui ne pouvoient tenir long-temps. Montmorenci s'en approcha, et le dix-huit août, jour de saint Laurent, il y fit entrer quelque secours. Protégé par des marais qui le séparoient de la ville et des quartiers ennemis, et qu'on ne pouvoit tourner qu'avec beaucoup de temps, traverser que sur une chaussée étroite, il espéroit avoir le loisir de se retirer. Il se trompa la chaussée plus large qu'il ne l'avoit crue, donna à la cavalerie la facilité de se former dans la plaine. Envain le prince de Condé l'en fit avertir, il trouva mauvais qu'un jeune homme voulût lui app endre son métier, et perdit un temps précieux à achever l'introduction de son convoi au travers du marais. donna enfin l'ordre du départ; mais il avoit à peine fait une lieue que la cavalerie espagnole, commandée par Lamoral,

ou

1557.

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comte d'Egmont, Philippe de Mont-
morenci, comte de Horne, et le prince
de Brunsvick, l'attaquèrent en queue
et sur les deux flancs, l'empêchèrent
de continuer sa route, et donnèrent
à leur infanterie et à leur artillerie le
temps d'arriver. Il fallut combattre : mais
l'imprudence du connétable, sentie et
appréciée par toute l'armée, avoit ôté
toute confiance.Dans le trouble général.
Montmorenci s'adressant à d'Oignon,
viel officier expérimenté : bon homme
lui dit-il, que faut-il faire? Mon-
seigneur, répondit d'Oignon, je vous
l'aurois dit il y a deux heures,
maintenant je n'en sais rien. Il y eut
à peine de la résistance; en un moment
l'armée française fut mise en désordre,
enfoncée et dispersée. Voyant qu'il
n'y avoit plus de ressource, et honteux
de survivre à sa faute et à sa défaite,
le connétable s'étoit jetté au milieu des
ennemis. Il fut blessé, fait prisonnier
et une multitude de seigneurs avec lui.
On n'avoit pas songé à la retraite
et personne n'y pourvut. Les vainqueurs
poursuivirent les fuyards jusqu'à la
Fère, et jonchèrent la terre de morts.
et de blessés. On fait monter la perte
des Français entre huit et dix mille
hommes tous les bagages, toutes les

tentes, les vivres et les canons furent 1557. perdus. L'ennemi ne perdit que quatrevingts hommes.

toire.

Cette terrible défaite ouvroit aux Les Espaennemis le chemin de la capitale: aussi gnols ne profitent point dit-on, que lorsque Charles-Quint en de leur vicapprit la nouvelle dans sa solitude son premier mot au messager fut: Mon fils est-il à Paris? Il n'est pas constant cependant que c'eût été le parti le plus sage, à cause des garnisons que l'armée espagnole eût laissée derrière elle, et qui gênant les convois, auroient pu mettre ses subsistances au hasard. Quoiqu'il en soit, la prospérité fit sur les ennemis le même effet que la terreur sur les Français. Ceux-ci avoient fui en désespérés ; ceuxlà, comme s'ils étoient stupéfaits de leur victoire, n'en profitèrent pas. Au lieu d'avancer sur Paris, qui étoit dans la plus grande consternation, Philippe II, qui n'arriva à son armée qu'a près la bataille, retourna contre St.Quentin. La ville fut prise d'assaut. Coligni, qui resista jusqu'à la fin, fut fait prisonnier. La plupart des seigneurs et des capitaines se sauvèrent à temps par les marais. Les ennemis s'amusèrent ensuite à prendre les petites villes du Catelet, de Ham, de Noyon. Pen

1557.

dant ce temps, le duc de Nevers rassembla les débris de l'armée, côtoya les ennemis et les inquiéta. Les Suisses, engagés pour la France, hâtèrent leur marche. Les troupes d'Italie furent rappelées. Guise arriva le premier, et fut déclaré généralissime, ou lieutenant général du royaume. Les Allemands et les Flamands de Philippe, chargés de butin, désertèrent par bandes ; et les Anglais voulurent retourner dans leur île pour s'opposer aux Ecossais; il ne resta à Philippe que des Italiens et des Espagnols, trop éloignés de leur pays pour songer à aller y cacher le produit de leurs pillages; de sorte qu'après une si grande victoire, qui devoit être décisive, il se vit contraint de regagner la Flandre, enrichi de trois ou quatre villes, seul prix de tout le sang qui avoit été répandu. La France perdit en Italie les dangereux alliés qui lui avoient mis les armes à la main. Le pape plus sincèrement attaché à la France que ses neyeux, avoit hâté lui-même le départ de Guise et s'étoit résigné à demander la paix, mais il la voulut honorable et son inflexibilité ordinaire la lui obtint. Les barous rebelles continuèrent à être sacrifiés, les Caraffes furent ménagés, et Paul, leur oncle, envoya

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aux deux rois une exhortation pathétique de faire la paix. Le duc de Fer rare enfin, qui s'attendoit à être sacrifié, par l'Espagne, et que devoit attaquer Octave Farnèse qui avoit déserté le parti de la France, fut sauvé par la médiation de Cosme de Médicis, dont la politique appréhendoit la prépondérance de l'Espagne en Italie.

1557.

Prise de Ca lais.

se 1558.

Guise, qui croyoit être venu au secours d'un royaume défaillant, trouvant, au contraire, à la tête d'une armée florissante, signala le commencement de son généralat par une action d'éclat, propre à relever le courage des Français. Depuis deux cent dix ans que la ville de Calais étoit entre les mains des Anglais, nos rois avoient plusieurs fois inutilement tenté de la recouvrer. Aussi cette ville passoit pour imprenable. La mer d'un côté, un marais de l'autre, traversé par une chaussée étroite coupée par des forts, sembloient en défendre toute approche ; aussi le duc ne fut-il pas peu étonné quand le roi lui fit la proposition de l'attaquer. Mais Senarpont, gouverneur de Boulogne, qui en possédoit le plan, pour l'avoir levé lui même par parties, en différentes visites qu'il avoit faites à Calais, en avoit reconnu

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