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ACTE PREMIER.

Le rideau fe leve. La scène représente une cellule de la plus grande fimplicité. A gauche, à peu de diftance du mur, eft un cercueil, aux pieds duquel fe voit une lampe allumée. Du même côté, plus fur le devant de la fcène, eft un Prie-Dieu fur monté d'un Crucifix que foutient une tête de mort: fur le Prie-Dieu, font des livres de dévotion. On obfervera que quelques chaifes de paille cachent us peu le cercueil aux perfonnes qui entrent dans la cellule. Le jour commence à paraltre.

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SCENE PREMIERE.

EUPHEMI Efeule, appuyant une main

fur fon cercueil, dans l'attitude une perfonne qui fe leve::

Quoildans ce lit funèbre (1), arrofé de mes larmes,,

Où veillent avec moi d'éternelles allarmes,.

Où fans ceffe ma fin à mes yeux vient s'offrir,Où mon cœur, chaque jour, doit apprendre mourir,

Dans ce même cercueil, qui contiendra ma cendre, J'ofe encor m'occuper d'un fouvenir trop tendre,, Que dis-je ? d'un amour réprouvé par le ciel!

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Elle quitte le cercueil, &va se jetter avec précipitation aux pieds du Prie-Dien.

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Ne fçaurois-tu dompter ce penchant criminel,.
O mon Dieu? Ton épouse à tes pieds gémiffante
Implore ton fecours, ta grace, fi puiffante;
A ton ordre, les vents s'irritent, font foumis;
Tú fouleves les mers, & tu les applanis;
Ton fouffle allume, éteint la flamme du tonnerre;
Tu changes, quand tu veux, la face de la terre;
Et tu ne peux changer, & rappeller à toi
Une ame qui t'échappe, & qui trahit sa foi!

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(1) On fe fouviendra qu'il y a des Religieufes dont l'ufage eft de coucher dans leur cercueil.

Tu ne peux appaifer ces troubles, cet orage
Qui trompent ma faibleffe, & laffent mon courage!:
Détruis des fentiments fi coupables, fi chers;

Brife un cœur révolté, qui traîne d'autres fers
Que ceux, dont pour jamais tes mains m'ont
enchaînée..

Qu'est-ce que la vertu du ciel abandonnée ?

La mienne en vain réclame un impuiffant devoir. Dieu, pour vaincre Euphémie, il faut.. tout ton pouvoir.

Elle fe profterne plus profondément, & en pleurant

amèrement.

Mes prières, mes pleurs devant toi fe répandent; Que dans mon fein la paix, le pur amour defcendent! Fais ceffer mes combats, mes infidélités; Triomphe, règne feul fur mes fens agités.

Elle embraffe de fés deux mains la tête de mort. Et toi, qu'avec horreur tout mortel envisage, Ton filence m'inftruit.. oui, je vois mon image! Voilà, voilà les traits, par qui je veux charmer! C'eft moi, que je contemple, ô ciel!. & j'ofe aimer!.

Elle eft penchée vers la terre, dans l'attitude de la profonde douleur.

J'expire!

SCENE II.

EUPHÉMIE, MÉLANIE.

EUPHEMIE, fe relevant avec préci pitation, & allant vers Mélanie.

Ex bien, ma fœur! ce pieux folitaire,

H

Par qui la vérité nous parle & nous éclaire,
Viendra-t-il ranimer ma mourante vertu,
Affujettir un cœur trop long-temps combattu,
Soumettre à mes devoirs ma faibleffe indocile?
MÉLANIE.

Vous le verrez bientôt fur les pas de Cécile;
C'eft fa voix qui l'appellé en ce féjour facré.
Mais, à quel trouble affreux votre esprit eft livré!
Pouvez-vous fous le voile, & ma chere Euphémie,
Nourrir fans efpérance une flamme ennemie,
Le poifon dévorant d'un amour insensé ?
Malgré votre raifon, & le ciel offenfé,
Un objet, qui n'eft plus, vous occupe fans ceffe!
La mort..

EUPHEMIE, avec vivacité.

La mort n'a pu lui ravir ma tendreffe. Il vit, il vit toujours dans ce cœur déchiré, Et fouvent à Dieu même il s'y voit préféré. Je ne veux point cacher tout l'excès de mon crime:

Plus que jamais, l'amour s'attache à fa victime;
Il s'arme contre moi des ombres de la nuit;
Jufques dans ce cercueil fa fureur me poursuit;
J'y voulois dépofer le poids de mes allarmes ;
Mon œil appéfanti fe fermoit dans les larmes;
Mon ame, qui cédoit aux horreurs de fon fort,
S'effayoit à dormir du fommeil de la mort :
Quel fonge! quel fpectacle a frappé ma paupiere!
Un lugubre flambeau me prêtoit fa lumiére;
J'égarois mes ennuis, mes tourments, mes remords,
A travers les tombeaux, les spectres & les morts:
Un éclair brille & meurt dans ces vaftes ténèbres;
Un cri m'eft apporté par des échos funèbres.
La terre gronde, & laiffe échapper de fes flancs
Un fantôme, entouré de fombres vêtemens;
Un glaive étinceloit dans fa main menaçante;
Il s'avance à grands pas, me glace d'épouvante,
S'approche, offre à mes yeux.. je reconnais Sinval,
Sinval, de l'Eternel audacieux rival,

Sinval, que je devrois repouffer de mon ame,
Qui toujours y revient avec des traits de flamme..
Viens, fuis-moi, m'a-t-il dit, suis ton premier
,, époux;

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Ceffe de m'opposer l'autel d'un Dieu jaloux.

L'autel, pour m'arrêter, n'a point de privilége." Soudain fous les efforts de fon bras facrilége, Mon voile fe déchire.. infenfible à mes cris, Parmi le fang, la mort, & fes affreux débris,

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